La Russie vue par la presse de la CEI et des pays baltes

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ESTONIE

Après l'annonce d'une fuite de pétrole survenue le 29 juillet dernier sur l'oléoduc Droujba, un des principaux pipelines alimentant l'Europe, les journaux estoniens affirment que l'accident serait l'oeuvre de Moscou, soucieux de se venger de la Lituanie pour avoir vendu la raffinerie Mazeikiu Nafta au polonais PKN Orlen. "La Russie se sert des travaux de réparation pour instaurer un blocus pétrolier contre la Lituanie. Selon les observateurs, la Russie cherche ainsi à faire pression sur le groupe polonais PKN Orlen, acquéreur de Mazeikiu Nafta" (SL Ohtuleht, 04.08).

La décision du Tribunal d'arbitrage de Moscou validant la faillite de Ioukos est présentée comme politique, les autorités russes étant déterminées à étatiser le secteur pétrolier. "L'effondrement de Ioukos est un moment crucial dans le règne de Vladimir Poutine qui démontre que la Russie n'est prête à se libéraliser que dans le cadre strictement défini par l'Etat. Les observateurs estiment que le Kremlin entrevoyait dans l'influence de Mikhaïl Khodorkovski un défi lancé à son pouvoir" (SL Ohtuleht, 03.08). "L'attaque lancée contre Ioukos couronnée par une procédure de faillite a des dessous politiques. Le gouvernement russe avait dès le début l'intention de démanteler Ioukos... Nombreux sont ceux, par ailleurs, qui voient dans l'affaire Ioukos le souci de l'Etat russe de reprendre le contrôle des immenses réserves de pétrole nationales" (Delfi, 02.08).

LETTONIE

La presse lettonne met en doute les déclarations officielles expliquant l'arrêt des livraisons de pétrole à la raffinerie lituanienne Mazeikiu Nafta. "La coupure des livraisons de pétrole à la Lituanie est expliquée par la nécessité de baisser la pression dans le tronçon de l'oléoduc passant par la région de Briansk où un accident s'est produit fin juillet. Cependant, l'hypothèse la plus plausible serait la volonté du Kremlin de punir la Lituanie pour avoir vendu Mazeikiu Nafta au polonais PKN Orlen au lieu de le vendre aux russes Rosneft et Gazprom. Cette hypothèse est aussi confirmée par le fait qu'en dépit de la rupture de l'oléoduc, la raffinerie biélorusse Naftan continue d'être approvisionnée, ce qui alimente les doutes autour du monopole des oléoducs russes Transneft, soupçonné de profiter du petit accident pour punir la Lituanie en lui coupant les livraisons" (Neatkariga Rita Avize, 04.08).

LITUANIE

La coupure des approvisionnements en pétrole russe est l'un des sujets phares de cette semaine dans les médias de langue lituanienne. La principale hypothèse est la vengeance politique du Kremlin pour la vente "injuste" de la raffinerie Mazeikiu Nafta. "Le tarissement des oléoducs n'est pas dû à l'accident qui s'est produit dans la région de Briansk, il s'agit d'une décision politique du Kremlin, car il y a suffisamment de preuves qui le confirment. Premièrement, la Biélorussie, quoique alimentée par le même oléoduc, semble ne pas en avoir souffert un instant. Deuxièmement, une semaine après l'accident, on murmure en Russie que le pétrole destiné à la raffinerie Mazeikiu Nafta serait réorienté vers les ports ukrainiens et que la Lituanie en serait privée pendant un an. Il n'y a jamais eu de débat ouvert sur la relance entre les parties d'une coopération commerciale normale, mutuellement avantageuse, mais aussi supposant la responsabilité réciproque" (Lietuvos Rytas, 07.08).

Les experts notent qu'une coupure durable des livraisons en raison du mauvais état des infrastructures d'exportation russes pourrait miner la confiance de l'Europe vis-à-vis des fournisseurs russes et nuire même à la compagnie Transneft. "Cet incident donnera à l'Occident un nouveau prétexte pour mettre en doute la fiabilité de la Russie en tant qu'exportateur d'hydrocarbures. Les médias étrangers remettent déjà en question la fiabilité du deuxième exportateur mondial de pétrole: le système des transports par oléoduc bâti à l'époque soviétique est en train de s'effondrer, et il serait naïf de croire aux livraisons régulières durables" (Lietuvos Zinios, 07.08).

UKRAINE

Certains journalistes expliquent le succès du Parti des régions et de son leader, Victor Ianoukovitch, par l'aspiration d'une grande partie des électeurs à faire revenir le pays à une politique pro-russe.

"La motivation des électeurs est assez simple et en même temps effrayante: ils ont voté pour les orthodoxes, contre les "Américains", pour la langue russe et pour l'alliance avec la Russie. Dans cette motivation, l'Ukraine est totalement absente. Les composantes politique, économique, sociale et idéologique en général sont également absentes. Ils n'ont pas voté pour l'Ukraine, ils ont voté pour la Russie et contre l'Ukraine" (Obozrevatel, 02.08).

Les experts désapprouvent l'orientation de l'Ukraine vers un partenariat stratégique avec la Russie, y voyant une menace pour la souveraineté de l'Etat.

"Si tout est fait pour obtenir la bienveillance de la Russie, on pourra faire le deuil du pays. La Russie ne donnera rien gratuitement. Elle a ses propres intérêts pétroliers et gaziers. La Russie avait besoin d'une seule chose: faire disparaître en Ukraine l'idéologie et la pratique "orange", qui menaçait les bases de la prétendue "démocratie dirigée" en Russie (Den, 04.08).

MOLDAVIE

Le retour des vins moldaves sur le marché russe est toujours une des questions d'actualité. Selon des sources officielles, le Service fédéral russe pour le contrôle de la protection des droits des consommateurs (Rospotrebnadzor) étudie le plan proposé par l'agence agroalimentaire moldave Moldova-Vin qui comporte une série de mesures entreprises par la Moldavie en vue de contrôler rigoureusement la qualité de l'alcool produit dans la république. Selon le directeur général de l'agence, V.Mironescu, l'attachement des Russes aux boissons alcoolisées moldaves permettra à ces derniers de conserver leur créneau sur le marché russe.

"Les Russes aiment les vins moldaves, avec les qualités gustatives qui leur sont caractéristiques, et n'y renonceront jamais. Leur perception des qualités des vins moldaves est déjà un phénomène génétique" (Infotag, 03.08).

ARMENIE

Pour renforcer son influence au Caucase du Sud, Moscou ne manquera pas de profiter du fait que les Etats-Unis sont actuellement absorbés par le règlement au Proche-Orient, estiment les experts. "Les zones d'influence russes en Géorgie (Abkhazie, Ossétie du Sud et partisans de l'ex-président géorgien Edouard Chevardnadzé) se regroupent de nouveau, et nul n'ignore que c'est toujours la Russie qui se tient derrière. Elle laisse tout simplement entendre au président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, que la "guerre du vin" n'est que le début, et qu'il y a bien d'autres moyens encore de retenir la Géorgie dans la zone d'influence russe... La situation actuelle profite énormément à la Russie, les Etats-Unis s'étant enlisés dans la guerre au Proche-Orient" (168 jam, 02.08). "Ce n'est certes pas par hasard que parallèlement à l'invasion des troupes israéliennes au Liban, la situation tout au long de la frontière russo-géorgienne s'aggrave de plus en plus... Il faut (à la Russie) équilibrer cette longue chaîne de guerres qui part du sud par la formation d'un "front nord". Cela lui est nécessaire car la Russie ne réussit toujours pas à utiliser l'Iran qui devient de plus en plus indépendant dans le "grand marchandage" avec l'Occident. Quoi qu'il en soit, il est évident qu'avec l'affaiblissement du vecteur antioccidental de l'Iran et l'entraînement de ce pays dans un conflit armé contre Israël et les Etats-Unis, la Russie risquera de perdre à jamais le Caucase du Sud et l'Asie Centrale" (Hayots Ashjhar, 02.08).

GEORGIE

Les médias parlent de plus en plus souvent de l'agressivité de la Russie. Ces derniers temps, estiment les journalistes, la pression de la Russie sur la Géorgie a atteint son comble. "Notre histoire contemporaine est en train de traverser aujourd'hui l'un de ses moments les plus critiques. L'impérialisme russe aménage un piège pour occuper et annexer la Géorgie pour la troisième fois, et pour y arriver, il ne ménage pas ses efforts. Sur fond de guerre libano-israélienne, la Russie dispose d'un moment propice pour annexer la Géorgie" (Rezonansi, 07.08). "Ces derniers jours, le ministre russe de la Défense et son ministère ont fourni un exemple d'immoralité politique, en qualifiant notamment de "prétendu" le gouvernement légitime de l'Abkhazie et de légitime le régime séparatiste de Soukhoumi. Ainsi, la Russie "pacificatrice" ne se présente plus en médiateur, mais en partie au conflit épaulant le régime séparatiste. Les Géorgiens osent lancer une opération militaire près de la frontière de la Russie et s'ils font ne serait-ce qu'un pas du côté des soldats de la paix, cela ira très mal, met en garde Sergueï Ivanov. Mais qui demande à la Russie dans quel village géorgien nous pouvons installer provisoirement telles ou telles autorités? Nul doute que tant que la Russie ne renoncera pas à son agressivité et que l'ensemble de la communauté internationale ne l'obligera pas finalement à se taire, rien ne pourra aider la Géorgie" (Sakartvelos Respublica, 03.08).

AZERBAIDJAN

Les éditions d'opposition estiment que les derniers propos publics du leader du Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR) et vice-président de la Douma Vladimir Jirinovski au sujet de la situation au Proche-Orient et ses évaluations extrêmement négatives de l'Azerbaïdjan, s'ils n'ont pas été inspirés personnellement par le président Poutine, l'ont été au moins par son administration. "Les paroles du président du LDPR, qui exerce les fonctions de "bouffon de la cour" auprès du président russe, ses propos tout à fait absurdes à première vue trouvent rapidement leur place dans la politique du Kremlin... Selon certains analystes, l'éventualité d'un changement de pouvoir en Azerbaïdjan évoquée par cet individu ne serait en fait qu'un scénario préparé dans les couloirs du Kremlin... En effet, Jirinovski qui accuse Bakou de mener une politique pro-iranienne n'a fait au fond qu'exprimer à haute voix cette menace à l'endroit de l'Azerbaïdjan que le Kremlin ne cesse de répéter depuis 1996, bien que sous une forme un peu plus souple... Les plans actuels du Kremlin envisagent de punir l'Azerbaïdjan si ce dernier n'abandonne pas l'orientation pro-occidentale de sa politique et ne renonce pas à l'intégration à l'Alliance de l'Atlantique Nord et à l'Union européenne" (Express, 02.08).

Les médias se sont montrés plutôt critiques à l'idée du parti russe SPS (Union des forces de droite) de créer une Internationale libérale dans l'espace de la Communauté des Etats indépendants (CEI). "A présent, tous les démocrates essaient de faire bloc uni dans l'espace de la CEI. Par exemple, le bloc politique russe Union des forces de droite a récemment avancé l'idée de créer dans l'espace de la CEI une Internationale libérale qui regrouperait les partis du centre droit... Quoi qu'il en soit, la perspective d'une consolidation des forces de droite dans l'espace de la Communauté des Etats indépendants ne promet rien de bon... Pire, la perspective d'une coopération de toutes les forces de droite de la CEI est aujourd'hui pratiquement nulle " (Zerkalo, 03.08).

KAZAKHSTAN

La chute du lanceur russo-ukrainien Dniepr avec 18 satellites de cinq pays sur le territoire kazakh a été au centre d'attention des médias. Tant que Moscou n'a pas précisé le préjudice porté par l'accident au Kazakhstan, les journalistes ont mis l'accent sur l'intention russe de cacher les informations sur la catastrophe et son échelle. "La partie russe a fourni des informations contradictoires sur le lieu de la chute du lanceur dans les premières heures suivant l'accident, ce qui a empêché aux autorités de prendre des mesures adéquates" (Kazakhstanskaïa pravda, 03.08). "La partie russe affirme que les régions attenant au cosmodrome de Baïkonour ne sont pas contaminées par de l'heptyle. Ce combustible spatial aurait pu brûler au contact du sol. Toutefois, Mels Eleoussizov, patron de l'organisation écologiste Tabigat, considère que Moscou affirme exprès que l'accident de Dniepr n'a pas porté préjudice à l'écologie du Kazakhstan. La Russie ne sera ainsi pas obligée de payer une compensation importante... Les Russes ne se pressent pas trop de retrouver les débris et déclarent toujours que le combustible a brûlé en totalité avant d'appeler les Kazakhs à ne pas pleurnicher, parce que tout est payé à l'avance" (Navigator-II, 02.08).

KIRGHIZIE

La presse d'opposition est stupéfaite par la nomination de l'ancien Premier ministre kirghiz Nikolaï Tanaïev au poste de directeur général de la société russe GazpromNeftInvest. "L'ex-Premier ministre fait l'objet de plusieurs poursuites judiciaires en Kirghizie... On ne comprend pas pourquoi les Russes ont soutenu le Premier ministre en cavale. Sa nomination à un poste important au sein de la plus grande société russe suscite trop de questions..." (Enesai, 04.08).

OUZBEKISTAN

Les médias sont préoccupés par l'intention de la société russe RusAl de moderniser l'usine d'aluminium du Tadjikistan. Ils redoutent que l'extension de sa capacité de production ne provoque l'aggravation de la situation écologique déjà problématique dans les régions ouzbèkes exposées aux rejets de l'usine. "Les problèmes relatifs à l'usine d'aluminium du Tadjikistan deviennent de plus en plus préoccupants compte tenu des projets de RusAl de reconstruire l'entreprise... L'augmentation de la capacité de production de l'usine signifie une catastrophe écologique" (Zerkalo, 04.08).

TADJIKISTAN

La signature par le président russe du décret "Sur les mesures de soutien à la migration volontaire en Russie des compatriotes résidant à l'étranger" a eu un large écho dans les médias. Les journalistes s'intéressent surtout aux mécanismes de réalisation du futur programme russe. "La Russie a trouvé un moyen d'améliorer sa situation démographique, de redresser l'économie de certaines régions et les habitants des anciennes républiques soviétiques peuvent désormais changer leur condition sociale et économique... [Mais] qu'est-ce que signifie le terme "compatriotes"? Est-ce que ce sont les Russes ou tous les anciens habitants de l'URSS qui avaient un même pays et une grande Patrie?" (Vecherny Dushanbe, 03.08).

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