Question: Pourquoi les autorités cubaines ont-elles publié la lettre de Castro sur la passation du pouvoir à Raul de cette façon si inhabituelle pour elles?
Réponse: Je vois deux scénarios possibles. Le premier: Castro est mort et les autorités taisent la nouvelle. Mais je n'y crois pas. La lettre a été lue par son secrétaire, Carlos Valenciaga, qui relève de Fidel et non de Raul. Conformément aux directives formulées par Fidel, les structures dans le pays sont inchangées, ses compagnons d'armes restent tous à leur poste. Cela indique que le chef n'a pas perdu le contrôle de la situation.
Q: Mais qu'est-ce que cela peut bien signifier?
R: Je pense que Castro entend lui-même voir comment se fera la transmission du pouvoir au successeur, comment ses autres frères d'armes et la nation tout entière réagiront à la chose. Il est possible que ce soit là un artifice, une certaine manoeuvre pour conserver la contrôle de la situation.
Q: Vous pensez que Fidel reprendra la direction du pays?
R: Non, je ne le pense pas. Il annoncera peut-être son départ lors d'une session de l'Assemblée nationale. Elle devrait se tenir le 2 décembre, pendant la commémoration de l'anniversaire des forces armées de Cuba, c'est à cette date qu'a été reportée la célébration des 80 ans d'el commandante (Castro aura 80 ans le 13 août). A ce moment un gouvernement avec un nouveau chef à sa tête sera opérationnel dans le pays.
Q: Qu'est-ce que Castro fera ensuite? Assumera-t-il un rôle de leader spirituel comme Deng Xiaoping en Chine?
R: Il pourrait tout simplement jouir d'un repos bien mérité. S'occuper de ses petits-enfants, écrire des mémoires. C'est que Fidel a toujours voulu écrire. Mais cela ne l'empêchera pas de continuer de contrôler le pays. Parce que cela sera son gouvernement, c'est pourquoi Castro a voulu le constituer de son vivant. Et il a trouvé cette formule idéale de transmission du pouvoir à ses compagnons d'armes.
Q: Par conséquent, les prévisions de la plupart des experts américains selon lesquelles le régime de Castro s'en ira avec lui pourraient ne pas se réaliser?
R: La situation économique à Cuba n'est pas mauvaise: le président vénézuélien, Hugo Chavez, donne du pétrole, la Chine fournit une aide elle aussi. Cette année Cuba devrait afficher un taux de croissance économique de 8%. Dans ces conditions, qui accepterait de lâcher les rênes du pouvoir?
Q: Cependant, Raul n'a pas les qualités de chef que Fidel possède pleinement.
R: Raul est un homme organisé, mais il n'a pas la flamme et l'inspiration de Fidel. Sous le nouveau gouvernement des changements pourraient être entrepris. Par exemple, les autorités pourraient libérer les détenus politiques. Pas tout de suite (pour ne pas montrer sa faiblesse et ne pas envoyer de faux signaux), mais plus tard. Certains dissidents pourraient être autorisés à se faire élire à l'Assemblée nationale. Très probablement des négociations commenceront avec les Etats-Unis. Cette possibilité avait déjà été envisagée par Raul.
R: Dans quelle mesure les forces armées cubaines sont-elles soudées? Des experts prédisent une rébellion en cas de réformes.
R: Les organes de sécurité sont très puissants à Cuba. Le contrôle qu'ils exercent sur les forces armées est particulièrement rigoureux. La moindre incartade y est impossible. D'autre part, la situation est actuellement très calme sur l'île. Personne ne souhaite ni effusion de sang, ni revanche ni violence.