"La guerre a pris au dépourvu tous les Etats arabes", a déclaré mardi dans une interview à RIA Novosti Abdel-Moneim Saïd, directeur du Centre d'Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram au Caire.
Selon l'expert égyptien, cela se rapporte en premier lieu au gouvernement libanais qui se préparait à l'afflux estival de touristes et à un essor économique, tout en s'occupant tranquillement des problèmes quotidiens du pays.
"Le peuple libanais s'est confronté à une guerre à laquelle il ne s'était pas du tout attendu", a souligné Abdel-Moneim Saïd.
Ce disant, le directeur du CEPS a rappelé que la résistance islamique au Liban n'avait informé ni la direction du pays ni ses structures de force de son opération en gestation (enlèvement de militaires israéliens).
"Quand le Hezbollah préparait son opération d'enlèvement de soldats israéliens, il était évident que la riposte de l'Etat hébreu serait violente. Il aurait fallu préparer le Liban et le peuple libanais à une telle évolution de la situation", est l'avis de l'expert.
"Le prix que le peuple libanais a eu à payer est énorme. On assiste à présent à la destruction totale du Liban, comme cela avait été le cas pendant la guerre civile et l'invasion israélienne dans les années 1980", a-t-il ajouté.
Quoi qu'il en soit, Abdel-Moneim Saïd doute que les pays arabes soient prêts à accorder une assistance militaire au Liban qui est aujourd'hui agressé par un ennemi qui le dépasse de loin d'après la force et ce, bien que les Etats arabes en aient la possibilité.
"C'est que chaque pays arabe doit se rendre bien compte du prix qu'il devra payer pour une telle assistance", a supposé l'expert égyptien.
"La guerre, c'est une horreur, et elle coûte très cher, alors que chaque Etat arabe a ses problèmes quotidiens à régler et ses plans de développement", a fait remarquer Abdel-Moneim Saïd.
Selon ce dernier, la Ligue arabe s'est soustraite à la solution du problème, préférant renvoyer le "dossier libanais" devant le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies où le rapport des forces n'est manifestement pas en faveur du Liban.
"Le CS de l'ONU a déjà examiné la crise au Liban sans adopter pour autant de résolution sur le cessez-le-feu", a signalé l'expert.
"Je ne sais pas pourquoi Amr Moussa (secrétaire général de la Ligue arabe) et la Ligue dans son ensemble ont adopté une telle décision à l'étape actuelle. Ce n'est pas une démarche politique sérieuse", a relevé le directeur du CEPS du Caire.
Selon Abdel-Moneim Saïd, l'implication de la Syrie voisine dans les hostilités est très peu probable, car Israël lui-même n'y tient sans doute pas. Néanmoins, admet l'expert, un tel revirement serait possible si la Syrie essayait, par exemple, approvisionner en munitions la résistance islamique au Liban, et qu'Israël frappait sur de telles voies d'approvisionnement.
"Je pense toutefois que tant la Syrie qu'Israël chercheront à éviter à tout prix une confrontation directe", a supposé l'expert.
Parlant des hostilités au Liban, il a fait remarquer que le Hezbollah a réussi à faire des "surprises" à l'Etat hébreu.
"La résistance libanaise a prouvé sa capacité de porter des coups douloureux sur Israël et a même réussi à faire des "surprises" auxquelles l'Etat hébreu ne s'était manifestement pas attendu", a souligné Abdel-Moneim Saïd.
"Pourtant, je ne crois pas que le Hezbollah ait obtenu un changement quelconque dans la balance des forces", a-t-il repris.
Comme l'a également indiqué l'expert, l'ampleur de l'opération israélienne montre explicitement qu'Israël poursuit aussi d'autres objectifs que celui de délivrer de la captivité ses soldats.
"Les Israéliens veulent revoir tout le système de dissuasion dans la région", a-t-il expliqué.
"Les forces islamiques radicales dressent la tête dans la région, et Israël donne l'impression de les dissuader", a poursuivit Abdel-Moneim Saïd.
Evoquant les efforts diplomatiques de cessez-le-feu au Liban, le directeur du CEPS a constaté qu'ils se trouvaient encore au stade très précoce, alors les contradictions entre les parties adverses sont très profondes.
"Le Hezbollah se sent fort à un tel point qu'il rejette toute concession sur la question de la remise en liberté des soldats israéliens. Pour sa part, Israël le considère comme sa tâche essentielle", a indiqué l'expert.
Il faudra du temps pour connaître les résultats des hostilités, ainsi que pour mettre au point un vrai projet d'accord de cessez-le-feu, a-t-il dit.
"Toujours est-il que rien de sérieux ne se produira sans doute pas d'ici la semaine prochaine", a supposé Abdel-Moneim Saïd.
"Quoi qu'il en soit, tant que les hostilités se poursuivront, je n'exclus pas que le Liban puisse se transformer en un autre Irak, Palestine ou Soudan", a conclu le directeur du Centre d'Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d'Al-Ahram.