Marketing: le president-placement à la russe, ou comment tirer parti du support Poutine

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Le product-placement coûte souvent des centaines de milliers de dollars, mais le président russe, qui se manifeste sur le petit écran avec une montre Patek Philippe ou en complet de chez Brioni ne prend pas d'argent pour la publicité, affirme le quotidien russe Vedomosti dans un article intitulé "President-placement".
MOSCOU, 8 juillet - RIA Novosti. Le product-placement coûte souvent des centaines de milliers de dollars, mais le président russe, qui se manifeste sur le petit écran avec une montre Patek Philippe ou en complet de chez Brioni ne prend pas d'argent pour la publicité, affirme le quotidien russe Vedomosti dans un article intitulé "President-placement".

Il est vrai que pour les producteurs des objets portés par le chef de l'Etat, cela ne peut être qu'un sujet de vanité qui n'augmentera jamais les ventes, de l'avis des spécialistes.

Pour sa visite en Chine cette année, Vladimir Poutine a changé sa Patek Philippe Perpetual Calendar en or blanc, qu'il portait depuis plusieurs années déjà, pour une Breguet Marine, a confié à Vedomosti, sous couvert de l'anonymat, un agent du groupe Mercury (distributeur de Breguet en Russie). A ses dires, "le public a tout de suite remarqué ce détail qui n'est pourtant pas le plus évident et les montres "comme celle de Poutine", d'une valeur de 30.000 euros, ont disparu des boutiques russes en quelques jours".

Sur la page web du président, les internautes peuvent voir des photos du chef de l'Etat russe dans une combinaison écarlate de ski alpin portant le logo Mizuno. Kirill Medvedev, brand-manager de Pro Atletiks ZAO, distributeur russe de la maison nipponne, affirme que c'est là un "digne argument contre les concurrents".

Bien des hommes d'affaires et des fonctionnaires copient le style poutinien: ils portent, comme lui, leur montre au poignet droit ou promènent en laisse des labradors noirs. En Russie il est d'usage d'imiter les grands chefs, ajoute Sergueï Tsatouriants, partenaire gérant d'International Talent Agency (ITA). "Si le président a choisi quelque chose, cela entraine une réaction en chaîne. Tout de suite les hauts fonctionnaires s'offrent un objet identique, puis ceux des rangs moyen et inférieur, et l'objet devient à la mode", explique-t-il.

Les contacts de Poutine avec une structure financière peuvent devenir une puissante ressource publicitaire, estime la directrice de la publicité de la société de conseil Finexpertiza, Irina Zelenkova. Mais le personnel de la Banque PSB de Saint-Pétersbourg, dont Poutine avait détenu 23 actions (0,00025% du capital social) avant 2003, a refusé de commenter l'influence du chef de l'Etat sur la réputation de l'établissement. Un ancien employé de la banque a cependant avoué au quotidien que cette information avait été utilisée lors de négociations en privé.

Ce sont les restaurateurs, et non seulement russes, qui exploitent le plus activement le nom du président. Au cours de sa visite en République Tchèque, en mars dernier, Vladimir Poutine a fait un arrêt imprévu à Prague pour boire une bière dans le petit restaurant "U Karlova Mosta". "Cet événement a fait grandir sensiblement la clientèle. Maintenant, beaucoup de clients font la même commande que votre président: de petits saucissons cuits au raifort et une chope de Pilsner Urquell", a confié à Vedomosti un employé du restaurant, Radek Horvat. Cette commande coûte dans les 8 dollars.

Le restaurant Podvorié, dans les environs de Saint-Pétersbourg, propose depuis six ans déjà de goûter, pour 65 euros, le "Menu commandé par le président Poutine le jour de son anniversaire". Poutine avait fêté dans cet établissement son premier anniversaire après avoir été élu président.

Moscou peut être fier de l'attention accordée par le chef de l'Etat au restaurant Tsarskaïa okhota (Chasse impériale). Poutine y avait invité en 2000 son collègue kazakh Noursoultan Nazarbaïev. Le premier président russe, Boris Eltsine, l'avait fréquenté avant Poutine. Le bar Pivnouchka, qui avait reçu il y a six ans la visite du président russe en compagnie du premier ministre britannique Tony Blair, exploite activement ce fait à des fins publicitaires.

Il existe peu de cas où le président russe s'est retrouvé devant les caméras de télévision à côté d'un produit ou a mentionné une marque en public. Les producteurs de glace et de confiseries ont engagé un débat orageux sur les sujets passés à la télévision russe montrant le président en train d'acheter de la glace Nestlé ou d'offrir du chocolat Korkounov à des enfants. Les sociétés concernées se refusent à évaluer l'effet commercial de cette publicité involontaire.

Aucune agence ne propose un pareil product-placement. D'après une source au sein de l'administration générale de la présidence, cela n'arrive que par hasard.

Par contre, les ordinateurs portables et moniteurs Sony installés dans la salle des réunions du gouvernement russe sont, d'après Sergueï Tsatouriants (ITA), l'un des meilleurs exemples de publicité "au sommet".

Sony a tout simplement eu de la chance, estime Igor Chabdourassoulov, qui avait travaillé de 1994 à 2000 dans l'administration du premier ministre Viktor Tchernomyrdine et des présidents Boris Eltsine et Vladimir Poutine. Il y a six ans, lorsqu'on a choisi Sony pour équiper le cabinet des ministres, personne ne pensait que l'apparition de produits de la maison japonaise sur le petit écran pourrait avoir un effet aussi spectaculaire. "On aurait mieux fait de cacher les logos", a-t-il estimé.

La chance a souri aussi à un autre producteur japonais. Après la fin des derniers Jeux d'hiver, le président Poutine a annoncé devant les caméras de télévision que les champions se verraient offrir en cadeau une Toyota: une Land Cruiser 100 pour les champions et une Lexus EX350 pour les championnes. Le président n'était nullement concerné par le choix des voitures, il a tout simplement annoncé la décision de la Fondation pour le soutien aux athlètes olympiques, a expliqué à Vedomosti un agent de la Direction administrative de la présidence.

L'administration du président exclut toute possibilité d'utilisation commerciale de l'image de Poutine. "C'est impossible. Nous nous efforçons de combattre ce phénomène en prévenant par lettre que cette publicité est contraire à la législation en vigueur", a affirmé le représentant du Kremlin. En règle générale, les sociétés arrêtent tout de suite ce genre de campagnes. Le quotidien n'a cependant pas pu trouver un seul exemple. En ce qui concerne la vodka Poutinka, il est fort douteux que l'administration soit capable de faire quoi que ce soit, a avoué l'interlocuteur du journal. Il est difficile de prouver qu'il y a là un lien direct avec le nom du chef de l'Etat.

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