"e-Homo": le nouvel homme du futur proche

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Par Alexandre Nariniani, de l'Institut d'intelligence artificielle de Russie, pour RIA Novosti.

L'humanité est entrée dans une nouvelle phase de son évolution. Nous nous intégrons dans les technologies de l'information (TI), et ces technologies s'enracinent en nous.

Dans les 10 à 20 ans à venir, c'est-à-dire, encore du vivant de la génération actuelle, l'Homo sapiens contemporain mutera en un "e-Homo", une nouvelle espèce d'humain qui n'aura pas le temps de trop changer du point de vue biologique, mais qui diffèrera qualitativement de plus en plus de l'homme actuel grâce à sa symbiose avec le nouveau milieu des TI.

Ces "e-Homos" n'apparaîtront pas spontanément: on peut dire que nous en sommes déjà, ne serait-ce que dans une petite mesure. Nous ne sommes plus les mêmes qu'il y a vingt ans, bien que nous ne soyons pas non plus tels que nous serons dans un proche avenir.

Une nouvelle étape de civilisation commence. Ce processus concerne tant l'humanité en général que tout individu, sa personnalité, son corps, son mode de vie et même son âme.

Il est évident que dans les décennies à venir, les hommes ne risquent pas d'être insérés dans un réseau global du type de la "Matrice" des frères Wachowski. Mais l'électronique d'aujourd'hui sera remplacée par des technologies des générations suivantes désignées par des termes à préfixes bio-, nano- et beaucoup d'autres, que nous ne connaissons pas encore.

Avec le développement des TI, de plus en plus "d'assistants" artificiels seront implantés dans le corps humain, des puces électroniques jusqu'à toute une armée de micro-robots qui s'occuperont du re-engineering radical de notre organisme.

Comme il s'agit de notre lendemain, et dans une certaine mesure de notre aujourd'hui, le problème "e-Homo" mérite un examen spécifique et attentif.

Dans cet article court, nous serons obligés de nous borner à formuler ce problème, c'est-à-dire examiner superficiellement la question de la civilisation électronique globale qui se profile: d'une part, un océan de possibilités pour "l'e-Homo" dans le domaine de l'enseignement, de la communication, du développement personnel, et d'autre part, l'évolution de l'organisme humain, mais aussi, en troisième lieu, la dépendance croissante de "l'e-Homo" vis-à-vis de son milieu, allant jusqu'au contrôle total.

D'autres thèmes ne sont pas moins intéressants, comme par exemple la culture, le domaine intellectuel, la politique, la guerre et beaucoup d'autres encore, dont chacun mérite d'être étudié en détail si le thème de "l'e-Homo" était développé au cours de notre discussion.

De nos jours déjà, pour nombre de personnes, se trouver privé d'ordinateur, c'est un peu comme devenir sérieusement handicapé: contacts, archives accumulées pendant des années, textes, photos, musique... bref, il s'agit de la perte d'une énorme partie de la personnalité.

En attendant, notre ordinateur est plutôt primitif: pour l'utilisateur ordinaire, ce n'est majoritairement qu'un moyen de télécommunications doté d'un programme de traitement de texte et de jeux. Il est encore loin d'être un bon secrétaire, médecin, assistant en éducation, ce qui sera bien possible dans les 10 à 20 ans à venir.

La révolution des technologies de l'information privilégie les téléphones portables. Il est déjà clair que, étant réuni avec l'ordinateur, le portable accédera bientôt au statut de partenaire électronique qui nous suivra comme une ombre jusqu'à la fin de nos jours.

Dans le contexte d'une telle symbiose, "l'e-Homo" du milieu du siècle vivra durant toute sa vie, à partir de sa naissance, dans une sorte de cocon électronique qui exercera les fonctions d'éducateur et sera son prolongement, son alter ego, qui contribuera à son développement et qui se développera avec lui.

"L'e-Homo" aura accès à toutes les informations et connaissances accumulées par l'humanité, aux technologies globales de calcul et de recherche, aux systèmes d'expertise dans tous les domaines pour faire des analyses, des évaluations, tirer des conclusions et faire des généralisations. En possédant le potentiel d'un individu moyen, cet homme nouveau pourra disposer d'autant de connaissances et de possibilités qu'un (ou même plusieurs) institut de recherche contemporain.

Des micro-robots à l'intérieur de l'organisme humain auront pour tâche de corriger de fond en comble son fonctionnement, d'optimiser le travail de chaque organe, voire de reconstruire l'ensemble du corps humain pour le rapprocher de l'idéal sans faire recours à de longs et fatigants exercices de bodybuilding.

Avec la médecine du futur proche, l'impossible sera possible quant au développement des capacités des handicapés, à la compensation des fonctions défaillantes de l'oeil, de la main, du coeur, etc. Les possibilités de traitement des maladies mentales seront plus riches quant à la diminution de l'agressivité, au traitement de la douleur, la mobilité, etc. Le corps humain sera de plus en plus maniable, jusqu'au niveau cellulaire.

Ici, comme toujours, les limites entre l'influence exercée dans l'intérêt de la personne, de la société ou d'une "partie tierce" sont très conventionnelles et présentent des possibilités de manipulation de plus en plus larges.

Dans la civilisation électronique, on observe des éléments manifestes d'anti-utopie: la transformation de l'Homo en "e-Homo" rend la vie d'un membre de la société transparente dans presque tous les domaines, ce qui fait de l'individu un objet idéal d'influence psychologique ou morale visant à le retourner dans le sens voulu.

La réalité virtuelle s'impose: aujourd'hui déjà, en tournant un film, on peut représenter tout l'arrière-plan à l'aide de l'ordinateur et ce sera moins onéreux (et plus naturel en apparence) que d'organiser un tournage en extérieur. Attendons encore un peu, et les acteurs vivants seront aussi rarissimes et extraordinaires que l'étaient hier des dinosaures virtuels.

Il n'y a aucun doute que la culture de masse possède tout le nécessaire pour devenir le principal commanditaire de l'informatisation totale de cette sphère, c'est-à-dire, d'elle-même.

La virtualité empiète sur l'univers du toucher et des odeurs, dans la sphère des émotions. Dans l'avenir, il sera possible d'établir un contact direct avec votre proche (ou avec son imitation) à n'importe quelle distance.

La nécessité d'une expérience directe se réduit au minimum. Un conducteur débutant pourra avoir ses premiers acquis en sillonnant une Moscou virtuelle dans des conditions qui diffèrent peu des conditions réelles. A l'exception de la possibilité d'avoir un vrai accident de la route.

Demain, une expérience réelle ne sera nécessaire que là où l'objet de l'étude n'est pas encore assez bien analysé pour pouvoir créer sa simulation électronique.

A l'heure actuelle, l'ordinateur s'approprie les fonctions des "cols blancs". Toute l'économie du marché sera bientôt transparente: elle se muera en un tournoi de programmes d'ordinateur. Les vainqueurs se trouveront dans une situation sans issue où l'équilibre des forces sera éternel.

Le fonctionnaire ne survivra pas à cette transformation, devenant un élément virtuel d'une bureaucratie électronique, qui sera virtuelle elle aussi: même les bureaux des personnes habilitées à prendre et à concerter des décisions disparaîtront. Ceci est inévitable, car le volume et l'inefficacité de la bureaucratie s'accroissent à des rythmes fulgurants. Elle devient le problème numéro un pour une évolution stable et raisonnable de l'humanité.

Il est évident que chacun des thèmes soulevés ci-dessus est bien connu. Cependant, il arrive souvent que la somme des faits évidents serve de base à une nouvelle évaluation du tableau général.

La nouvelle civilisation des "e-Homos" est trop proche pour classer cette question dans la catégorie de la science-fiction. Elle approche, on le sent déjà très bien aujourd'hui. Nous apportons nous-mêmes une contribution à sa formation.

Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

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