Irak: Al-Zarqaoui est mort, le spectacle continue

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Par Vladimir Simonov, RIA Novosti

La quatrième année de guerre en Irak inspire moins d'espoir de succès que la première et pousse à monter des coups de théâtre. Mardi, le président des Etats-Unis a effectué une visite éclair, de cinq heures seulement, à Bagdad pour démontrer son soutien au nouveau gouvernement irakien et influer sur l'électorat américain à la veille des préliminaires de novembre prochain.

George Bush, pour utiliser l'expression des surfeurs, s'efforce d'"attraper la vague" soulevée par deux événements, favorables du point de vue des intérêts américains : la formation du premier gouvernement permanent irakien et la liquidation du leader de la cellule irakienne d'Al-Qaïda, Abou Moussab Al-Zarqaoui. Les deux événements heureux ont eu lieu le 7 juin : le premier ministre irakien Nouri Al-Maliki a réussi à distribuer les deux derniers postes vacants de son gouvernement, ceux de ministre de l'Intérieur et de la Défense, tandis que les chasseurs américains ont rasé la maison où se retranchait le terroriste irakien numéro un.

Les organisateurs de la visite éclair du président américain pensaient avoir eu une excellente idée. Une rencontre personnelle entre Bush et Al-Maliki devait sans faute attirer l'attention des médias sur le nouveau gouvernement irakien, rehausser sa réputation parmi la population et, ce qui préoccupe le plus Washington, garantir l'efficacité des nouvelles mesures de lutte contre la résistance armée qui s'amplifie en Irak.

Cette semaine, une épuration massive a démarré à Bagdad. Les dizaines de milliers de soldats américains et irakiens qui ont inondé la ville s'efforcent d'accoutumer la population à respecter le couvre-feu de 20h30 à 06h00 et à lui faire perdre l'habitude de porter des armes sans permis. A Washington, on venait de décider que le gouvernement d'Al-Maliki aurait du mal à donner une leçon aussi instructive sans le soutien du président américain qui s'est tout à coup matérialisé à Bagdad.

Ce spectacle irakien de George Bush était caricatural et vraisemblablement contre-productif.

En effet, de quelle amélioration de la sécurité en Irak peut-il s'agir quand, pour se déplacer dans ce pays, le président des Etats-Unis est obligé de duper son entourage (lundi soir, il a quitté une réunion sous prétexte de la "nécessité de lire avant d'aller au lit"), de désinformer la presse mondiale (elle s'était rassemblée à Camp David en vue d'un duplex entre l'administration américaine et les autorités irakiennes) et, enfin, d'induire en erreur son hôte, le premier ministre Nouri Al-Maliki, qui, à cinq minutes de l'entretien à l'ambassade des Etats-Unis, ne savait pas qui en fait il allait rencontrer.

Ces circonstances ultrasecrètes de l'apparition de Bush à Bagdad prouvent avec éloquence que les "succès de la guerre contre la terreur" - expression préférée des speechwriters du président américain - sont illusoires et que les relations entre l'administration des Etats-Unis et le gouvernement de l'Irak sont actuellement dans un bien triste état. Au mieux, ce sont des rapports entre un cavalier et son cheval. Sauf le respect qui lui est dû, on imagine difficilement Al-Maliki en premier ministre d'un Etat souverain lorsqu'on l'emmenait au rendez-vous, les "yeux bandés". La réputation de son gouvernement en sera plus ternie que confortée, ce qu'espéraient les organisateurs de la visite éclair de Bush à Bagdad.

Les coups de théâtre de ce genre sont de nature à valoir à l'acteur un accueil favorable de la part de l'opinion publique mais, comme nous l'enseigne l'histoire, pas pour longtemps. D'autant que les succès des Etats-Unis en Irak ne sont pas aussi incontestables que Washington s'efforce de les dépeindre. Par exemple, la liquidation du leader de la cellule irakienne d'Al-Qaïda ne signifie nullement que le réseau terroriste a été plongé dans le chaos et l'anarchie. Le nouveau chef est déjà élu et la dernière série d'explosions à Bagdad promet que le record sanglant établi dans la ville par les terroristes en mai (2155 morts) peut être battu au mois de juin.

La liquidation d'Al-Zarqaoui peut frapper, tel un boomerang, les intérêts des Etats-Unis. La suppression de ce sunnite radical connu pour sa haine pathologique des chiites fait disparaître le principal obstacle empêchant les deux communautés islamiques de s'unir au sein d'une large coalition anti-américaine. Les troupes américaines en Irak peuvent regretter d'avoir écarté avec trop de hâte un homme qui préférait moins dynamiter les "hummer" américaines que les mosquées chiites.

On peut prédire que l'effet positif du coup de théâtre irakien de George Bush sur les états d'esprit aux Etats-Unis sera lui aussi de courte durée. La cote de popularité du président est montée de deux crans depuis la liquidation d'Al-Zarqaoui, à 38%. Le vol de nuit secret en Irak peut y ajouter deux points supplémentaires. Mais tout cela fait penser au test du réflexe du genou chez le médecin. Pour la majorité des Américains, il n'y a qu'un indice incontestable du succès de la politique irakienne de leur président : le retrait des troupes d'Irak. Qu'il soit partiel, qu'il soit symbolique dans un premier temps, mais qu'il démarre.

Le sénateur démocrate John Kerry, ex-candidat à la présidence, devait forcément agacer au plus haut point le locataire de la Maison-Blanche en demandant, le jour de la visite éclair à Bagdad, d'annoncer la date du retour définitif de toutes les forces armées américaines d'Irak.

George Bush aura du mal à opérer un tel miracle à l'occasion des élections préliminaires de novembre, c'est au-dessus de ses forces. Il a beau affirmer que la situation en Irak est "encourageante", qu'elle évolue "dans le bon sens" ou qu'elle "conduit à la démocratisation de tout le Proche-Orient", il n'y aura pas de miracle. Au contraire, d'après des sources au sein du Pentagone, les Etats-Unis projettent de garder en Irak un contingent militaire fort d'au moins 50 000 hommes, autrement dit un dixième des effectifs de leur armée nationale, pendant bien des dizaines d'années après la fin du mandat présidentiel en cours. Autant dire que le répertoire du théâtre Bush ne compte pas de pièce sur le thème irakien avec un happy end.

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