Maria Sharapova, un fruit russe sur le sol américain

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Mikhaïl Smirnov, commentateur sportif de RIA Novosti.

La date du 22 août 2005 restera à jamais gravée dans l'histoire du sport national.

Maria Sharapova, 18 ans, a fait ce qu'aucune autre joueuse soviétique ou russe n'a pu accomplir jusqu'ici: elle a atteint la tête du classement WTA pour devenir la numéro un mondiale du tennis féminin et seulement la 15e joueuse à être promue au sommet du classement mondial en 30 ans de son existence.

Quiconque se hasarderait à tourner un film sur la Cendrillon de nos jours n'a qu'à raconter le parcours de Macha, plein de revirements extraordinaires. Ses parents quittent tout d'abord Gomel, non loin de la centrale de Tchernobyl, pour s'établir dans une petite ville sibérienne où elle naît le 19 avril 1987, un an après la catastrophe. La famille déménage ensuite à Sotchi, ville natale d'Evguéni Kafelnikov, le premier Russe à avoir gravi le sommet de la hiérarchie mondiale du tennis. Celui-ci offrira alors à la petite Macha sa première raquette. Survient ensuite une rencontre avec la légendaire Martina Navratilova lors d'une classe magistrale à Moscou. Elle convainc Iouri Sharapov, le père de Maria, d'inscrire sa fille de 6 ans à l'académie de Nick Bollettieri, en Floride. Le père parvient à ramasser de l'argent pour acheter les billets d'avion et part avec sa fille vers l'inconnu.

Мария ШараповаPersonne ne les attendait à l'académie. Une approbation préalable était nécessaire pour entrer à l'école de Bollettieri qui a formé André Agassi et Jim Courier, Monica Seles et Anna Kurnikova. Toutefois, Iouri Sharapov parvient à convaincre les entraîneurs de regarder le jeu de sa fille. Ex-parachutiste, aujourd'hui manager sportif réputé, Nick Bollettieri détecte vite le talent extraordinaire de cette fille de 7 ans. Macha finit par entrer à l'académie, alors que son père se fait embaucher dans un chantier et doit tous les jours faire une heure de marche entre l'appartement et l'école de tennis pour revoir sa fille. Deux ans plus tard, Elena, femme de Iouri et mère de Macha, obtient enfin l'autorisation de quitter la Russie pour rejoindre sa famille.

C'est à cette époque que Macha fait preuve d'un caractère extraordinaire qui lui permet de gravir des sommets inédits. Elle s'initie aux astuces du tennis dans un pays étranger, pratiquement en l'absence de ses parents, et doit surmonter toute seule les difficultés quotidiennes. Le tennis devient pour elle le sens de sa vie. En affrontant sans peur les difficultés, elle supporte avec courage les peines de la vie spartiate d'une école américaine.

Les résultats ne se font pas attendre. Déjà à l'âge de 15 ans, 2 à 3 ans moins âgée que ses rivales, Maria se qualifie pour la finale des tournois juniors de l'Open d'Australie et de Wimbledon après avoir remporté les trois premiers tournois de la série ITF. Beaucoup d'observateurs annoncent déjà l'apparition d'une deuxième Kournikova, une comparaison peu flatteuse pour Sharapova. Elle démontre vite par son jeu qu'elle relègue au second plan la mode et le business au profit du tennis, contrairement à Kournikova qui n'a remporté un seul simple dames. En 2002, le "Sport Magazine" inscrit Maria dans la liste des athlètes symbolisant le sport du XXIe siècle. En 2003, elle remporte deux grands tournois de la série WTA pour se hisser parmi les 16 joueuses les plus fortes de Wimbledon en passant de la 153e à la 32e position du classement mondial. Début 2004, elle fait partie du Top Twenty mondial. Elle se qualifie ensuite pour les quarts de finale de Roland Garros, remporte les tournois simple et double de Birmingham et accède enfin à Wimbledon. Rares sont les joueuses qui parviennent au sommet de ce tournoi, mais Macha y parvient dès la deuxième tentative, contrairement à ses grandes devancières, comme Martina Navratilova, Steffi Graf ou Martina Hingis. Enfin, elle se retrouve au sommet de la hiérarchie mondiale du tennis. Et après?

Теннисистка Мария ШараповаAujourd'hui, Maria Sharapova doit résister à l'épreuve de la gloire et, vu son caractère, on peut l'espérer. D'ailleurs, elle a déclaré, après avoir remporté Wimbledon, qu'elle avait encore "beaucoup à travailler pour avancer sur le plan mondial et pouvoir triompher dans tous les tournois", et elle compte améliorer encore sa forme physique.

La joueuse doit également apprendre à supporter la jalousie humaine qui se fait remarquer, en particulier à l'occasion des triomphes comparables à celui-ci.

Nous devons avoir plus de respect pour les talents comme Sharapova, éviter de savourer avec méchanceté leurs échecs ou leurs interjections pendant les matches qui - certains experts les ont mesurés - atteignent 100 décibels dans le cas de Sharapova.

Alors les parcours semblables cesseront d'être perçus comme un miracle, ou du moins comme la réalisation d'un rêve américain.

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