Par Boris Kaïmakov, RIA Novosti
Dès à présent, on peut être sûr que les participants au sommet du G8 en juillet poursuivront des objectifs différents. Et on aurait tort de croire que c'est mal. Car les objectifs poursuivis par les plus grands pays du monde ont toujours été et seront toujours différents. Autre chose, comment faire pour trouver le dénominateur commun de ces différends?
Ce sera possible si tous les leaders du G8 souhaitent réellement obtenir des résultats plus ou moins acceptables pour leurs collègues. Malheureusement - et le ton de la presse mondiale en témoigne - les désaccords de ces dernières années au sujet de l'Iran, de la Géorgie ou de l'Ukraine ont tendance à se transformer en accusations contre la Russie qui est partout signalée comme un pays qui applique une politique anti-américaine et impériale. Moscou n'est pas en reste et juge possible de ne pas ménager ses opposants politiques. Le discours de M. Cheney a été excellent comme tentative de mettre la Russie sur le banc des accusés. Nous ne pouvons que deviner ce que Vladimir Poutine avait en vue en évoquant "le camarade Loup" dans son message au parlement. Mais la métaphore ne perd rien de son acuité : le Kremlin n'est pas disposé à s'assoir sur le banc des accusés et lui-même est capable de tenir un discours musclé.
C'est là que surgit un problème en cette veille de sommet. A coup sûr, les deux parties ont des rédacteurs de discours super-doués, en mesure de traduire sur le papier les qualités pugnaces de leurs chefs. MM. Cheney et Poutine ont croisé le fer dans un duel verbal. Mais l'ivresse d'un combat doit tôt ou tard faire place au dégrisement. D'autant plus qu'aucune des parties n'a intention de transformer ce sommet en querelle. Une rencontre personnelle, d'autant plus dans la ville natale du président russe, ne sera pas nécessaire pour se disputer.
Si le Kremlin a décidé de s'expliquer le premier, il n'y a là rien de honteux. Il faut arrêter de se couper mutuellement l'herbe sous le pied. Igor Chouvalov, le "sherpa" russe du G8, a pris l'initiative de chercher des "aspects constructifs". A en croire M. Chouvalov, le Kremlin se rend parfaitement compte de ce que l'atmosphère générale, en cette veille de sommet, n'est pas des plus favorables. Qui plus est, comme l'affirme le Financial Times, M. Chouvalov ne nourrit aucune illusion quant la possibilité qu'elle puisse s'améliorer radicalement. Et en faisant cette prédiction, ce fonctionnaire du Kremlin, proche de M. Poutine, propose de ne pas jeter l'enfant avec l'eau du bain. Autrement dit, il insiste sur la nécessité de se concentrer enfin sur le problème de l'énergie, un des grands problèmes du sommet.
Après le "cadeau" de Nouvel an à l'Ukraine - le pays s'est trouvé pendant un certain temps privé du gaz russe pour avoir refusé de le payer correctement - ce problème, purement économique d'ailleurs, a acquis une dimension politique. C'est un fait incontestable. Sans aucun doute, le Kremlin s'en rend compte et il est prêt à se pencher sur les préoccupations de l'Occident. La rhétorique musclée et les accusations au niveau des émotions sont une chose, mais la table ronde à laquelle se mettront les leaders du G8 en est une autre.
Seuls des dilettantes peuvent évoquer l' "insensibilité" de Moscou dans la question gazière. En développant son secteur énergétique, la Russie dépend de l'Occident dans une mesure non moindre que ce dernier est dépendant de la première pour les livraisons de gaz. Le tournant de la Russie vers l'Asie n'est sûrement pas pour demain. En raison notamment des infrastructures existantes, l'essentiel des exportations énergétiques russes sera toujours destiné à l'Occident, alors que le grand oléoduc oriental, qui reste à construire, n'interviendra que pour un quart dans nos ventes d'énergie. "Aucun drame géopolitique ne figure dans le scénario de la politique mondiale", écrit la revue allemande "Internationale Politik" dans sa livraison consacrée à l'énergie du XXIe siècle.
Mais si tel est le cas, pourquoi tout ce tapage ? J'ignore qui a envoyé le chef de l'administration présidentielle Sergueï Sobianine à Londres, mais il a bien fait et, surtout, il l'a fait très en temps opportun. Ce fonctionnaire du Kremlin au visage flegmatique et au regard calme d'homme raisonnable a rempli sa mission mieux que tout autre n'aurait pu le faire. En règle générale, les gens comme lui évitent la politique publique. Mais c'est à Londres qu'il se rend pour sa première mission à l'étranger et c'est au Times qu'il accorde son interview. "Les duels verbaux sont notre plus grand problème. Il existe en effet entre nous et nos partenaires des désaccords, mais il ne s'agit pas là d'une chose à laquelle il est impossible de trouver une solution en menant un dialogue direct" : tel est le leitmotiv de ses réflexions à Londres. Ceux qui connaissent la cuisine du Kremlin, y verront un signe de la volonté de Moscou de lever les préoccupations de l'Occident quant à son approche constructive des questions figurant à l'agenda du sommet.
Et il semble d'ores et déjà évident que le sommet de Saint-Pétersbourg promet plus d'une sensation politique.