Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Washington a relevé le défi lancé par Téhéran, qui a promis de défendre son programme de recherches nucléaires pacifiques, même par des moyens militaires en cas de nécessité. Il est cependant bien difficile de faire le distinguo entre bluff et réalité.
Jeudi dernier, la Chambre des représentants du congrès américain a chargé le chef du Pentagone de présenter un rapport secret sur les scénarios possibles d'emploi de la force contre l'Iran. Le rapport doit faire état des différentes variantes, y compris les frappes militaires, ainsi que des obstacles et restrictions pouvant empêcher un scénario musclé.
Le Pentagone possède depuis longtemps divers scénarios d'attaque contre l'Iran, incluant les frappes nucléaires. Plus précisément, depuis que les Etats-Unis et Israël ont perdu, en la personne de Téhéran, leur allié stratégique au Proche-Orient, après le succès de la révolution islamique de 1979.
Au lendemain de la réunion de la Chambre des représentants du Congrès américain, l'hebdomadaire russe "Revue militaire indépendante" a évoqué le "plan de frappe" américain contre l'Iran. Il serait rempli par six formations aériennes composées de soixante-dix chasseurs bombardiers, avions embarqués et bombardiers B-2A équipés de 216 missiles de croisière et 200 tonnes de bombes, notamment des GBU 43B susceptibles de détruire des installations à grande profondeur.
Evidemment, le plan susmentionné n'est rien de plus que le produit des réflexions de la rédaction de la revue. Mais tous les chiffres relatifs à la composition des groupements militaires déployés autour de l'Iran et évoqués par cette édition réputée sont incontestables. Les mêmes informations apparaissent ces derniers temps dans les pages des revues américaines et occidentales spécialisées.
Washington veut, tout comme Téhéran, démontrer sa détermination à aller jusqu'au bout dans le règlement du dossier nucléaire iranien. Il reste à voir qui l'emportera et réussira à imposer ses conditions de paix. Et ces conditions sont notoires. L'Iran va revendiquer la reconnaissance de son plein droit au nucléaire civil tandis que les Etats-Unis insisteront sur le contraire. Mais le plus important est de savoir ce qui se passera si aucune des deux parties ne cède.
On se demande le plus souvent ce qui se produirait si l'Iran était acculé par les Etats-Unis au pied du mur. Cela implique que l'Iran continue l'enrichissement de l'uranium, et que les Etats-Unis, hostiles à cette option, introduisent des sanctions contre Téhéran, qui seront suivies par une opération militaire.
La réponse, en règle générale, représente un scénario apocalyptique pour les Etats-Unis et Israël. L'Iran détruit 400 sites stratégiques en Terre sainte, toute l'infrastructure pétrogazière de la région du Golfe, bloque le détroit d'Ormuz en faisant couler au moins deux pétroliers, entame des hostilités en Irak où les Etats-Unis s'enlisent définitivement. Et ce n'est pas tout: 40.000 kamikazes n'attendent qu'un ordre pour attaquer des sites américains et israéliens aux quatre coins du globe. Par conséquent, une opération armée contre l'Iran équivaudrait à un suicide pour les Etats-Unis, ceux-ci ne se risqueront donc pas à intervenir.
Il semble que Téhéran croie à cette analyse faite par des experts. Ce n'est pas un hasard si le secrétaire du Conseil supérieur de sécurité nationale de l'Iran, Ali Larijani, interrogé récemment par des journalistes, a nié l'éventualité de frappes américaines en se référant à de tels raisonnements d'analystes. Cela étant, Téhéran incite en quelque sorte les Etats-Unis à l'action.
En ce cas, il serait logique de se demander: que va-t-il se passer si Téhéran ne laisse aucune chance à Washington? Effectivement, pour la Maison Blanche il serait difficile d'éviter une guerre avec l'Iran après les dernières déclarations des dirigeants iraniens. Quant aux Iraniens, ils semblent sous-estimer l'éventualité de l'emploi de la force par les Américains.
De l'avis de l'expert russe Alexis Arbatov, si les Iraniens passent à un stade industriel d'enrichissement de l'uranium, ils mettront les Etats-Unis devant un dilemme: ou bien accepter que Téhéran possède l'arme nucléaire, ou bien lancer une action militaire. Dans ce cas, Washington choisira des deux maux le moindre. Autrement dit, si les négociations avec Téhéran n'aboutissent à rien, l'administration américaine choisira l'option militaire.
Selon l'hebdomadaire américain Newsweek, George W.Bush aurait été informé de l'inefficacité d'éventuelles frappes aériennes contre les installations nucléaires iraniennes. Dans ce contexte, le magazine n'exclut pas, en faisant référence au vice-secrétaire d'Etat Nicholas Burns, l'ouverture d'un dialogue direct entre Washington et Téhéran. Le plus important pour le premier étant d'essayer de ne pas perdre la face en acceptant de faire des concessions qui semblent de plus en plus inévitables.
Une chose est certaine, tous deux donneraient n'importe quoi pour savoir ce qui se passera une fois que les Etats-Unis seront dos au mur.