La situation revient à la normale au Sud-Liban

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Par Marianna Belenkaia, RIA Novosti

Tyr (Sud-Liban). La conférence du Dialogue national reprend au Liban. Les hommes politiques libanais devront régler le problème brûlant de la résistance. La discussion promet d'être ardue.

Au Liban, le terme de "résistance" est associé aujourd'hui au mouvement Hezbollah. Son désarmement, de même que celui de toutes les autres formations paramilitaires (milices) sur le territoire libanais est exigé par la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU. Cependant, les membres du mouvement soulignent qu'ils ne sont pas une milice, mais une force de résistance. Il existe une différence de principe entre ces deux notions pour le monde arabe dans son ensemble et pour le Liban en particulier.

La position du Hezbollah est soutenue par de nombreux Libanais, elle est reconnue au niveau officiel. Néanmoins, le désarmement de ce mouvement reste à l'ordre du jour: premièrement, à cause de la pression exercée sur le Liban par la communauté internationale, en premier lieu par les Etats-Unis et la France. Deuxièmement, plusieurs forces politiques libanaises, surtout celles qui font partie de la coalition gouvernementale du "14 mars", souhaitent le désarmement du Hezbollah qui représente une force influente et bien organisée. Il serait dangereux d'avoir à ses côtés un tel opposant. Mais que doivent faire les autorités? Il est pratiquement impossible de se prononcer contre la résistance, car cela signifierait trahir les intérêts d'une bonne partie de la population du pays. La résistance à l'occupation est sacrée pour les Libanais, surtout au Sud-Liban.

... Un char israélien avance le long des barbelés presque invisibles. Il s'arrête dès qu'une voiture freine de l'autre côté de la frontière libano-israélienne. En le voyant, le Libanais s'en va tout de suite. De part et d'autre, on s'attend à des ennuis.

Les localités israéliennes et libanaises se jouxtent pratiquement, et leurs habitants voient ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, celle de la haine.

"Soyez à l'aise et en sécurité sur le territoire libéré du Sud!", "Le Sud renaît!", lit-on sur les pancartes sur les routes du Sud-Liban. On voit partout les drapeaux du Hezbollah et du mouvement chiite Amal, les portraits des combattants de la résistance tués et des victimes civiles du conflit libano-israélien.

En effet, le Sud renaît: de nouvelles routes sont en construction, on édifie de nouveaux villages. Des villas luxueuses ont fait leur apparition là se trouvaient des maisons abandonnées. Mais il est impossible d'oublier les années vécues sous l'occupation et avant celle-ci, la vie sous les tirs israéliens permanents. Il est inutile d'expliquer que les Israéliens qui vivaient de l'autre côté de la frontière étaient aussi la cible des tirs quotidiens. Qui a tiré le premier? Personne ne pose ici ce genre de question. En tout cas, Israël fut et reste pour de nombreux Libanais un pays-occupant. La prison d'Al Hayam s'est transformée en musée, les anciens prisonniers évoquent leur détention pénible. On voit la liste des bourreaux sur un mur. Rien ni personne n'est oublié.

En 2000, l'armée israélienne s'est retirée pratiquement de tout le territoire libanais occupé après 1967. Mais les habitants locaux n'estiment pas que le conflit entre les deux pays est clos. Une partie de la terre libanaise reste sous occupation: quelque chose peut être restitué conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, quant au reste, on ne peut que soupirer d'amertume.

"Une vingtaine de villages libanais sont occupés depuis 1948. Même s'ils ne sont pas mentionnés dans les résolutions du CS de l'ONU, ce sont des villages libanais", estime un habitant de la zone frontalière. "Avant 2000, les Israéliens contrôlaient ces collines. J'ai quitté cette région en 1984, quand on m'a prié de quitter mon emploi parce que mes convictions ne plaisaient pas aux Israéliens. Je n'ai pas vu ma maison paternelle jusqu'à la libération. Il est humiliant de demander chaque fois aux occupants l'autorisation de rendre visite à ses parents", a-t-il dit.

De même que la majorité de ses voisins, il est certain que le mérite principal de la libération du Sud-Liban revient à la résistance. "Regardez: les hauteurs syriennes du Golan sont toujours occupées, alors que notre terre est libre", a-t-il ajouté.

La résistance libanaise est associée aujourd'hui au mouvement chiite Hezbollah, bien que d'autres forces patriotiques aient également participé à la résistance contre l'occupation israélienne. Mais les derniers combattants étaient des islamistes qui n'ont toujours pas l'intention de déposer les armes. Il ne s'agit pas seulement de l'occupation d'une partie du territoire libanais. En fait, il s'agit de l'opposition à l'influence israélienne, et autant que possible, américaine sur le Liban. Le Hezbollah est l'unique force capable de s'y opposer, disent les habitants du Sud.

L'autre partie du spectre politique libanais représentée par la coalition gouvernementale du "14 mars" se fixe pour but de restreindre l'influence de la Syrie et de l'Iran sur la politique du pays.

A noter que la situation dans le Sud rappelle ce qui se produit dans une autre partie du Liban où se trouvaient, il y a un an, les militaires syriens. De ravissantes villas y sont également érigées à l'endroit où se dressaient les casernes syriennes, la vie bouillonne dans les villages jadis déserts. Le premier anniversaire du retrait des troupes syriennes du Liban a été célébré fin avril. Les souvenirs d'une prisonnière des geôles syriennes ont été publiés à l'occasion de cet anniversaire dans le quotidien libanais Al-Nahar. La description des tortures subies coïncide entièrement avec le récit des détenus de la prison d'Al Hayam.

"Nous avons poussé un soupir de soulagement après le retrait des militaires syriens. Leur présence créait une tension permanente, m'a avoué la journaliste libanaise Mona. Pendant l'occupation, je ne me suis jamais rendue en Syrie (Damas est à deux heures de route de Beyrouth). Pour moi, aller dans un pays qui a occupé le Liban et qui ne tient pas compte de notre souveraineté, c'était une barrière psychologique. En réalité, je voulais voir la Syrie. J'ai des sentiments négatifs non pas envers les Syriens, mais envers le régime syrien", a-t-elle poursuivi.

L'histoire du Liban est complexe: la guerre civile se confond avec l'occupation simultanée du pays par Israël et la Syrie, ainsi qu'avec la présence des formations palestiniennes armées sur le territoire libanais. Certains voyaient leur salut dans l'arrivée des Syriens, d'autres, dans l'arrivée des Israéliens, certains haïssent les uns et les autres, il y a ceux qui ont soutenu les Palestiniens, d'autres les ont accusés de tous les maux. Les coalitions se formaient et se désagrégeaient à une vitesse incroyable, les ennemis d'hier devenaient des alliés.

Après plus d'un quart de siècle écoulé depuis le début des hostilités sur le territoire libanais, le cocktail politique est constitué des mêmes composantes que jadis: la Syrie, Israël, les Palestiniens. L'Iran et les Etats-Unis sont venus s'ajouter. Telle est la réalité présente. Il est douteux que les hommes politiques libanais puissent progresser dans la voie du dialogue. En effet, ils doivent élaborer une stratégique unique de développement du pays, car il n'y en a pas: chacun tire de son côté.

Tant que les hommes politiques discutent, les simples Libanais construisent de nouvelles maisons et reviennent sur leur terre natale. Personne ne veut la répétition du passé.

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