L'extrémisme vu par la société civile

S'abonner

Par Youri Filippov, RIA Novosti

Une tragédie s'est produite le matin du 7 avril à Saint-Pétersbourg où des inconnus ont tué l'étudiant sénégalais Samba Lamsar.

Les agressions et les meurtres contre les étrangers se sont multipliés ces derniers temps à Saint-Pétersbourg. La situation est gérée par les organes judiciaires, mais le procureur général de Russie, Vladimir Oustinov, affirme que les efforts de la police et du parquet ne suffiront pas pour arrêter la vague de crimes interethniques, si la société civile ne participe pas à ces efforts. "La cause principale des violences réside dans les états d'esprit", estime-t-il.

La société civile russe, est-elle prête à résister aux violences interethniques? Pourra-t-elle en venir à bout?

La Chambre civile de Russie est la principale organisation de la société civile russe. Presque aussitôt après l'assassinat de Samba Lamsar, elle a exprimé dans une déclaration son indignation face à "l'insolence sans précédent des nazillons" et a condamné catégoriquement "l'activité des éléments et organisations extrémistes", en déclarant qu'elle n'admettrait aucune "manifestation d'intolérance raciste et de xénophobie sur le territoire de la Fédération de Russie". Vendredi prochain, la Chambre civile tiendra sa deuxième réunion plénière où la lutte contre la xénophobie et l'extrémisme sera au premier plan.

Il est devenu urgent de mobiliser la société civile russe pour lutter contre ce mal. Mais le problème le plus complexe est celui de l'état d'esprit de la société. D'après les données récemment publiées par le ministère de la Justice, sur 600.000 organisations non gouvernementales (ONG) officiellement enregistrées en Russie, au moins la moitié ont été constituées après l'adoption de la législation ultra-libérale qui autorisait les ONG à exercer une activité à but lucratif et les exonérait d'impôts. Naturellement, l'essentiel, c'étaient les impôts et non pas l'activité sociale et, encore moins, la lutte contre l'extrémisme. La mollesse de la législation eut un autre résultat inattendu et très pénible. Toute une série d'ONG (enregistrées ou non) ne sauraient être considérées comme faisant partie de la société civile dans son acception démocratique. Ceci vaut notamment pour le "Parti de la Liberté", organisation franchement fasciste qui a sa propre méthode de calcul des crimes interethniques.

L'annonce de l'assassinat de Samba Lamsar est parue sur le site de ce parti presque simultanément avec la déclaration de la Chambre civile. Le ton de l'annonce était approbateur. L'auteur anonyme considère tous les étrangers qui viennent en Russie, surtout les gens de couleur, comme des criminels, coupables de la dépravation des mineurs et du trafic de drogue. Il affirme carrément que le meurtre de l'étudiant Samba Lamsar n'est pas le dernier.

Les membres de la Chambre civile se rendent-ils compte de la complexité de leur mission? Bien entendu. D'après leurs données, 53% de la population du pays pluriethnique et pluriconfessionnelle soutiennent le mot d'ordre nationaliste "La Russie aux Russes!" La sous-culture nationaliste xénophobe qui a poussé comme la mauvaise herbe sur les ruines de l'URSS s'est avérée très vivace. Le tube "Le Nègre tué!" figurait récemment au hit-parade du groupe "Batteurs russes". Cette "composition" qui aurait valu à ses auteurs une peine d'emprisonnement aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en URSS est disponible sur Internet russe et vendue sur les étalages des marchands de CD.

La Chambre civile appelle les organisations non gouvernementales à s'opposer au nationalisme fascisant. En tout cas, elle s'adresse à ces structures qui ont pour objectif de constituer effectivement l'ossature de la société civile démocratique de la Russie actuelle.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала