Eviter une guerre des étoiles

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Par Andreï Kisliakov

Les Etats-Unis promettent dans les mois à venir de rendre publique leur nouvelle doctrine spatiale nationale qui n'exclurait pas le déploiement d'armements dans l'espace. Selon le chef de la division spatiale de l'US Strategic Command, le colonel Anthony Russo, la nécessité s'impose de spécifier la responsabilité du Pentagone sur le plan de la sécurité des satellites. Quiconque se mettrait à contrarier un satellite américain serait immédiatement criblé de rayons laser et de salves cinétiques.

Cela ouvrirait un théâtre d'hostilités tout à fait nouveau, un théâtre spatial, dont l'inadmissibilité a été évoquée des dizaines de fois aussi bien dans la presse que dans tous les lieux de dialogue international. Le représentant permanent russe auprès de l'office des Nations Unies à Genève, Valeri Lochtchinine, déclarait une nouvelle fois, début mars, que la militarisation de l'espace "pourrait donner une nouvelle impulsion à la course aux armements non seulement dans l'espace, mais aussi sur Terre, notamment dans le domaine des missiles nucléaires, ce qui risque de relancer la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs". De son côté, la Russie a répété qu'elle ne serait pas la première à déployer des armes dans l'espace et qu'elle appelait tous les Etats à suivre son exemple.

En effet, un simple cliquetis de culasse suffirait pour couvrir les appels les plus nobles et faire venir le temps de l'action. "La Russie a tout ce qu'il faut pour donner une réponse adéquate aux pays déployant leurs armements dans l'espace", déclarait fin août dernier le ministre de la Défense Sergueï Ivanov, au cours de sa visite officielle en Chine. "L'espace est activement exploité à des fins militaires non seulement par les Américains, mais aussi par nous-mêmes, rappelait-il. Mais il ne peut être exploité que jusqu'à un certain degré, notamment pour installer les moyens de transmissions, de désignation des cibles, de reconnaissance, etc. Ce ne sont pas là des armes. Les conséquences d'un déploiement d'armes dans l'espace sont difficilement prévisibles".

On peut tout de même se faire une idée de l'ampleur de ces conséquences à la lumière d'une autre citation du ministre: "Nous lançons sur orbite des engins commerciaux pour 30 à 40 pays du monde, si la mémoire ne me fait pas défaut. Et l'origine du lanceur n'a aucune importance". Effectivement, la Russie met tous les ans sur orbite énormément de cargaisons étrangères, sans connaître leur contenu réel. Ainsi, quoique indirectement, l'astronautique russe risque de devenir otage d'un conflit orbital qui impliquerait une nouvelle escalade de la course aux armements de tous types et, naturellement, une "réponse adéquate".

Rappelons qu'en 1983 le secrétaire général du Comité central du PCUS, Iouri Andropov, annonça publiquement la fin de tous les travaux de conception d'armes spatiales en URSS. Il s'agissait apparemment d'un geste de bonne volonté dans l'espoir que les Etats-Unis renoncent à leur programme Star Wars (Guerre des Etoiles).

Vers cette époque, l'Union soviétique avait enregistré des progrès sensibles dans la conception de systèmes d'armement spatiaux, menée à partir de la fin des années 1950. En 1959 débutait la conception d'un premier système de défense antisatellite, alors que le ministère de la Défense entamait l'étude d'éventuelles méthodes de lutte contre les satellites artificiels ennemis.

Mais l'apothéose eut lieu le 18 juin 1982, quand l'Etat-major général soviétique simula pendant plus de sept heures une guerre nucléaire et spatiale de grande envergure. D'abord, deux missiles balistiques intercontinentaux UR-100 décollèrent de silos enterrés, suivis d'un missile de moyenne portée lancé à partir d'un sous-marin nucléaire dans la mer Blanche. Ensuite, deux antimissiles furent lancés contre ces ogives, alors qu'un satellite chasseur Kosmos-1379 décollait depuis Baïkonour pour se mettre en orbite basse et se rapprocher quelques heures plus tard d'un autre satellite, Kosmos-1375, qui imitait le satellite de navigation américain Transit.

Malgré l'interdiction officielle, instaurée le 18 août 1983, de tous les essais d'intercepteurs spatiaux, le bureau d'études Saliout poursuivait dans le secret absolu les travaux de conception d'une station spatiale militaire dotée d'armements laser et de missiles Skif.

Mais revenons à nos jours. Au printemps 2006, les services compétents de la Russie et des Etats-Unis sont passés à l'action. Début mars, à l'invitation du chef de l'US Strategic Command James Cartwright, le chef des Forces spatiales russes Vladimir Popovkine a visité plusieurs sites militaires stratégiques en Californie et en Floride. Un mois plus tard, le général Cartwright a également visité l'état-major des Forces spatiales russes, le centre informatique du système de contrôle de l'espace, le centre de gestion des engins spatiaux, le cosmodrome de Plessetsk ainsi que l'Académie militaire spatiale Mojaïski, à Saint-Pétersbourg.

Si les choses évoluent dans cet esprit de confiance et d'ouverture, toute crainte est inutile, et il n'y aura pas d'alternative à l'espace pacifique.

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