Drogue afghane: le Tadjikistan s'affirme comme un rempart efficace

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Par Viktor Litovkine, RIA Novosti

Les cellules du centre de détention provisoire rattaché à l'agence anti-drogue tadjike sont pratiquement vides. On n'y trouve qu'un détenu soupçonné d'avoir acheté et revendu de l'héroïne. Mais les entrepôts de cette administration placée sous l'autorité du président abritent des tonnes de stupéfiants confisqués: de l'héroïne, mais aussi de l'opium brut, du cannabis, du haschisch et d'autres composants nécessaires à la fabrication des drogues dures.

Tant que le tribunal ne se prononcera pas sur tel ou tel dossier, ces preuves matérielles resteront ici, et l'odeur désagréable qu'elles dégagent empoisonnera l'air des entrepôts. Dans la cour de l'agence fonctionne tous les jours un fourneau spécial censé incinérer les stupéfiants qui ont cessé d'être des preuves matérielles. Le jour où une équipe de journalistes moscovites dont je faisais partie, tels des témoins forcés, a visité l'agence antidrogue tadjike, il a été brûlé 164,3 kg de stupéfiants, dont 23,9 kg d'héroïne, 140,2 kg d'opium brut, 238,4 g de cannabis, 9 buissons de chanvre indien et 57 comprimés de phénobarbital. Si l'on considère qu'une dose d'héroïne est de 0,2 g et que la dépendance apparaît après 4 ou 5 prises, on comprend combien de vies humaines ont sauvé ce jour-là les forces de l'ordre tadjikes.

Le directeur de l'agence antidrogue, le général Roustam Nazarov, avoue que les effectifs de son administration ne sont pas très nombreux - 408 personnes au total - bien que ses hommes soient présents dans plusieurs régions du pays. Rien que l'année dernière l'agence tadjike a saisi 2 tonnes 344,6 kg d'héroïne (plus de 11 millions de doses). En six ans d'existence, l'agence a confisqué 25 tonnes 977,5 kg d'héroïne (presque 130 millions de doses). Alors que la population de cette république d'Asie centrale atteint presque 7 millions d'habitants, les dispensaires toxicologiques recensent près de 8.000 jeunes âgés de moins de 30 ans: les toxicomanes vivent rarement au-delà de cet âge, explique le général.

Selon Roustam Nazarov, les plus grandes plantations de pavots à opium se trouvent en Afghanistan, dans les provinces de Badakhshan, de Kunduz et de Takhar. Grâce aux mesures prises, en premier lieu pour établir un partenariat qui a débuté il y a quelques années entre les forces de l'ordre tadjikes et afghanes, la superficie des champs ensemencés le long de la frontière a reculé de presque 45%. Mais les superficies ensemencées de pavots à opium le long des frontières avec l'Ouzbékistan et la Turkménie ont augmenté respectivement de 15% et de 46%. Et ce n'est pas l'agence tadjike qui a diffusé ces données, mais les services compétents de l'ONU.

Même si le Tadjikistan a toujours du mal à coopérer avec certains de ces voisins en matière de lutte antidrogue, il collabore activement avec l'Afghanistan, mais aussi avec l'ONU, l'OSCE, la Russie, le Kazakhstan et la Kirghizie. Les organisations internationales ont ainsi financé la création d'un laboratoire sophistiqué permettant de définir en quelques secondes la composition et l'effet des stupéfiants souvent dissimulés dans des paquets de café, d'aliments pour chiens ou de sucre qui portent parfois même l'adresse postale et le téléphone du fabricant. D'ailleurs, plaisante le général, si un poids d'un kilo est annoncé sur tous les paquets, ceux-ci ne pèsent jamais plus de 960 g.

La présence en Afghanistan des forces de l'OTAN n'a pas beaucoup influé sur la production et la diffusion des stupéfiants. C'est que les membres de la coalition avaient initialement déclaré qu'ils avaient pour objectif de lutter contre les terroristes et que la lutte antidrogue relevait de la compétence du gouvernement afghan. Il a fallu quelques années pour comprendre qu'on ne pouvait pas lutter contre le terrorisme sans lutter contre la drogue en Afghanistan. Toujours est-il que sur le plan de la fabrication d'héroïne la situation demeure grave.

Une cinquantaine de laboratoires - il s'agit souvent d'un hangar sale abritant une presse pour l'opium brut et une chaudière qui sert à faire cuire de l'héroïne - produisent jusqu'à 20 kg d'héroïne par jour. Un flot énorme dont l'endiguement exige tout un dispositif de gardes-frontières (chaque barrage, détachement et service frontalier dispose au moins d'un officier conseiller russe, soit près de 350 officiers), et si un trafiquant parvient pour une raison ou une autre à s'infiltrer, il fera face à l'agence antidrogue, aux forces de l'ordre et aux services compétents russes. Une coopération étroite est établie avec le directeur du Service fédéral pour le contrôle du trafic de drogue, Viktor Tcherkessov, et les opérations conjointes ont déjà permis de saisir plus de 3 tonnes d'héroïne. L'opération Kanal-2005 lancée l'an dernier par les services compétents de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC: Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizie, Russie et Tadjikistan) a également contribué à juguler le trafic. Au lendemain de cette opération, les saisies ont nettement progressé. Rien que les services secrets du Tadjikistan saisissent jusqu'à 86% des saisies d'héroïne.

"Le Tadjikistan se transforme progressivement en barrière fiable sur les routes de la drogue, explique le général Nazarov. Une seule chose nous préoccupe: nous et les Russes continuons à saisir de la drogue, mais il y a encore plusieurs frontières qui nous séparent. C'est là que nous devons renforcer davantage nos contacts".

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