Par Marianna Belenkaïa et Artour Gabdrakhmanov, RIA Novosti
Les élections parlementaires qui ont eu lieu le 28 mars en Israël ont apporté des surprises à l'échelle locale sans incidence aucune sur l'avenir de la région. Le parti Kadima dirigé par Ehud Olmert arrive en tête du scrutin, comme le prédisaient les sondages, résultat auquel s'attendaient tous les acteurs du processus de paix au Proche-Orient.
Pour la première fois dans l'histoire de l'Etat hébreu, les Israéliens n'avaient pas à choisir entre droite et gauche, entre "faucons" et "colombes". Tout était tellement mélangé sur l'échiquier politique israélien qu'il était difficile de trouver une différence entre ceux-ci et ceux-là, et beaucoup d'électeurs se sont retrouvés dans l'embarras au moment de voter. En effet, Israël est las de la politique, ce que confirment le taux de participation (63,2%), au plus bas depuis la fondation de l'Etat, et la poussée des "troisièmes forces".
Le Likoud, jusqu'ici à la tête soit de la coalition au pouvoir soit de l'opposition, a essuyé une défaite cinglante. Il n'arrive cette fois-ci qu'en cinquième position, derrière le parti ultraorthodoxe Shass et le parti Israël Beiteinou d'Avigdor Lieberman. Ce dernier responsable politique originaire de l'ex-URSS, dont tous les sondages auguraient l'avancée, a recueilli les voix de la majorité des russophones. Autre surprise des législatives, le Parti des retraités a obtenu sept sièges à la Knesset, alors que les sondages ne lui promettaient pas plus de deux sièges, et il peut désormais influer sur la formation de la coalition gouvernementale et participer au règlement des dossiers clés. L'histoire israélienne compte de nombreux exemples où des partis encore plus petits ont décidé des votes cruciaux à la Knesset, car cela fait longtemps qu'aucune force politique n'arrive plus à recueillir suffisamment de sièges pour faire passer ses résolutions.
Il en va de même cette fois-ci: le parti Kadima d'Ehud Olmert a obtenu 28 des 120 sièges, et les travaillistes dirigés par Amir Peretz en ont recueilli 20. Même en s'unissant, ces deux blocs ne pourraient pas se débrouiller seuls, car il faut au minimum 61 sièges pour former une coalition dirigeante.
Le résultat du scrutin est tel que Kadima et les travaillistes n'auront pas de mal à trouver des sympathisants pour former une coalition, et ils peuvent même man�uvrer entre les différents partis. Il existe plusieurs scénarios de coalition, et il ne reste qu'à attendre l'issue des tractations politiques. Mais, selon des sociologues israéliens, le partage des mandats ministériels risque de s'éterniser, et un différend minime peut facilement briser toute coalition multipartite. Les crises gouvernementales qui ont secoué Israël ces dernières années en témoignent, alors qu'il s'agit du quatrième scrutin anticipé depuis sept ans.
Bien sûr, l'instabilité politique intérieure en Israël a une influence sur le règlement du conflit au Proche-Orient. Toute tentative pour relancer le processus de paix risque de déboucher sur une crise gouvernementale. La faible supériorité numérique obtenue par Ehud Olmert rétrécit sa marge de man�uvre et l'oblige à tenir compte de l'avis de l'opposition et de ses futurs alliés. Quoi qu'il en soit, Ehut Olmert semble bien déterminé à réaliser d'ici 2010 son projet de tracé des frontières israéliennes en relançant les débats sur le règlement proche-oriental à l'intérieur comme à l'extérieur d'Israël.
Le futur premier ministre israélien a déjà appelé le chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à reprendre les négociations. De son côté, avant que le résultat du scrutin ne soit connu, le leader palestinien s'est dit prêt au dialogue. Mais les perspectives de ces négociations restent assez floues, puisque les propositions en matière de tracé des frontières israéliennes que le numéro un de Kadima avait annoncées avant le scrutin vont à l'encontre des attentes palestiniennes. Ces initiatives ne seront acceptées ni par Mahmoud Abbas, ni par le gouvernement palestinien désormais dirigé par le Mouvement de la résistance islamique (Hamas). Dans le même temps, Ehud Olmert laisse entendre que si les Palestiniens rejettent son projet, le tracé des frontières sera décidé unilatéralement. Ce qui est impossible sans le soutien de la communauté internationale.
Ce n'est pas par hasard si l'un des grands gagnants des élections, Avigdor Lieberman, a indiqué dans une interview à RIA Novosti que le Quartette des médiateurs (Russie, USA, UE et ONU) ainsi que l'Egypte et la Jordanie, les deux voisins les plus influents, étaient les principaux acteurs avec lesquels on pouvait aborder la question du tracé des frontières. Selon lui, une fois qu'un consensus sera trouvé avec médiateurs et voisins, les choses vont se concrétiser.
Ehud Olmert le comprend parfaitement. Il est prêt à inscrire le tracé des frontières à l'agenda d'un large dialogue interisraélien et de consultations avec les partenaires étrangers. Un long chemin de négociations reste encore à parcourir, et les obstacles seront nombreux des deux côtés du conflit, des attentats aux opérations militaires en passant par les crises gouvernementales. Les législatives israéliennes ne changent rien à la donne, elles ne font comme toujours qu'annoncer une nouvelle tentative en vue de régler le conflit régional.