Le Hamas à Moscou en quête de reconnaissance - SYNTHESE

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MOSCOU, 6 mars -RIA Novosti. L'invitation lancée il y a quelques semaines au mouvement palestinien par le président russe Vladimir Poutine a eu des échos plutôt mitigés.

Après avoir remporté 76 sièges sur 132 au Conseil législatif palestinien le 26 janvier 2006, la visite prévue à Moscou constitue pour les représentants politiques du Hamas, une occasion unique d'établir des contacts diplomatiques directs avec une puissance qui fait partie du quartet chargé de relancer la paix au Proche-Orient. Leur présence à Moscou jette en revanche un pavé dans la mare, elle manifeste l'échec de l'ostracisme politique pratiqué par Israël et la Maison Blanche à l'égard du mouvement radical.

Ainsi, selon Sami Abou Zohri, un porte-parole du Hamas, "la visite en elle-même est un signe de l'échec des pressions exercées par les Etats-Unis sur le monde pour étouffer le Hamas. A présent, le Hamas est sur le point d'obtenir une reconnaissance internationale, grâce à la visite à Moscou. Nous écouterons la position des Russes sur le conflit israélo-palestinien et exposerons la nôtre".

Accueillie dans les journaux russes comme un geste audacieux et inévitable, la main tendue de Vladimir Poutine a déconcerté jusqu'au quartet des médiateurs internationaux (Russie, Etats-Unis, Union européenne et ONU). "Nous aurions préféré qu'aucun membre du quartet ne rencontre le Hamas avant que celui-ci respectent les conditions fixées par les quatre médiateurs", a affirmé un représentant de l'administration Bush à Washington, alors que du côté israélien, on s'interroge sur la conversion de l'organisation radicale créée en 1987 en un parti politique légitiment élu, l'Etat hébreu ayant d'ailleurs renoncé à toute négociation avec le nouveau gouvernement palestinien formé par les membres du Hamas.

Au lendemain de la victoire du Hamas, la Russie a tenté une approche beaucoup plus pragmatique. Tout en exigeant du groupe radical qu'il renonce à entretenir des liens avec des organisations terroristes et qu'il reconnaisse l'existence de l'Etat israélien, on considère, compte tenu des derniers évènements politiques, qu'il est beaucoup plus constructif de laisser la porte ouverte au dialogue plutôt que de continuer à marginaliser un mouvement soutenu par la population palestinienne et financé par le monde arabe.

La percée du Hamas aux dernières élections législatives est une réalité, la Russie "a respecté et respectera toujours le choix démocratique du peuple palestinien", a affirmé le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov.

La visite du Hamas s'inscrit pleinement dans la continuité du rôle nouveau qu'entend jouer la Russie au Proche-Orient. Si la menace du renvoi du dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité de l'ONU reste réelle, la Russie a plusieurs fois réussi à ramener l'Iran à la table des négociations préférant se lancer dans un ballet diplomatique sans fin plutôt que d'acculer le pays à renoncer à toute prétention nucléaire comme le souhaitaient les Etats-Unis et l'Union européenne.

S'il est bien naturel de vouloir éviter à l'un de ses partenaires commerciaux de sévères sanctions économiques, voire une intervention militaire, le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov a clairement affirmé dans une interview donnée à l'hebdomadaire russe "Moskovskié novosti" que la Russie était "disposée à jouer un rôle de pont entre l'Occident et le monde islamique".

Soulignant que la Russie n'entendait pas être un front entre les civilisations, les contacts établis avec le Hamas et l'implication de la Russie au sein du problème iranien s'inscrivent dans une stratégie de stabilisation et visent également à faire baisser la tension qui prévaut au Proche-Orient. Prônant la voie du dialogue, le ministre russe des affaires étrangères a assuré que la Russie se posait en faveur d'une politique internationale plus souple. La Russie est prête dans ce sens à "adapter ses aspirations en matière de politique internationale, la mondialisation engendrant déjà assez de problèmes pour ne pas artificiellement en créer d'autres".

Malgré des réactions très sévères face à la "légitimité offerte" au Hamas, Washington et Israël semblent se résigner devant le nouveau rôle de la Russie en tant que négociateur. La Maison Blanche a affirmé son espoir que cette rencontre puisse s'inscrire dans le sens d'une reprise de la "feuille de route". Israël fait montre d'une position plus attentiste.

Après la tempête provoquée par la visite du Hamas en Russie, et devant l'engagement du gouvernement russe à respecter les principes du quartet (renoncement du Hamas à la violence, reconnaissance de l'Etat hébreu et respect des accords signés par l'Autorité palestinienne), le Premier ministre par intérim Ehud Olmert se posait en faveur d'une amélioration des relations russo-israéliennes.

De son côté, invité également par l'Afrique du Sud et le gouvernement vénézuélien, le Hamas, qui espère mettre un terme à son isolement international, s'est voulu très rassurant au cours de la conférence de presse qui s'est tenue au siège de RIA Novosti.

Khaled Mechaal, chef du mouvement radical s'est félicité de l'initiative russe jugée positive et constructive. Au vu des pourparlers avec le ministère des affaires étrangères russe, la délégation du Hamas s'est dit très confiante dans l'optique de pouvoir renforcer ses relations avec la Russie, laquelle pourrait jouer un rôle déterminant dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Elle a également affirmé son intention de continuer sa tournée internationale afin de se faire entendre et d'aborder les questions relatives à l'occupation israélienne et au respect des droits du peuple palestinien.

Fort de son mandat électoral et du soutien du monde arabe et islamique, Khaled Mechaal a affirmé que le Hamas resterait intransigeant sur la question de la reconnaissance d'Israël. " Nous ne reconnaîtrons pas Israël [...] Nous ne renoncerons pas à la résistance [...] Cela serait une erreur d'insister sur le fait que le problème est dans la reconnaissance d'Israël par le Hamas".

Dans cette perspective, le jeu du chat et de la souris avec Israël va probablement perdurer. Faisant du retrait d'Israël des territoires palestiniens occupés, du démantèlement du mur et de la libération des prisonniers politiques palestiniens les conditions sine qua non d'un retour à la table des négociations, Khaled Mechaal a toutefois espéré que les électeurs israéliens "sauront choisir lors des prochaines élections un gouvernement susceptible de revenir sur la voie du dialogue".

S'il ne fallait pas s'attendre, comme le soulignait le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à un changement radical de la part du Hamas, en revanche la délégation s'est montrée très préoccupée par le développement de la démocratie dans les territoires palestiniens. Khaled Mechaal a affirmé qu'il entendait respecter les principes essentiels de la démocratie en termes de respect des droits de l'homme, de liberté de parole et de dialogue politique. Il a mis en avant la nécessité de renforcer la sécurité du peuple palestinien, de mettre en place un Etat de droit et de lutter contre la corruption afin d'augmenter le niveau de vie de la population palestinienne.

La visite de la délégation n'a certes permis aucune évolution de la situation israélo-palestinienne tant les positions du Hamas et d'Israël sur le règlement semblent actuellement diamétralement opposées. La présence de la délégation du Hamas à Moscou lui aura néanmoins permis de convaincre la communauté internationale (notamment l'Europe et les Etats-Unis) qui voit dans le Hamas une organisation terroriste, de son attachement au développement de la démocratie et de l'amélioration des conditions de vie du peuple palestinien.

"Nous voulons imposer la paix dans la région, une paix fondée sur la justice et la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien", a déclaré Khaled Mechaal, lors de la conférence de presse au siège de RIA Novosti. De plus, le Hamas s'est engagé à coopérer étroitement avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dans le domaine du maintien de l'ordre public.

Ainsi, dans l'attente d'un nouveau dialogue entre Israël et les autorités palestiniennes, Sergueï Lavrov a affiché son optimisme suite à la rencontre qui s'est déroulée hier à Moscou. "Nous sommes satisfaits des pourparlers, a-t-il indiqué. La délégation du Hamas nous a assuré clairement que son objectif essentiel était d'assurer la paix dans la région et d'éviter que la situation n'explose et ne tombe dans une impasse". "Leur priorité absolue et de résoudre les plus graves problèmes économiques et sociaux du peuple palestinien", dont la pauvreté, le chômage et la corruption, a-t-il dit.

Le Hamas a de surcroît affirmé sa volonté de conduire une politique de transparence vis-à-vis des comptes de l'Autorité palestinienne. "Le Hamas nous a assuré que tous les fonds versés à l'autonomie le seront sur les comptes de l'Autorité palestinienne, et que le Hamas ne les dépensera pas à d'autres fins", a-t-il ajouté. De son côté, Khaled Mechaal a confirmé que toute l'assistance internationale (notamment russe) accordée aux Palestiniens serait utilisée pour le bien du peuple, et non pour les besoins du mouvement islamiste.

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