Qu'est-ce que l'Iran apportera dans ses bagages à Moscou?

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Par Piotr Gontcharov

Le dialogue sur le programme nucléaire iranien mené avec l'Union européenne et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) entrera lundi prochain dans sa phase décisive.

Le 20 février, l'initiative russe d'implanter en Russie une coentreprise d'enrichissement d'uranium fera l'objet de négociations russo-iraniennes à Moscou. De la position de la délégation iranienne dépendra le renvoi ou non du dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité de l'ONU, ce qu'exigent la "troïka" européenne (Allemagne, France et Grande-Bretagne) et le Conseil des gouverneurs de l'AIEA, sans oublier le principal adversaire de Téhéran, les Etats-Unis.

Réunie début février, la session extraordinaire du Conseil des gouverneurs de l'AIEA sur le problème nucléaire iranien a nettement durci le ton à l'égard de l'Iran. Le Conseil des gouverneurs a adopté une résolution obligeant le secrétaire général de l'AIEA, Mohammed El-Baradeï, à faire rapport au Conseil de sécurité de l'ONU sur le programme nucléaire iranien ainsi que sur les mesures déployées par son agence et la disposition de l'Iran à coopérer. La majorité absolue des membres du Conseil des gouverneurs, 27 sur 35, ont approuvé la résolution. La Russie et la Chine, toutes deux membres permanents du Conseil de sécurité disposant du droit de veto, se sont rangées à l'avis de la majorité, même si elles s'étaient opposées plus tôt à la transmission du dossier iranien au Conseil de sécurité.

Cependant, la résolution adoptée ne signifie pas encore le transfert du dossier, il ne s'agit que d'informer le Conseil de sécurité. Pour la énième fois, on a fait comprendre à l'Iran qu'il était encore possible d'empêcher que le dossier ne sorte du cadre de l'AIEA, s'il acceptait la proposition russe en matière d'enrichissement de l'uranium.

La proposition consiste à enrichir l'uranium en Russie, le rapatriement du combustible usagé étant obligatoire. Tous les pays, y compris les Etats-Unis, acceptent le scénario.

La proposition russe reste en vigueur, et les Etats-Unis la soutiennent, a notamment déclaré mardi dernier le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan. Le lendemain, la Commission européenne a également appelé l'Iran à accepter l'offre russe. "Si l'Iran suspend de nouveau ses activités d'enrichissement et accepte la proposition russe, la voie du Conseil de sécurité ne sera peut-être pas nécessaire", a déclaré le commissaire européen à la justice, à la liberté et à la sécurité, Franco Frattini, intervenant devant le parlement européen mercredi à Strasbourg, cité par les médias belges. Dans une résolution adoptée à l'issue des débats sur le programme nucléaire iranien, le Parlement européen a invité Téhéran à examiner "sérieusement" la proposition russe.

Moscou, comme Pékin, prône toujours le scénario diplomatique du règlement iranien, ce dont témoignent les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, celles de parlementaires et de fonctionnaires haut placés. En signant la résolution du Conseil des gouverneurs de l'AIEA et en précisant que "faire rapport" ne veut pas dire "transférer le dossier", la Russie a endossé un certain nombre d'engagements. Ces engagements consistent apparemment à pousser l'Iran à un compromis avec l'AIEA. La prochaine session régulière du Conseil des gouverneurs de l'AIEA qui se déroulera le 6 mars montrera si l'Iran est disposé à accepter un compromis.

A Moscou, la prudence s'impose dans les commentaires sur les résultats éventuels des pourparlers: on ne connaît que trop la manière dont la diplomatie iranienne sait éviter les réponses concrètes.

En effet, l'Iran a très peu de chances - pour ne pas dire que c'est sa dernière chance - de voir le dossier nucléaire rester de la compétence de l'AIEA. Et si la délégation iranienne réitère à Moscou sa formule classique - "nous acceptons la proposition russe, mais nous continuerons d'enrichir l'uranium sur le territoire iranien" -, l'Iran risque de perdre cette dernière chance.

Il reste peu de temps jusqu'au 6 mars, et il est difficile de dire si Moscou trouvera les arguments convaincants pour faire admettre au Conseil des gouverneurs de l'AIEA son opposition à la saisine du Conseil de sécurité sur le dossier iranien.

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