Le problème de l'Ossétie du Sud et les perspectives des Etats non reconnus

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Par Alexéi Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques.

Les relations entre la Géorgie et les "républiques non reconnues" d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud sont dans une impasse. Le retour de ces territoires sous la juridiction de Tbilissi est devenu impossible : les élites comme la population des petites républiques ne le veulent pas. Il s'est accumulé trop de ranc�urs et de méfiance pour pouvoir se mettre d'accord même sur la plus large autonomie.

En effet, même les garanties internationales ne sont pas de nature à persuader les Abkhazes et les Ossètes que leurs droits ne seront pas violés aujourd'hui et à l'avenir. Ces peuples ont vécu en paix et en accord parfait durant les décennies d'existence de l'URSS, avant qu'en Géorgie le pouvoir ne tombe entre les mains de Zviad Gamsakhourdia qui a brandi le mot d'ordre d'un pays unique et indivisible.

Qui peut garantir qu'un nouveau leader du même acabit n'émergera pas à Tbilissi dans quelques années et que le sang ne coulera pas à nouveau? Aussi tout gouvernement en Abkhazie ou en Ossétie du Sud qui ferait des concessions de principe à la Géorgie serait-il balayé par une vague de colère populaire. En même temps, le rattachement de ces Républiques à la Russie sans l'accord de la Géorgie est, naturellement, impossible, puisque contraire aux normes du droit international.

Y a-t-il une issue? Des solutions faciles n'existent pas mais une approche globale peut être brossée. Au cours de sa récente conférence de presse au Kremlin, Vladimir Poutine a déclaré : "Si quelqu'un estime possible d'octroyer une totale indépendance au Kosovo, pourquoi devons-nous opposer un refus aux Abkhazes et aux Sud-Ossètes?" En principe, il y a deux axes dans lesquels la Russie peut déployer ses efforts. Le premier mène à l'"universalisation" du thème du règlement des conflits de même type : Kosovo, Abkhazie, Ossétie du Sud. Dans ce cas, la communauté internationale pourrait, par des efforts conjoints, trouver une solution acceptable, un compromis.

L'autre axe pourrait être emprunté au cas où un compromis serait impossible. La Russie pourrait alors reconnaître de façon unilatérale les "républiques non reconnues". Vladimir Poutine a même cité un précédent : le statut de la "République turque de Chypre-Nord" reconnue officiellement par la Turquie. Cet état des choses n'empêche pas Ankara d'être membre de l'OTAN et prétendre à l'admission à l'Union européenne.

Certes, une telle évolution des événements n'est pas optimale pour la Russie mais si un compromis n'était pas atteint (ou si la communauté internationale continuait, comme par le passé, à séparer la question du Kosovo et celle de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud), cette éventualité pourrait se concrétiser.

Dans ce cas, la Russie devrait envisager le retrait de la Géorgie de la CEI. D'ailleurs, dans les conditions actuelles, où les relations entre les deux pays sont au plus mal et où la Géorgie va jusqu'à accuser la Russie de fascisme, une telle décision apparaît logique.

Y a-t-il une alternative? Il y a la possibilité d'un scénario musclé, qui semble intéresser les hommes politiques en place à Tbilissi, qui réclament le retrait du contingent de paix russe d'Ossétie du Sud. Fait significatif : ils ne parlent que de cette république, considérablement plus faible du point de vue militaire que l'Abkhazie. Une preuve de plus qu'un scénario militaire est à l'étude. Sur cette voie, il y a pourtant deux obstacles majeurs.

Il existe un obstacle évident : la force de paix qui est stationnée en Ossétie du Sud, conformément aux Accords de Dagomys de 1992, qui ne peuvent être revus que d'un commun accord entre la Russie, la Géorgie et les autorités de l'Ossétie du Nord (république intégrée dans la Fédération de Russie) et de l'Ossétie du Sud. Il est clair que les leaders sud-ossètes n'accepteront pas cette révision et que l'Ossétie du Nord se rangera du côté de la Fédération de Russie. Autrement dit, aucune décision unilatérale des autorités géorgiennes ne sera obligatoire pour la Russie.

Admettons que la Géorgie dénonce les Accords de Dagomys et, demandant le soutien de la communauté internationale, accuse la Russie d'avoir occupé militairement une partie de son territoire. Il est clair que dans cette situation les autorités russes se retrouveraient devant un lourd dilemme pouvant déboucher sur des complications dramatiques. La partie géorgienne pourrait en appeler à la justice internationale dont il est impossible de prédire le jugement.

Mais imaginons que le contingent de paix russe s'en aille. Que va-t-il se produire? Une guerre qu'en principe les Géorgiens pourraient remporter en occupant le petit territoire de l'Ossétie du Sud. L'histoire nous enseigne cependant qu'un succès militaire dans ce genre de conflit ne peut être stable que s'il est suivi d'une purification ethnique comme celle déclenchée par le président croate Franjo Tudjman au milieu des années 1990 en Srpska Krajina. Aujourd'hui la communauté internationale aurait beaucoup plus de mal à tourner le dos à des actes analogues et Saakachvili serait compromis aux yeux de nombreux de ses admirateurs actuels en Occident.

Autrement dit, une puification ethnique serait une gageure. Le vainqueur se retrouverait au bord d'une guérilla et la terre brûlerait sous ses pas. Le peuple géorgien et le régime de Saakachvili en ont-il besoin? La réponse est évidente.

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