Les singularités du calendrier russe

© RIA Novosti . Dmitri Korobeynikov / Accéder à la base multimédiaDécorations de Noël
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La longue succession des fêtes de janvier en Russie prendra fin le 14, le jour de la célébration de l'"Ancienne Nouvelle Année", un terme qui laisse toujours perplexes les profanes.

La longue succession des fêtes de janvier en Russie prendra fin le 14, le jour de la célébration de l'"Ancienne Nouvelle Année", un terme qui laisse toujours perplexes les profanes.

En attendant, aujourd'hui, 7 janvier, en Russie on fête le Noël orthodoxe. Quelques jours plus tôt les Russes avaient célébré le Nouvel An et un peu plus loin encore dans le temps, le 25 décembre, ils avaient été nombreux à participer à la célébration du Noël catholique.

En Russie on est tellement habitué aux deux Nouvel An et aux deux Noël que l'on ne s'interroge ni sur la véritable date de la Nativité du Christ, ni sur le calendrier "juste". De nos jours on se fait difficilement à l'idée qu'une journée n'est pas toujours constituée de vingt-quatre heures et que les mois n'ont pas forcément 30 ou 31 jours. Les Shoumers ou les Egyptiens anciens comptaient le temps d'une manière tout à fait différente, c'est pourquoi bien souvent nous sursautons en lisant, par exemple dans la Bible, que dans l'antiquité les gens vivaient jusqu'à 500 ans. Ce qui importe, c'est de savoir quelle était la méthode utilisée pour compter le temps. Une question difficile et bien des échanges oratoires passionnés ont eu lieu sur le sujet encore dans l'antiquité.

Cependant, grâce aux conquêtes des Romains, qui avaient créé un empire puissant et uni, s'étendant le long du littoral de la mer Méditerranée et embrassant l'Europe, l'Asie Mineure, le Caucase et l'Egypte, le calendrier julien (du nom de l'illustre chef de guerre et premier empereur divinisé Jules César) a été introduit au début de notre ère.

Les débats au sujet du calendrier commencèrent peu après le crucifiement et la résurrection du Christ. Les chrétiens voulurent savoir quand cet événement s'était produit de manière à pouvoir célébrer cette date chaque année. D'après l'Evangile selon Saint-Jean, cette année là il était tombé sur un vendredi. La Pâque juive était célébrée le 14e jour du mois de Nissane (correspondant à mars ou à avril). Notons que la Pâque juive devait obligatoirement tomber sur la première pleine lune du printemps, c'est-à-dire après l'équinoxe de printemps (21 mars). La Pâque ne pouvait pas se situer avant. Après un long et minutieux travail, les astronomes du premier siècle déterminèrent deux dates différentes. Selon la première version, le crucifiement avait eu lieu le 3 avril 33, tandis que pour la seconde hypothèse la chose s'était produite le 7 avril 30. Cependant, étant donné que selon le témoignage de l'évangéliste Saint Luc le Christ ne pouvait pas être né plus tard que six ou sept ans avant notre ère, le crucifiement et la résurrection du Christ ont eu lieu respectivement le 7 avril et le 9 avril 30.

Pourtant, les débats animés se poursuivirent jusqu'au XVIe siècle. En 1582, le Pape Grégoire XIII introduisit un nouveau calendrier appelé grégorien. Le souverain pontife amputa d'emblée le calendrier julien de dix journées, de manière à faire correspondre l'équinoxe de printemps à la date à laquelle il s'était produit en 325, année où le Concile de Nicée avait décrété une règle définissant le jour de la célébration de la Pâque. D'après le calendrier julien, la Pâque devait être transférée en été et ensuite en automne du moment que le calendrier julien retarde sur l'année réelle d'une journée tous les 128 ans. Le calendrier grégorien, lui, réduisit cette différence à une grandeur infiniment petite: un jour tous les 3.300 ans! Seulement la réforme avait fait jour à une rupture entre l'Eglise orientale restée fidèle à l'ancien calendrier, et l'Eglise occidentale qui avait adopté le nouveau. L'écart entre les deux styles était de onze jours au XVIIIe siècle, de douze au XIXe et de treize au XXe!

En 1917, les bolcheviks arrivés au pouvoir en Russie eux aussi adoptèrent le calendrier grégorien. En 1923, le patriarche Tikhon effectua une tentative pour passer à ce calendrier. Mais comme un an auparavant la même chose avait été tentée - vainement! - par les rénovateurs (une "cinquième colonne" savamment introduite par les bolcheviks au sein de l'Eglise orthodoxe), la réforme s'était trouvée compromise et le patriarche avait été contraint d'y renoncer.

Bien que onze des quinze Eglises orthodoxes autocéphales soient passées à des calendriers grégoriens, la Pâque est célébrée en fonction du calendrier julien. Ce que l'on ne saurait dire de la Nativité: à l'exception des Eglises orthodoxes de Russie, de Jérusalem, de Serbie et de Géorgie, toutes les autres célèbrent la Nativité en même temps que le monde occidental le 25 décembre, c'est-à-dire quelques jours après le solstice d'hiver, quand le jour commence à devenir plus long au détriment de la nuit (on estime que l'Eglise chrétienne a spécialement fait coïncider la Nativité avec ce jour pour montrer que dans le sens astronomique ce qui est essentiel c'est non pas le Soleil, mais la victoire du Soleil Vérité, autrement dit du Christ. Quant aux adeptes des quatre Eglises orthodoxes, ils ne commémorent la Nativité que treize jours plus tard, le 7 janvier. Le paradoxe, c'est que le Nouvel An est partout célébré le 1er janvier, soit après la Nativité, ce qui cadre parfaitement avec la logique du calendrier grégorien et de la conscience religieuse. La logique du calendrier julien, elle, réclame que le Nouvel An soit commémoré le 14 janvier. D'où l'incompréhension de beaucoup face au phénomène russe de l'Ancienne Nouvelle Année. Au demeurant, dans les pays du Sud-Est de l'Asie ou en Chine, par exemple, les gens vivent également en fonction de deux calendriers - traditionnel et européen - et aux aussi fêtent le Nouvel An à deux reprises.

La Russie elle aussi pourrait devenir un pays où existeraient plusieurs calendriers et plusieurs styles de vie. Chacun pourrait choisir en fonction de ses affinités.

En tout cas, les débats concernant le calendrier n'ont probablement aucun lien direct avec la foi. Une commission internationale travaille actuellement sur la création d'un Calendrier universel. Quand il sera prêt et introduit il sera peut-être judicieux d'entreprendre une révision du calendrier religieux.

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