La proposition de Moscou à Téhéran reste valable

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MOSCOU, 10 janvier. Piotr Gontcharov, commentateur de RIA Novosti. L'Iran à tout de même décidé d'admettre l'existence d'une proposition russe d'enrichissement conjoint d'uranium. Mais il ne l'a pas encore acceptée.

La déclaration faite par Téhéran dans les derniers jours de décembre et selon laquelle il n'avait reçu aucune proposition "concrète" concernant l'enrichissement d'uranium n'était en fait qu'une allégation. Une allégation d'ailleurs boiteuse qui ne devait pas faire long feu.

Il y a quelques jours l'ambassade de Russie à Téhéran a remis à la partie iranienne une note officielle confirmant que la proposition russe faite à l'Iran de créer en territoire russe une entreprise mixte russo-iranienne d'enrichissement de l'uranium restait valable. Une formulation on ne peut plus concrète.

Le sens de la proposition russe consiste en ce que l'enrichissement de l'uranium doit se faire non pas en territoire iranien, comme l'exige Téhéran et ce à quoi sont catégoriquement opposés les Etats-Unis et l'Union européenne, mais en Russie. Et à ce jour c'est là le seul compromis susceptible de faire sortir les négociations Iran-UE (sur le programme nucléaire iranien) du cercle vicieux dans lequel elles sont enfermées. L'Iran, lui, il revendique son droit de maîtriser la filière nucléaire sur son territoire. Moscou propose un compromis et son assistance en vue de l'exercer.

Maintenant le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hamid Reza Asefi, ne nie plus l'existence d'une proposition concrète de la Russie pour passer à une nouvelle formulation: "Nous examinerons attentivement tout nouveau plan ou toute nouvelle proposition qui reconnaîtra officiellement notre droit de faire de l'enrichissement d'uranium sur notre propre sol".

Pour l'Iran il semble bien que seule pourra être considérée comme "concrète" une proposition qui reconnaîtra son droit d'enrichir l'uranium sur son territoire.

De nouvelles déclarations et explications ont été faites, mais la position reste la même. Selon le vice-président du Conseil suprême de la sécurité nationale de l'Iran, Javad Vaidi, l'Iran entend "réfléchir avec sérieux et intéressement" sur la proposition russe d'enrichissement conjoint de l'uranium. Cependant, le président de la commission de sécurité nationale et de politique étrangère du Medjlis (parlement) iranien, Alaeddin Boroujerdi, a tenu à préciser que la proposition de Moscou concernant l'enrichissement d'uranium en territoire russe "n'était que partiellement acceptable pour Téhéran". La deuxième partie de la proposition de Moscou - relative au territoire russe - "est inacceptable pour Téhéran étant donné que dans le cadre du projet d'investissements étrangers dans l'usine de Natanz l'Iran insiste pour que l'enrichissement de l'uranium se fasse sur son sol".

En d'autres termes, Téhéran renvoie les négociations à un scénario manifestement inacceptable pour l'UE.

Il est notoire que tout programme nucléaire lancé à partir de zéro (par l'Iran ou tout autre pays) est source d'"appréhensions". Initialement des filières nucléaires avaient été créées par de nombreux Etats exclusivement à des fins militaires et seulement ensuite elles avaient été recyclées en programmes civils. D'autre part, quel que soit l'Etat en question, il n'est pas exclu que ces programmes nucléaires civils soient reconvertis en programmes militaires sur la base du cycle du combustible nucléaire.

Ces appréhensions sont d'autant plus grandes que la création du cycle de combustible nucléaire, même par un Etat possédant des technologies de pointe, réclame des dépenses qualifiées de "faramineuses" par les experts, alors qu'il est économiquement plus avantageux d'acquérir du combustible prêt à être utilisé. A propos, le Japon et la Grande-Bretagne estiment qu'il n'y a rien de déshonorant à choisir la deuxième solution qui, selon eux, n'est en rien préjudiciable à leur autarcie nucléaire et à leur souveraineté.

Téhéran ne cesse de souligner que le passage de l'Iran au combustible nucléaire prêt à être brûlé freinerait le développement de ses propres technologies nucléaires. En attendant, la version "russe" a ceci d'intéressant qu'elle implique la participation de spécialistes iraniens au processus technologique d'enrichissement de l'uranium, un domaine dans lequel on peut apprendre beaucoup de choses auprès de la Russie.

La "version russe" de règlement du problème nucléaire iranien n'est pas venue comme ça sur un coup de baguette magique. L'idée de créer en Russie une entreprise mixte russo-iranienne de traitement de l'uranium s'était cristallisée au fil des pourparlers Iran-UE (troïka européenne comprenant la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne). Cette idée s'inscrit on ne peut mieux dans la conception du président de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradeï, qui propose une "approche pluripartite" du règlement du problème iranien de manière à lever les appréhensions politiques.

Cette "version russe" de règlement de la question iranienne avait été évoquée l'année dernière, surtout après le round de novembre des pourparlers Iran-UE à Paris. A l'époque Téhéran avait signé l'accord sur la suspension provisoire de l'enrichissement d'uranium tandis que des inspecteurs de l'AIEA avaient posé des scellés sur les équipements des sites nucléaires d'Isfahan et de Natanz. En échange, la troïka européenne s'était engagée à préparer une enveloppe de propositions économiques et politiques à même de compenser à la partie iranienne les pertes causées par l'arrêt des installations énergétiques nucléaires et de faire déboucher les négociations sur un compromis tenant compte des intérêts de l'Iran. Ce compromis pourrait être la proposition russe qui n'a toujours pas d'alternative.

En tout cas, Téhéran ne présente pas de contre-proposition. Les dernières déclarations de la partie iranienne traduisent probablement son désir de sortir du régime de la non-prolifération des armes nucléaires. Ainsi, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a signé une loi selon laquelle l'Iran cesserait d'appliquer les clauses du Protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP) si l'AIEA portait le dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité de l'ONU. C'est là un signal très clair. Téhéran ne saurait ne pas comprendre que le Protocole additionnel au TNP est le seul garant de la transparence des technologies nucléaires des pays signataires.

Que va-t-il se produire maintenant? En janvier l'Iran devra mener des négociations très serrées avec l'UE au sujet de son programme nucléaire. Il lui faudra appliquer pas mal d'efforts pour regagner la confiance de la communauté internationale. La "version russe" arriverait fort à propos pour engager ce dialogue dans un esprit constructif.

En attendant, la position énoncée par les Iraniens indique que les prochains pourparlers ne déboucheront sur rien.

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