Avis d'expert: La Communauté des Etats indépendants tiendra envers et contre tout

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MOSCOU, 29 décembre - Alexeï Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politique (Russie) - RIA Novosti.

Le quatorzième anniversaire de la fondation de la Communauté des Etats indépendants (CEI) est l'occasion d'analyser le fonctionnement de cette organisation et d'en tirer certaines conclusions utiles.

La CEI s'est-elle réalisée effectivement en tant qu'organisation? Non, évidemment, du point de ceux qui n'y voyaient qu'une sorte de retraite provisoire avant la restauration de l'Union. Quoi qu'il en soit, la restauration de l'URSS n'était qu'une idée utopique, capable seulement de reproduire la situation de l'ex-Yougoslavie où la tentative de sauvegarder l'intégrité du pays a été à l'origine de la tournure dramatique prise par les événements. Pourtant, la CEI est devenue un terrain propice à la concertation des intérêts, terrain dont l'existence contribuait à trouver des compromis lors du règlement des litiges. Même quand la CEI ne désamorçait pas les conflits, elle les "étouffait", en quelque sorte.

Est-ce que cela signifie que la CEI n'est devenue qu'une forme de divorce civilisé entre les pays de l'ex-URSS? Pas tout à fait. C'est que sans la CEI, il n'y aurait même pas eu de base permettant à une partie des Etats de l'espace post-soviétique d'opter pour la logique de l'intégration à de nouvelles conditions, bien que ce choix se soit fait attendre. Néanmoins, c'est le processus ininterrompu de concertation des intérêts dans le cadre de la CEI, processus qui a souvent été considéré comme routinier et banal, qui a contribué à la formation d'un nouveau système d'organisations internationales dont la Fédération de Russie est devenue le leader. Citons l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), la Communauté économique eurasiatique (CEEA) et l'Espace économique commun (EEU) en gestation. Les comparaisons avec le processus d'intégration européenne s'imposent d'elles-mêmes. En effet, ce processus d'intégration européenne a commencé par la formation d'organisations défensives et économiques pour déboucher sur la création de l'Union européenne sous sa forme actuelle. A signaler que le nombre de pays "pro-russes" a récemment augmenté grâce, entre autres, à l'Ouzbékistan qui se rapproche de plus en plus de la Russie dans le domaine politico-militaire.

Cependant, la CEI n'a pas réussi à formuler la tâche suprême qui aurait pu réunir tous les pays de la Communauté des Etats indépendants. Ce problème est plutôt d'ordre objectif, car il est très difficile de générer une idée qui soit également acceptable pour des pays aussi différents que le Tadjikistan et l'Ukraine, la Géorgie et la Turkménie. L'internationalisme soviétique a cessé d'exister, cependant que l'idée du rapprochement avec la Russie n'était pas la plus séduisante aux yeux de ces Etats. La Turkménie, par exemple, exploite au maximum son rôle d'un "pays gazier" capable de garder ses distances vis-à-vis des autres pays. Dans ces conditions, son nouveau statut d'associé au sein de la CEI n'est pas surprenant.

Qui plus est, dans plusieurs Etats, une nouvelle élite "westernisée" se formait, dont les regards se tournaient de plus en plus vers l'Occident (il s'agit de préférence des politiciens de "centre droit", bien qu'en Moldavie, aussi paradoxal que cela soit, les communistes ne fussent pas les derniers à tomber sous le charme de l'Occident. Cette nouvelle élite a eu sa nouvelle tâche suprême - faire en sorte que ses pays respectifs fassent partie de l'Europe unifiée, du moins dans une perspective éloignée. Dans ce contexte, la Russie était considérée comme un obstacle dans cette voie.

Cette attitude de la nouvelle élite a trouvé de la part de l'Occident un soutien qui est surtout moral en attendant. C'est que les leaders des pays occidentaux ne sont pas encore prêts à proposer à leurs peuples de vivre, dès à présent, dans une "maison commune" avec les Ukrainiens et les Géorgiens, d'autant plus que la population de l'UE se montre toujours très réticente envers l'intégration au sein de l'Europe unie de la Turquie, membre "historique" de l'OTAN. Néanmoins, ces mêmes leaders occidentaux disposent toujours d'autres moyens, dont le dialogue ininterrompu et de petits gestes positifs, mais fréquents. Tout cela permet de créer l'illusion d'un processus d'intégration permanent pouvant s'avérer irréversible à une certaine étape. Et d'ici là, estiment certains politiciens en Occident, des conditions d'une intégration effective pourront être réunies. En fait, au début des années 1990, très peu de gens auraient pu imaginer que les Etats baltes deviendraient un jour membres de l'OTAN et de l'UE.

C'est ainsi qu'est apparu le phénomène des "révolutions colorées" qui a remis en cause l'existence même de la Communauté des Etats indépendants. D'une part, la création de la Communauté du choix démocratique (CCD) n'est qu'une sorte d'alternative à l'influence russe dans l'espace post-soviétique. De l'autre, la Russie a radicalement différencié son attitude envers les pays de la CEI. Ainsi, les pays qui font partie du cercle "étroit" des alliés de Moscou dans le cadre de l'Organisation du Traité de sécurité collective et de la Communauté économique eurasiatique gardent leurs préférences habituelles, mais ceux qui ont choisi la voie du développement "pro-occidental" sont désormais "délivrés" de la tutelle russe et ce, pas seulement dans le domaine de la politique, mais aussi dans celui de l'économie. Autrement dit, ces derniers devront acheter les hydrocarbures russes à des prix se rapprochant de ceux du marché.

Par conséquent, la CEI est en train de traverser une crise. Mais est-ce que cela signifie l'effondrement de cette organisation? Tout porte à croire que tel n'est pas le cas. Car ni la Russie ni ses plus proches alliés, ni même les pays "pro-occidentaux" ne sont prêts à renoncer aujourd'hui aux accords conclus dans le cadre de la Communauté des Etats indépendants et qui portent sur les intérêts tant des Etats eux-mêmes que de leurs citoyens dans les sphères politique, économique et humanitaire. Et ce n'est pas par hasard que la Géorgie, qui a déjà plus d'une fois déclaré sa sortie éventuelle de la CEI, en fait toujours partie.

Il n'est pas exclu que dans une perspective historique éloignée les pays membres de la Communauté du choix démocratique quittent la CEI. Mais cette variante suppose que l'intégration européenne devienne une réalité pour les Etats concernés, ce qui n'est pas garanti, loin de là! Mais même alors, la CEI peut tenir, dans un format réduit sans doute, peut-être avec un autre nom et comme projet d'intégration pro-russe beaucoup plus "ambitieux".

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