MOSCOU, 29 décembre - par Nina Koulikova, RIA Novosti. L'IPO (initial public offering), autrement dit introduction en bourse, est une procédure qui est longtemps restée méconnue en Russie.
Elle est toutefois largement répandue dans le monde entier par les compagnies soucieuses d'attirer des fonds supplémentaires, alors que le jeune marché des valeurs national tardait à l'assimiler.
Craignant une sous-évaluation et une absorption malhonnête, les compagnies russes n'étaient pas pressées d'utiliser le mécanisme de l'IPO. Seulement six sociétés russes ont été introduites en bourse entre 1996 et 2003. Les choses ont changé en 2004, avec cinq IPO, mais l'année 2005 a battu tous les records. Cette année, une douzaine de compagnies russes ont augmenté de presque 5 milliards de dollars leur capital global en lançant leurs titres sur les bourses de Moscou et de Londres. Selon la bourse Micex, il s'agit d'environ 70% des investissements que les émetteurs russes ont attiré à partir de 1996.
Orienté essentiellement sur le marché des télécommunications de la Russie et des pays membres de la CEI, le groupe multisectoriel Sistema a apporté la principale contribution. Cette compagnie a engrangé 1,56 milliard de dollars en février dernier à Londres, la demande étant de 160% supérieure à l'offre, alors que ses titres ont suscité l'intérêt des sociétés d'investissement aussi bien européennes qu'américaines. L'aciérie NLMK, le réseau de grande distribution Piatiorotchka et le géant métallurgique Evraz Group ont également été introduits à la bourse de Londres en récoltant respectivement 609, 598 et 422 millions de dollars.
Cette année est celle d'une explosion des introductions en bourse russes. Certains experts constatent une demande croissante des actifs russes parmi les investisseurs étrangers. "Les prix auxquels ont été vendues, disons, les actions de Piatiorotchka démontrent que le potentiel de l'économie russe est assez grand, constate le vice-directeur de Micex, Valéri Petrov. Nous nous approchons du moment où l'offre correspond à la demande, quand l'investisseur occidental est prêt à croire les entrepreneurs russes qui lui affirment que son capital rapportera une fois placé dans les actions de compagnies russes".
Selon une étude réalisée par Ersnt&Young et Thomson Financial, la Russie est en train de consolider ses positions sur le marché global des IPO. En effet, la croissance du PIB franchira cette année la barre des 6%, soit bien au-delà des résultats affichés par les États-Unis et l'Union européenne, une statistique qui renforce l'efficacité avec laquelle les compagnies peuvent attirer des fonds. L'attention des investisseurs reste braquée sur la Russie et les autres marchés émergeants qui font état de tendances semblables. Le succès du développement économique de la Russie est le résultat d'une stratégie économique conséquente visant en premier lieu à restaurer le système financier du pays, à assainir tous azimuts le climat d'investissement et à développer les infrastructures du marché, estime le gérant associé d'Ernst&Young, Doug Gardner. Autant de facteurs qui, à son avis, permettent d'espérer la croissance continue du nombre des IPO et du volume des capitaux attirés en Russie.
L'important est que le secteur des matières premières est de moins en moins présent dans la liste des compagnies qui s'introduisent en bourse. Selon des experts, les industries les plus prometteuses sur ce point sont l'alimentaire, la métallurgie, la chimie, les constructions mécaniques, les technologies de pointe et la grande distribution. Les analystes s'attendent d'ici quelques années à une arrivée massive en bourse de compagnies moyennes. L'introduction en bourse en 2005 des réseaux de grande distribution Piaterotchka et Perekrestok ainsi que de la compagnie Rambler, spécialisée dans les technologies de l'information en sont de bons exemples.
L'assise juridique ne cesse de s'améliorer dans le domaine des placements primaires. En février prochain entreront en vigueur des amendements à la loi sur le marché des valeurs visant à rapprocher les IPO russes des normes internationales, a indiqué le directeur du Service fédéral des marchés financiers, Oleg Viouguine.
Les compagnies russes s'offrent des IPO non seulement à l'étranger mais aussi, quoique moins souvent, sur les places russes, RTS et Micex. En 2005, les bourses russes ont accueilli les compagnies Lebedianski (151 M USD encaissés), Severstal Auto (135 M USD) et Khleb Altaïa rebaptisée Pava en juin dernier (8 M USD).
Les autorités financières se saignent aux quatre veines pour stimuler les IPO en Russie. Les compagnies russes qui veulent placer leurs actions ne devraient pas faire fi du marché intérieur, avertit Oleg Viouguine, dont le service est en train de préparer des projets d'actes réglementaires enjoignant aux compagnies de faire leur première introduction en bourse en Russie et de lancer un certain nombre d'actions en circulation libre sur le marché russe avant d'aller à l'étranger. "Cela est nécessaire pour maintenir la stabilité du marché russe", poursuit le responsable. Autant de mesures qui ne rencontrent pas l'opposition des acteurs du marché, renchérit le vice-directeur de Micex.
À en croire les projets déclarés par les compagnies russes, cités par Micex, le volume global de leurs placements en 2006 - aussi bien en Russie qu'à l'étranger - pourrait atteindre 10 milliards de dollars, alors que le ministère du Développement économique et du Commerce table sur un chiffre d'affaires de 17 à 18 milliards de dollars pour les seules compagnies publiques. Ainsi, le gouvernement envisage d'introduire en bourse la compagnie pétrolière Rosneft pour encaisser 15 milliards de dollars. Outre Rosneft, d'autres compagnies à participation publique sont sur la liste d'attente, comme les Messageries maritimes d'Extrême-Orient ou encore le constructeur automobile Kamaz. Parmi les compagnies privées on peut citer l'usine automobile GAZ. Selon Oleg Derispaska, président du Conseil d'administration du groupe Basic Element, propriétaire de GAZ, l'usine doit s'introduire sur le marché des valeurs russes en 2007.
