L'assassinat d'Amin a été le prologue à 25 années de guerre civile en Afghanistan

S'abonner
MOSCOU, 26 décembre - Vladimir Pronine, RIA Novosti. Dans les derniers jours de décembre 1979, un événement a constitué un tournant brutal dans le cours de l'histoire contemporaine de l'Afghanistan, mais aussi du monde entier.

Une unité d'élite russe a pris d'assaut le palais Dar-ol-Aman à Kaboul, connu comme le "palais d'Amin". Très longtemps, toute l'information concernant les événements de Kaboul du 27 décembre 1979 a été "Top secret". Ce qui est d'ailleurs facile à comprendre, car le rôle joué par l'Union Soviétique, qui se faisait passer pour le principal combattant de la paix dans le monde, dans la tragédie du peuple afghan longue de 25 ans, n'y est pas présentée sous un jour noble, loin s'en faut, aux yeux de l'opinion mondiale.

Les commandos soviétiques, lancés à l'assaut de la citadelle du Président de la République démocratique d'Afghanistan, avaient pour tâche d'éliminer physiquement Hafizullah Amin et de faire en sorte que cela ressemble à une révolution de palais. Pour couvrir idéologiquement cette action, on a avancé la trahison d'Amin qui, devenu agent des Etats-Unis, aurait changé de repères en abandonnant l'Union Soviétique au profit des Américains. Selon les auteurs de cette version, cela ne manquerait pas de créer un problème de plus pour Moscou. Quoi qu'il en soit, cette version n'a été étayée ni à l'époque ni plus tard par aucun document digne de foi. "J'ai tout compris quand l'homme qui a tué par balle Amin m'a dit que l'ordre était de ne pas prendre Amin vivant", se souvint plus tard l'un des participants aux événements de décembre 1979.

Ainsi, une unité d'élite soviétique prend d'assaut le palais présidentiel et tue Amin. Dans le même temps, un groupe de parachutistes envahit l'aéroport international de Kaboul. Au Nord, des troupes interarmes de l'Armée soviétiques franchissent la frontière soviéto-afghane".

"Cette pure intervention chirurgicale destinée à stabiliser le régime d'un client (pro-soviétique)" s'est déroulée sans accroc à sa première étape, s'est souvenu plus tard le chercheur américain Robert Bauman.

En 1989, les troupes soviétiques se sont retirées d'Afghanistan, en laissant à jamais dans le sol afghan plus de 15 000 soldats et officiers.

L'occupation de Kaboul a été le prologue à une très longue guérilla.

Au début, les Afghans n'étaient pas hostiles aux soldats soviétiques, même s'il ne les ont pas accueillis à bras ouverts. Mais quelques semaines plus tard, une guérilla a éclaté. L'entrée des troupes soviétiques, acte sur lequel les gouvernants "communistes" d'avant la guerre - les chefs de la fameuse Révolution démocratique populaire d'Avril de 1978, Nur Muhammad Taraki et Hafizullah Amin, qui l'a renversé par la suite, avaient plus d'une fois insisté - a commencé à être perçue comme une invasion tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Afghanistan.

La plus haute direction de l'URSS (secrétaire général du CC du PCUS, Léonide Brejnev; le ministre des Affaires étrangères, Andreï Gromyko, connu sous le nom de Monsieur "Niet", et le président du KGB, Youri Andropov) s'est formellement opposée à l'entrée de troupes en Afghanistan et ce, plusieurs mois avant cet événement. Quoi qu'il en soit, en décembre 1979, le ministre soviétique de la Défense, Dimitri Oustinov, fervent partisan de l'intervention, a su imposer son point de vue. Une décision politique a été adoptée.

La guerre s'est avérée longue, sanglante et sans issue. Qui plus est, parallèlement à la crise économique en Union Soviétique, cette guerre est devenue l'un des facteurs déterminants de l'effondrement politique de l'URSS.

Tout comme les bolcheviks un demi-siècle avant, les leaders du Parti démocratique populaire d'Afghanistan, ayant appelé des troupes soviétiques à la rescousse dans leur lutte contre l'opposition intérieure, se distinguaient par leur athéisme belliqueux. Nur Muhammad Taraki promettait, par exemple, qu'à peine quelques années après la Révolution d'avril, on en aurait à jamais fini avec l'islam, et que les mosquées ne resteraient en Afghanistan que comme des monuments d'histoire et d'architecture.

Dans la guerre contre les "infidèles" - le djihad - Ahmad Shah Massoud allait avoir son mot à dire (par la suite, il a été assassiné à la veille des événements tragiques du 11 septembre 2001). Les troupes soviétiques se sont avérées incapables de l'éliminer. Qui plus est, en Afghanistan, Ahmad Shah Massoud est aujourd'hui vénéré comme un héros national pour le rôle qu'il a joué contre le régime fondamentaliste "taliban". On n'y oubliera pas, non plus, le général Rashid Dostum, l'un des leaders de l'"Alliance du Nord", formation anti-taliban, et une multitude d'autres "chefs de guerre".

Or, le terroriste numéro un dans le monde, Oussama ben Laden, s'est illustré, lui aussi, dans cette guerre contre les Soviets. A l'heure actuelle, il se cache, de toute évidence, dans les montagnes d'accès difficile à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan.

Somme toute, l'Afghanistan s'est avéré le dernier champ de bataille de la "guerre froide" entre l'URSS d'une part, et les Etats-Unis et leurs alliés à l'Est et à l'Ouest, de l'autre.

L'entrée des troupes soviétiques en Afghanistan a, entre autres, servi de prétexte aux Etats-Unis et à leurs alliés pour boycotter les Jeux Olympiques de 1980 à Moscou. Pire, les négociations soviéto-américaines sur la limitation des armements offensifs stratégiques ont été interrompues. La détente en Europe s'est retrouvée mise en veilleuse.

En commun avec le Pakistan, l'Arabie Saoudite et d'autres pays, les Etats-Unis armaient les moudjahidines et finançaient leur lutte. C'est dans les camps de réfugiés afghans au Pakistan et dans certains autres pays musulmans que le mouvement "taliban" a vu le jour, non sans le concours des Etats-Unis. Vers le début de 2001, ce mouvement a pris le contrôle d'environ 95% du territoire du pays, alors que le régime taliban s'est transformé en principal facteur de déstabilisation dans toute la région.

L'invasion des troupes des Etats-Unis et de leurs alliés en Afghanistan sous la bannière de l'opération antiterroriste "Liberté immuable", un mois après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre New York et Washington, est la première opération d'envergure dans la croisade contre le terrorisme international, décrétée par le Président des Etats-Unis, George W. Bush. Ensuite, le tour de l'Irak est venu. Mais si en Afghanistan, la situation est en train de revenir plus ou moins à la normale (en effet, le régime Taliban a été renversé, le Président a été élu et un Parlement démocratiquement élu s'est mis à travailler), tout porte à croire que l'Irak où les "acquis" sont apparemment les mêmes qu'en Afghanistan est en train de se transformer en "point chaud de longue durée".

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала