Schröder accepte, Evans refuse

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MOSCOU, 21 décembre - par Nina Koulikova, RIA Novosti. Le Wall Street Journal et le Financial Times ont annoncé lundi que l'ex-secrétaire américain au Commerce, Donald Evans, avait rejeté la proposition des autorités russes qui l'invitaient à entrer à la direction de la compagnie pétrolière publique Rosneft.

On ne sait pas si les experts russes ont poussé un soupir de soulagement ou de dépit en apprenant la nouvelle. En effet, l'initiative de nommer Evans au poste de président du conseil d'administration de Rosneft qui a défrayé la chronique nationale et internationale la semaine passée promettait à la Russie beaucoup d'avantages tout en suscitant pas mal de craintes.

En prévision de l'introduction en bourse de Rosneft, les autorités russes auraient pu montrer, avec la nomination d'Evans, que la gestion de cette compagnie allait se fonder sur les principes occidentaux. Elles voulaient ainsi redorer le blason de la compagnie, que Rosneft a terni aux yeux des investisseurs étrangers en achetant des actifs de Yukos, mais aussi celui de la Russie en général, qui a besoin que ses compagnies soient reconnues comme des partenaires fiables sur l'échiquier international. L'invitation d'un spécialiste aussi qualifié et influent à la tête de Rosneft confirme que les compagnies russes commencent à suivre ouvertement les normes internationales et sont disposées à faire preuve de transparence.

La Russie s'efforce ces derniers temps de consolider les positions de ses entreprises énergétiques publiques et d'améliorer leur image de marque. Premièrement, elle a partiellement libéralisé le marché des actions du monopole gazier en relevant de 20% à 50% moins une action le plafond de la participation étrangère. Deuxièmement, l'ouverture largement médiatisée du chantier du Gazoduc nord-européen (GNE) a démontré la capacité de Gazprom à coopérer avec des partenaires européens.

Le passage aux principes du marché dans les exportations de ressources énergétiques vers les pays de la CEI, particulièrement douloureux dans le cas de l'Ukraine, doit améliorer la transparence de ses échanges et, par voie de conséquence, l'efficacité du monopole gazier russe. Enfin, dans le secteur pétrolier, l'introduction en bourse de Rosneft, programmée pour 2006, doit réduire la participation publique dans cette compagnie et la propulser ainsi sur les marchés internationaux. Naturellement, l'arrivée d'un manager étranger influent aurait pu nettement simplifier la procédure.

L'ex-chancelier allemand Gerhard Schröder est le premier ancien haut responsable étranger à intégrer l'administration d'une compagne énergétique publique russe. Désigné à la tête du comité des actionnaires de North European Gas Pipeline Company, opérateur du GNE, il doit contribuer au règlement efficace des nombreux problèmes qui ne manqueront pas de se poser, notamment écologiques.

Le oui de Schröder a une nouvelle fois confirmé que l'économie russe entre définitivement dans l'économie mondiale. Les négociations sur l'adhésion de la Russie à l'OMC touchent à leur fin. Après le dernier round de décembre, il ne reste que quatre pays avec lesquels la Russie n'a pas encore signé les protocoles d'adhésion. En outre, l'année 2005 a battu tous les records pour le nombre des introductions en bourse de compagnies russes. Ces dernières, en débouchant sur les marchés internationaux dominés par le capital multinational sont ainsi obligées de suivre les tendances du monde contemporain. Si les compagnies russes deviennent multinationales, il est logique que leurs administrations deviennent, elles aussi, multinationales.

Cependant, l'invitation d'Evans dans la direction de Rosneft a suscité bon nombre d'interrogations. Le secteur privé pratique depuis plus d'un an la recherche d'actionnaires étrangers indépendants. Après les privatisations hâtives du début des années 1990, les nouveaux propriétaires russes se sont mis à engager des managers étrangers pour améliorer la qualité de la gestion. Par contre, aucun poste dirigeant dans une compagnie publique n'a jamais été proposé à un étranger, à plus forte raison à un ancien fonctionnaire.

Un fonctionnaire qui a travaillé pendant longtemps pour le bien de son pays est-il capable de défendre les intérêts d'une compagnie publique d'un autre pays? Car l'ex-secrétaire américain au Commerce pourrait sûrement être lobbyiste d'une ou de plusieurs transnationales. Si un ancien fonctionnaire étranger s'occupe de promouvoir les intérêts russes en Occident ou d'attirer des investissements tout en évitant que l'État perde le contrôle de la compagnie, c'est une chose; s'il contribue directement ou indirectement à faire tomber la compagnie entre les mains du capital étranger, c'en est une autre.

Les autorités russes semblent sûres d'elles. La Russie a montré qu'elle ne craint plus d'inviter des étrangers dans les compagnies publiques, et tout porte à croire que les autorités poursuivront leurs recherches et que Schröder ne sera pas l'unique célébrité étrangère au service de Moscou.

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