URSS-Japon: les dernières salves de la Seconde Guerre mondiale

© RIA NovostiLe 2 septembre 1945, le Japon signa l'acte de reddition totale
Le 2 septembre 1945, le Japon signa l'acte de reddition totale - Sputnik Afrique
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Cet article est consacré à la participation des Forces armées soviétiques à la défaite de l'armée japonaise du Kwantung, défaite qui avait en quelque sorte scellé le dernier accord de la Seconde Guerre mondiale.

Cet article est consacré à la participation des Forces armées soviétiques à la défaite de l'armée japonaise du Kwantung, défaite qui avait en quelque sorte scellé le dernier accord de la Seconde Guerre mondiale.

Un événement qui, selon moi, est très peu connu en Occident. J'ai moi-même pris part à ces combats, aussi j'alternerai les faits historiques avec mes propres souvenirs de cette époque. Cet article comporte plusieurs blocs: aperçu des forces belligérantes sur le théâtre extrême-oriental des opérations en août 1945, estimation du bilan de l'opération lancée en Mandchourie par l'Armée Rouge, débat avec certains historiens occidentaux sur la nécessité de l'implication de l'Union soviétique dans la guerre contre le Japon, les opérations armées en territoire chinois, la coopération avec les alliés et de brèves conclusions sur le bilan de la Seconde Guerre mondiale.

Le 2 septembre 1945, le Japon signa l'acte de reddition totale et sans condition à bord du croiseur américain Missouri mouillé dans la baie de Tokyo. Ainsi prit fin la Seconde Guerre mondiale qui avait duré six ans presque jour pour jour et emporté plus de 50 millions de vies humaines. Le point victorieux avait été mis ici par les troupes alliées ainsi que par l'Armée Rouge.

Cette dernière avait battu à plate couture l'armée du Kwantung dans le bassin Asie-Pacifique. Fort d'un million d'hommes et alignant 1.155 chars, 5.360 pièces d'artillerie, 1.800 avions de combat et 25 bâtiments de guerre, cet important groupement de troupes ennemies avait créé le long de la frontière des ouvrages fortifiés en béton, échelonnés en profondeur, reliés les uns aux autres par des souterrains, possédant des réserves de vivres et d'eau et des stocks de munitions permettant de combattre plusieurs mois sans discontinuer.

Réalisée par les troupes soviétiques du 9 août au 2 septembre, l'opération offensive de la Mandchourie figure dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et de l'art militaire comme l'une de ses pages les plus brillantes et les plus riches de contenu. Cette opération se déploya sur un front large de 5.000 km et profond de 200-800 km, sur un théâtre au relief accidenté associant déserts, steppes, massifs boisés, marécages, taïga, montagne et coupé de grands cours d'eau: Amour, Argoun et Sungari. L'Armée Rouge anéantit quelque 84.000 soldats et officiers japonais et en fit prisonniers environ 700.000, ne perdant elle-même que 12.000 hommes, soit moins d'un pour cent des effectifs engagés au combat. Jamais encore un tel résultat n'avait été obtenu pendant la Seconde Guerre mondiale. Ni par la Wehrmacht, ni par les troupes anglo-américaines.

C'est vrai que pour expliquer ce bilan exceptionnel certains chercheurs occidentaux avancent la thèse selon laquelle après les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, l'armée impériale japonaise était totalement démoralisée et ne constituait plus une force militaire tant soit peu redoutable. Ils prétendent également que la participation de l'Union soviétique aux étapes terminales de la Seconde Guerre mondiale n'était plus nécessaire et que les troupes des Etats-Unis et de leurs alliés auraient pu venir à bout du Japon impérialiste sans son assistance. Que répondre à cela? Une seule chose: il s'agit là soit d'un mensonge flagrant, conscient, soit simplement d'un manque d'informations, d'une connaissance défectueuse de la véritable histoire militaire du milieu du siècle passé.

Premièrement, aux Conférences de Téhéran (1943) et de Yalta (1944) le président des Etats-Unis, Franklin Roosevelt, et le premier ministre britannique, Winston Churchill, avaient demandé au commandant suprême, Iossif Staline, que l'Union soviétique et son armée entrent dans la guerre contre le Japon. Et cette aide avait été promise. A la Conférence de Potsdam (1945), le nouveau président américain, Harry Truman, reçut de Staline la confirmation que l'Armée Rouge lancerait une offensive contre l'armée du Kwantung trois mois exactement après la signature de l'acte de capitulation de l'Allemagne nazie. Et dans la nuit du 8 au 9 août nos troupes engagèrent le combat avec l'armée japonaise.

Les historiens militaires savent très bien pourquoi Washington avait tellement insisté pour que Moscou prenne part à la guerre contre Tokyo. Au mois d'août 1945, les Japonais disposaient dans la zone Asie-Pacifique de près de 7 millions de soldats et officiers, de 10.000 avions et de 500 navires de guerre. Les alliés n'y alignaient que 1,8 million d'hommes et 5.000 avions. Si l'Union soviétique n'était pas entrée dans la guerre, le gros des forces de l'armée du Kwantung aurait pu être dirigé contre les Américains et alors le conflit se serait prolongé au moins pendant un an, voire deux. Et les pertes américaines se seraient chiffrées à plus d'un million d'hommes. C'est d'ailleurs ce que les chefs du Pentagone avaient carrément déclaré au président Truman. C'est un fait historique que dans un premier temps lui non plus n'avait pas saisi le sens de la participation de l'Union soviétique à la guerre contre le Japon. Les généraux américains l'avaient sans aucun mal convaincu du contraire.

Deuxièmement, l'anéantissement de l'armée nippone du Kwantung, la libération du Nord-Est de la Chine (Mandchourie) et de la Corée du Nord des envahisseurs, la privation de Tokyo de ses bases militaro-économiques sur le continent asiatique et de têtes de pont dirigées contre l'URSS et la Mongolie, l'aide aux patriotes chinois dans la libération de leur pays répondaient aussi aux intérêts du Kremlin. A quoi il fallait ajouter également le désir de prendre une revanche sur la honteuse défaite dans la guerre russo-japonaise de 1905 et de récupérer l'île de Sakhaline et les îles Kouriles illégalement confisquées à la Russie. En août 1945, au moment de l'offensive je me trouvais dans la 5e armée du 1er Groupe d'armées extrême-oriental. Je puis dire que pratiquement chaque soldat et officier brûlait du désir de "laver l'affront de 1905".

D'autre part, les troupes soviétiques avaient aussi pour mission d'assurer la sécurité des frontières extrême-orientales. Pendant les 1.415 jours de la Grande Guerre patriotique le pays avait été contraint de maintenir sur ces frontières une quarantaine de divisions au complet qui manquaient cruellement sur le front soviéto-allemand. Surtout au moment où se décidait le sort des batailles de Moscou, de Stalingrad et de Koursk, le sort de notre victoire. Il est des chercheurs occidentaux qui prétendent que sur ces frontières les Japonais se tenaient tranquilles et n'avaient pas l'intention d'attaquer l'URSS. Cela aussi ce n'est pas la vérité. A plusieurs reprises les troupes de l'armée du Kwantung s'étaient livrées à des provocations contre nos soldats et avaient franchi la frontière terrestre et maritime soviétique. Leurs avions violaient régulièrement l'espace aérien de l'Union soviétique. De 1941 à 1945, un bon millier de cas de ce genre furent enregistrés. A 178 reprises les Japonais arraisonnèrent des navires de transport soviétiques et en coulèrent 18.

Voyons maintenant comment les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki influèrent sur la volonté de résister de l'armée du Kwantung. On sait que les bombes furent larguées les 6 et le 9 août. Selon le témoignage de l'historien japonais contemporain Hattori, qui avait pris part à cette guerre, le 10 août l'état-major impérial avait donné l'ordre au commandant en chef du groupement de troupes du Kwantung, le général Yamada, de "concentrer les efforts contre l'Union soviétique et de défaire l'ennemi". Le 14 août, alors que Tokyo avait décidé de capituler aux conditions de la Déclaration de Potsdam en date du 26 juillet 1945 et en avait informé les gouvernements des Etats-Unis, de l'URSS et de l'Angleterre, l'ordre de cesser les combats n'était toujours pas parvenu à l'armée du Kwangtung. Seule l'offensive fougueuse de nos formations interarmes, appuyée par l'aviation et la marine, les puissantes frappes d'artillerie des groupements et un débarquement aéroporté dans les arrières japonais, le morcellement de l'armée japonaise en unités disparates et isolées les unes des autres contraignirent les officiers et les soldats de l'empereur Hirohito à commencer à déposer les armes et à se constituer prisonniers. Cela ne se produisit qu'après le 20 août. Mais par la suite aussi, j'en ai été le témoin, certains points fortifiés dans la localité de Gradekowo et sur les versants du mont Verblioud, quoique entièrement encerclés, continuèrent de se battre avec acharnement contre nos troupes, et ce même après le 2 septembre.

Je voudrais souligner tout particulièrement que l'opération offensive stratégique de Mandchourie mit en relief non seulement la puissance grandissante de l'Armée Rouge, accumulée au cours de la guerre, mais encore l'art militaire hors de pair de ses chefs. Il suffit ici d'évoquer le transfert du front occidental sur le front oriental de 400.000 soldats et officiers, de plus de 7.000 pièces d'artillerie, de 1.100 avions, ce qui avait nécessité 136.000 wagons de chemin de fer. Relevons en passant que ce transfert avait échappé à l'attention de la reconnaissance japonaise qui possédait cependant un réseau d'agents développé en Extrême-Orient. Un autre détail. Le commandement soviétique avait décidé de lancer l'attaque contre les positions nippones dans la nuit du 8 au 9 août. Le chef de la reconnaissance de la 5e armée (les Japonais en possédait une également) en avait informé le général Yamada. Celui-ci avait noté dans un rapport que "seul un dément pourrait lancer une offensive au Primorié au mois d'août, en pleine saison des pluies, lorsque les routes détrempées sont impraticables".

Pourtant, nous étions passés à l'offensive et avions triomphé. Avec quand même pas mal de difficultés il faut bien le dire. Les chars et l'artillerie s'enlisaient dans la boue. La cavalerie aussi. Des kilogrammes de glaise s'accrochaient aux bottes et aux sabots, mais nous avancions à des cadences qui étaient même plus rapides que lors des mois d'été sur le front soviéto-allemand. On se doit ici d'évoquer l'aide des paysans chinois. Personne ne les avait contraints à agir de la sorte. Cependant, les occupants japonais avaient visiblement suscité chez eux des sentiments tels qu'ils sortaient de leurs maisons et dégageaient à la main nos blindés embourbés pour que nous puissions plus vite chasser les ennemis maudis de leur sol.

Quelques mots aussi sur la coopération avec les alliés. Les zones de nos actions de guerre, les axes de l'offensive et les régions d'occupation avaient bien sûr été concertés par les responsables des opérations. Cependant, les décisions prises ne furent pas toutes appliquées comme il se devait. Par exemple des bataillons de la 25e armée du général de corps d'armée Ivan Tchistiakov durent attendre deux jours dans les faubourgs septentrionaux de Séoul l'arrivée des troupes américaines qui devaient prendre possession de la zone qui leur avait été impartie. Dans le même temps, alors que des unités de notre 39e armée avaient débouché sur Port Arthur, des vedettes rapides américaines tentèrent de débarquer des troupes en vue d'occuper des positions stratégiques. Seules quelques rafales d'armes automatiques - tirées en l'air, bien sûr - contraignirent les "hôtes indésirables" à quitter les lieux.

Les Américains ne remplirent pas non plus l'engagement à partager avec l'Armée Rouge l'occupation de l'île de Hokkaido, un point sur lequel les dirigeants des trois puissances s'étaient entendus. Cependant, le général Douglas McArthur, qui exerçait une forte influence sur le président Harry Truman, s'y était résolument opposé. C'est ainsi que les troupes soviétiques ne débarquèrent pas en territoire japonais. D'un autre côté, nous ne laissâmes pas le Pentagone installer des bases militaires dans les Kouriles. Il était évident que s'ils avaient occupé ces territoires il aurait été très difficile de les en faire partir.

Quoi qu'il en soit, en méditant sur les résultats de la Seconde Guerre mondiale, en analysant les événements de ses derniers jours, on se doit de tirer la conclusion essentielle. C'est ensemble que les grands pays du monde sont venus à bout de ce fléau commun qu'étaient le fascisme hitlérien et le militarisme japonais au milieu du siècle passé et c'est seulement ensemble qu'ils vaincront aujourd'hui le terrorisme international. En s'entraidant et en soutenant le partenaire. Sans cette solidarité exempte de considérations conjoncturelles et de politique égoïste mesquine, chacun de nous pris séparément est voué à l'échec. Ensemble, nous sommes invincibles.

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