L'avenir des blocs dans l'espace post-soviétique

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MOSCOU, 9 décembre - Alexeï Makarkine, directeur adjoint du Centre des technologies politiques (Russie) - RIA Novosti).

La concurrence entre les blocs dans l'espace post-soviétique est de plus en plus âpre, de sorte qu'elle remet en cause les perspectives mêmes de l'existence ultérieure de la Communauté des Etats indépendants (CEI).

Les prévisions sont les plus variées et vont d'optimistes modérées à extrêmement négatives.

Tout indique cependant que la CEI continuera d'exister, en dépit des divergences politiques de plus en plus flagrantes entre ses pays membres. La dissolution de la CEI signifierait le "blocage" de tout un système de nombreux accords dans le domaine de la politique, mais surtout dans les sphères économique et sociale. On ne doit pas oublier que les pays de l'ancienne URSS sont toujours interdépendants sur le plan économique. Et ce n'est pas par hasard que la Géorgie, qui n'hésite pas à brandir la menace de sa sortie de la Communauté dans son "marchandage" avec la Russie, n'a jamais envisagé sérieusement de se retirer pour de bon de la CEI.

Une autre ressource très importante de cette organisation réside dans sa nature même, en tant que terrain propice au dialogue entre les leaders des Etats qui en font partie. Où peuvent se rencontrer les dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, pays qui ont des positions diamétralement opposées dans le conflit du Haut-Karabakh, sinon dans le cadre de la CEI?.

Dans le même temps, les structures "post-soviétiques" orientées vers la Russie - l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) et la Communauté économique eurasiatique (CEEA) - sont stables. Leurs participants poursuivent un objectif commun, à savoir l'intégration progressive dans les domaines de la défense et de l'économie. Les élites dans les Etats d'Asie Centrale sont persuadées que seule une Russie puissante est capable de les protéger face à la menace du radicalisme religieux qui ne cesse de produire des terroristes prêts à déstabiliser les régimes laïques de la région. Qui plus est, les leaders des pays membres des blocs pro-russes ont tout intérêt à se prémunir contre les "révolutions colorées", et ils bénéficient d'ailleurs de la totale compréhension de la Russie qui veut maintenir le statu quo dans les Etats qui sont ses plus proches partenaires.

Par ailleurs, l'attrait des organisations s'alignant sur la Russie augmente. Par exemple, l'Arménie qui ne faisait pas fait partie des pays fondateurs de la Communauté économique eurasiatique participe à présent à ses travaux à titre d'observateur. Le rapprochement politico-militaire de la Russie et de l'Ouzbékistan peut tout à fait déboucher sur l'intégration de ce dernier à l'OTSC. Cette année, on a assisté à la fusion de la Communauté économique eurasiatique et de l'Organisation de coopération centrasiatique (OCCA). A signaler que la Russie ne faisait pas partie de l'OCCA (une éventuelle alternative à l'influence de Moscou en Asie Centrale a ainsi été éliminée). Une nouvelle série de "révolutions colorées" constituerait l'unique menace à l'existence des blocs pro-russes. Cependant, les derniers développements (par exemple, au Kazakhstan) montrent que l'effet domino n'est pas à craindre. Il est d'ailleurs significatif que la relève du pouvoir en Kirghizie ne se soit pas répercutée sur son appartenance aux blocs.

Il y a aussi l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui regroupe, à part les membres centrasiatiques de la CEI et la Fédération de Russie, la République populaire de Chine (RPC). Tout porte à croire que la zone d'influence de l'OCS dans l'espace post-soviétique peut s'élargir, la Biélorussie se proposant d'y adhérer. On ne perçoit pas dans un avenir prévisible de contradictions fondamentales entre Moscou et Pékin, susceptibles de "faire exploser" cette organisation dont les leaders sont précisément la Russie et la Chine, deux participants clés au système de stabilité régionale.

Néanmoins, il y va tout autrement du GUAM, créé autrefois en tant qu'entité géopolitique concurrençant la Russie dans l'espace post-soviétique. Les membres du GUAM ont des priorités différentes. Si, l'Ukraine et la Géorgie cherchent à adhérer à l'Alliance atlantique, la Moldavie insiste officiellement sur son statut d'Etat neutre, alors que nul ne considère l'Azerbaïdjan comme un membre potentiel de l'OTAN. Si les "révolutions colorées" ont triomphé en Ukraine et en Géorgie, Ilham Aliev a réussi à prévenir une telle évolution en Azerbaïdjan. N'oublions pas non plus que ce bloc a perdu un de ses membres - l'Ouzbékistan. Toutefois, cela ne signifie pas que le GUAM cessera d'exister sous peu. De toute évidence, ce bloc sommeillera pour pouvoir être utilisé dans l'intérêt de l'Occident à plus ou moins longue échéance. Il y a des exemples d'existence nominale d'organisations internationales, dont le Traité d'organisation centrale (CENTO), bloc des années 1970 au Moyen-Orient (on n'a jamais réussi à réanimer le CENTO qui s'est effondré sous la poussée de la révolution iranienne).

La crise des motivations des membres du GUAM est sans doute à l'origine de la création de cette nouvelle structure interétatique qu'est la Communauté du choix démocratique (CCD) qui regroupe à la fois les membres de la CEI entretenant des rapports difficiles avec la Fédération de Russie et certains Etats d'Europe Centrale qui ont récemment rejoint l'Union européenne (UE). Il s'agit là d'une sorte de "classe préparatoire" qu'il est nécessaire de fréquenter avant d'adhérer à l'OTAN et à l'UE. Il va de soi que les études dans cette "classe" seront suffisamment longues, car à ce jour, aucun pays de la CEI n'est prêt à devenir membre des organisations évoquées. Il ne faut pas non plus sous-estimer le facteur des relations économiques avec la Russie, d'autant plus que l'euphorie "révolutionnaire" est en chute libre, ce qui provoque inévitablement un regain de pragmatisme au sein des élites de ces Etats. De toute évidence, l'avenir de la Communauté du choix démocratique sera en grande partie fonction de la mesure dans laquelle l'Occident sera conséquent et consolidé en matière d'intégration des pays post-soviétiques. En attendant, l'Occident ne fait que des signes encourageants, plutôt isolés, dans ce sens (ce qui se rapporte tout particulièrement à l'Ukraine), et avec beaucoup de circonspection.

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