Tachkent a fait son choix géopolitique: alliance avec Moscou

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MOSCOU, 15 novembre - Alexeï Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques (Russie) - RIA Novosti.

La signature du traité sur les rapports d'alliance entre la Russie et l'Ouzbékistan par Vladimir Poutine et Islam Karimov n'a pas fait sensation. C'est que depuis ces derniers mois, les deux pays se sont progressivement rapprochés l'un de l'autre.

Dans le même temps, les contradictions entre l'Ouzbékistan et l'Occident se sont aggravées à une rapidité vertigineuse, de sorte que les événements d'Andijan constituent en fait l'apogée de ce processus. L'Occident ne ménage pas ses efforts, en critiquant les officiels de Tachkent de violer les droits de l'homme. Pour la Russie, un partenariat pragmatique avec un pays qui, tout récemment encore, faisait partie de l'Union Soviétique, compte davantage pour elle.

Désormais, l'Ouzbékistan ne fait pas figure d'un simple partenaire de la Fédération de Russie dans le cadre de la Communauté des Etats indépendants (CEI) (comme, par exemple, l'Ukraine ou la Géorgie), il est désormais son allié. Une telle évolution de la situation conforte incontestablement les positions de la Russie en Asie Centrale. Rappelons que le Kazakhstan, la Kirghizie et le Tadjikistan, pays centrasiatiques, font d'ores et déjà partie de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) qui est une structure manifestement pro-russe. A ce jour, la Turkménie qui pratique sciemment une politique d'autarcie est, dans la région, la seule exception. Comme l'a fait remarquer le Président de l'Ouzbékistan, Islam Karimov, lui-même, il s'agit "d'une région, où la présence de la Russie ne pourra jamais et par personne être contestée ". N'oublions pas, non plus, qu'au cours de sa visite à Moscou, le Président ouzbek a particulièrement insisté sur l'intérêt de son pays à coopérer avec l'OTSC. Tout indique, par conséquent, que l'ultérieure institutionnalisation des relations d'alliance entre Moscou et Tachkent n'est pas du tout à exclure.

Retenons encore deux circonstances significatives liées à la signature du traité. Tout d'abord, ce document permet aux pays-signataires d'utiliser réciproquement des installations militaires "dans le but de garantir la sécurité, de maintenir la paix et la stabilité", ainsi que sur la base d'accords spéciaux. A partir de cette clause, une version a vu le jour, selon laquelle le traité qui vient d'être signé prévoit le déploiement d'une base militaire russe sur le territoire de l'Ouzbékistan. Pourtant, en réalité, il n'en est pas tout à fait ainsi: il ne s'agit pas de déployer une base, cela reste une éventualité théorique. Et ce n'est pas par hasard qu'un responsable russe haut placé a déclaré: "Le déploiement d'une base militaire russe en Ouzbékistan ne figure pas à présent à l'ordre du jour". Ainsi, il n'est pas du tout dans les plans de Moscou d'irriter les Etats-Unis qui retirent aujourd'hui leur base de Khanabad. On comprend bien que les Américains réagiraient de façon extrêmement négative face à l'apparition rapide d'un ouvrage militaire russe en Ouzbékistan. Dans le même temps, la Russie se réserve ce droit pour l'avenir.

Et ensuite, avant de prendre l'avion à destination de Moscou, Islam Karimov a tenu à faire remarquer que le traité prévoyait, entre autres, une assistance mutuelle en cas d'agression contre l'une des parties. Selon le Président de l'Ouzbékistan, toutes les tentatives d'ingérence extérieure et ce, sous n'importe quelle forme, seront désormais considérées comme des actes similaires à l'égard de la Russie. "Aussi, je pense que certaines parties auront-elles à en tirer des conclusions, et ce notamment, à partir des nouvelles réalités. Autrement dit, en levant la main sur nous, on lève la main sur la Russie. Et mon avis est que les Ouzbeks ne comprennent que trop de telles perspectives, de même que leur signification", a dit Islam Karimov.

En fait, de telles clauses figurent dans n'importe quel document qui entérine une alliance militaire entre Etats, dans le cas contraire elle s'apparenterait à une simple déclaration d'intention. Il est clair qu'il s'agit d'une riposte conjointe à une agression extérieure, dont le fait doit encore être établi de façon authentique. Quant à la répression des désordres intérieurs, c'est une prérogative qui appartient individuellement à chacun des pays. Par conséquent, le traité ne précipitera pas la Russie dans un nouveau conflit, pareil à celui d'Afghanistan. Rien de tel! Mais cela n'exclut évidemment pas, l'échange d'information sur les trafiquants de drogue et les radicaux islamistes qui menacent les intérêts des deux Etats.

Tout porte à croire qu'un traité d'alliance aussi "progressiste" est en train de remplir un rôle tout à fait particulier. En effet, ce document a fait son apparition dans la situation où Tachkent fait l'objet des pressions extrêmement puissantes de la part de l'Occident qui considère de plus en plus le régime de Karimov comme celui d'un nouveau "paria".

Rappelons qu'un groupe de membres du Congrès américain ont même réclamé des sanctions contre l'Ouzbékistan et un procès d'Islam Karimov à la Cour internationale de Justice (CIJ). Les gouvernements des pays-membres de l'Union européenne (UE) viennent de frapper d'embargo les fournitures d'armes en Ouzbékistan, tout en interdisant pour une année, la délivrance des visas à 12 officiels ouzbeks.

Dans de telles circonstances, Tachkent n'a plus d'autre choix que celui de miser sur l'amitié avec Moscou qui est d'importance vitale pour Karimov. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, la Fédération de Russie peut effectivement frapper de veto n'importe quelle résolution prévoyant des sanctions contre l'Ouzbékistan. Quant à la réaction négative de l'Occident, la Russie ne s'en soucie pas trop à présent. Tout d'abord, les années 1990, époque où Moscou dépendait des créanciers occidentaux, sont aujourd'hui l'apanage du passé. Ensuite, il est à ce jour des sujets sans doute de loin plus graves pour "s'expliquer" (y compris les futures élections présidentielles prévues pour l'année prochaine en Biélorussie). Et enfin (et c'est, de toute évidence, le principal), le pragmatisme joue un rôle très important en Occident, de sorte que la coopération dans le secteur gazier compte sans doute beaucoup plus pour nombre de politiques européens que les événements en Asie Centrale, terre plutôt éloignée de Berlin ou de Paris.

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