Le dramatique octobre de l'astronautique russe

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MOSCOU, 28 octobre. (Andreï Kisliakov, commentateur politique de RIA Novosti). Octobre a été un mois funeste pour le programme spatial russe.

Le 7, le satellite expérimental Demonstrator lancé par un missile converti Volna depuis le submersible Borissoglebsk n'a pas atteint l'orbite qui lui avait été fixée. Vingt-quatre heures plus tard, un missile converti Rokot basé au sol a "noyé" dans l'océan Arctique 170 millions de dollars, le coût du satellite scientifique Cryosat de l'Agence spatiale européenne. A la fin du mois les spécialistes ont perdu tout espoir de rétablir le fonctionnement du nouveau satellite d'observation de la Terre Monitor-E qui avait été mis en orbite le 26 août. Enfin, en baisser de rideau de ce mois de guigne un coup était porté à la cible principale: au cours d'une manoeuvre de correction de l'orbite de la Station spatiale internationale (ISS) le système informatique a débranché les quatre moteurs d'accostage et d'orientation du vaisseau de transport Progress. Heureusement tout est revenu en ordre et l'orbite de la station a été placée à l'altitude requise.

Serait-il juste de porter un jugement critique à notre activité spatiale dans son ensemble si les statistiques embrassant les dix dernières années contredisent ce jugement? Signalons quand même que l'année dernière la Russie s'est classée première avec une bonne avance pour ce qui est des lancements spatiaux réussis.

Quoi qu'il en soit, essayons de cerner les raisons probables des échecs de cet automne.

Eu égard à la réduction sensible de ses forces nucléaires stratégiques, la Russie a élaboré quatre programmes d'utilisation commerciale de missiles balistiques provenant des troupes stratégiques: Dnepr (à partir du missile lourd SS-18, plus connu sous le nom de Satan), Start (SS-25 Topol), Strela et Rokot (à partir du RS-18 Stilet). De l'avis des militaires, la réalisation de ces programmes pourrait leur assurer du travail sur le long terme et leur procurer un plus à gagner chiffré par les spécialistes à 20 milliards de roubles (1 euro=34,53 roubles).

Outre l'avantage direct, la Russie réaliserait aussi une économie indirecte colossale: de toute façon en vertu des engagements pris en matière de désarmement elle devait détruire tous ces missiles. D'un côté, le lancement des missiles est le procédé de destruction le moins cher qui soit et, de l'autre, en cas de conclusion d'accords commerciaux il peut aussi procurer de substantiels gains d'appoint.

Evidemment, il est bien plus tentant de percevoir un supplément d'argent en tirant des missiles que de les démanteler en payant cher. Seulement le matériel militaire en service depuis pas mal de temps présente un certain taux de vétusté. Chaque tir de missile converti manqué porte atteinte au prestige des lanceurs russes et aussi fait planer des doutes sur la "fiabilité" de la force nucléaire russe de dissuasion.

En outre, en raison de leur capacité d'emport limitée, ces fusées ne peuvent pas être utilisées pour les lancements les plus avantageux commercialement parlant, c'est-à-dire ceux de satellites lourds de télécommunications dont le poids dépassera bientôt les dix tonnes.

En ce qui concerne la perte de Monitor-E, un satellite dont on a tellement besoin de nos jours, les représentants de Roskosmos estiment que la défaillance technique a pour origine des erreurs de conception et d'exploitation.

Ce qui est fort plausible. Surtout si l'on tient compte que l'industrie spatiale russe n'a pas consacré suffisamment de temps, pour ne rien dire de plus, à la longévité des satellites. Seulement à l'époque où ses ressources financières étaient pratiquement illimitées, l'astronautique soviétique pouvait se permettre de procéder jusqu'à cent lancements par an, ce qui lui permettait de compenser les pertes des systèmes orbitaux.

De nos jours, c'est justement la durée de vie des composantes des groupements orbitaux militaires et civils qui détermine le niveau de développement des engins spatiaux nationaux.

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