La corruption, le pire fléau de notre époque

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MOSCOU, 3 octobre - Vassili Kononenko, commentateur politique de RIA Novosti. Le ministre russe de l'Intérieur Rachid Nourgaliev vient de faire une déclaration sensationnelle: de menace locale, la corruption devient un phénomène transnational qui touche l'économie de tous les pays de la CEI. Cette constatation est sortie de sa bouche lors de la session du Conseil des ministres de l'Intérieur de la CEI qui a eu lieu à Erevan.

Les aveux du premier policier russe sonnent comme un coup de pub ou une tentative de se justifier aux yeux d'une population indignée et de se prémunir contre les nuages orageux que le Kremlin accumule au-dessus de sa tête. Car il ne se passe pas une semaine sans qu'un scandale retentissant ou une opération spéciale ne dévoile des "ripoux", une bande de meurtriers, de cambrioleurs ou de voleurs de voitures, sans oublier la corruption omniprésente de la police de la route. Cependant, les propos de Nourgaliev ne se limitent pas à son ministère. Alors que l'ordre s'installe dans le domaine fiscal, un travail ambitieux se déploie pour réviser toutes les composantes de la vie des fonctionnaires qui alimentent la corruption.

À la mi-septembre, le président Vladimir Poutine a également fait une vive déclaration dans ce sens. Lors d'une réunion avec les responsables des régions du Sud, il a reconnu que la corruption et le clanisme régnaient dans la région, entravant son développement économique. "Le problème ne se limite pas au Sud, il s'étend à tout le pays", a-t-il dit. Le gouvernement a récemment annoncé que tous les projets de loi et d'actes réglementaires initiés par les ministères et les administrations sectoriels devraient subir une expertise anticorruption organisée avec la participation d'experts indépendants.

Si les autorités ont décidé d'appliquer des mesures aussi extraordinaires, c'est que les entreprises et les simples citoyens ne cessent de se plaindre de l'imperfection des lois et de l'arbitraire des bureaucrates. Une vérification sélective a montré que les administrations concernées qui participent à l'élaboration des lois se créent elles-mêmes une marge de manœuvre pour la corruption. Ainsi, une expertise indépendante de la Loi sur les médicaments a révélé que seulement une de ses clauses ne poussait pas à la corruption. Quant au pouvoir législatif, beaucoup de députés confirment l'existence, depuis des années, d'un "barème" secret des pots-de-vin. Ainsi, une loi vaut un million de dollars minimum, et un amendement important coûte plusieurs dizaines, voire des centaines de milliers de dollars. Le tarif d'une interpellation varie entre 7 000 et 10 000 dollars. Chez les sénateurs, la méthode d'action est un peu différente. Là-bas, des lobbyistes se réunissent en un "groupe de choc" qui ne se contente pas de quelques milliers de dollars pour examiner une interpellation, et les tarifs sont infiniment plus élevés. Selon le Comité national anticorruption, le chiffre d'affaires annuel des démarches entreprises par les députés en faveur de fonctionnaires haut placés représentent des milliards et des milliards de roubles.

Les sondages réalisés auprès des chefs d'entreprise de taille moyenne de Moscou qui abrite près d'un quart des PME russes, les dessous-de-table offerts à des fonctionnaires de rang différents représentent au moins 600 millions de dollars tous les mois, soit plus de 7 milliards de dollars par an. Selon le ministre du Développement économique, Guerman Gref, les pots-de-vin versés sur le marché de la construction de logements se chiffrent à 3,5 milliards de dollars tous les ans.

L'un des premiers pas faits dans ce sens par le premier ministre Mikhaïl Fradkov était de doubler ou tripler les salaires des fonctionnaires. Mais, un an plus tard, il s'est trouvé que cette mesure n'avait pas apporté de résultats sensibles. Le débat s'est déchaîné au cours de la réforme administrative: lutter contre la corruption par des méthodes musclées ou réunir les conditions économiques propices à la lutte contre la corruption? Une approche d'ensemble s'est formée peu à peu, et au moins cinq axes de lutte contre la corruption ont été retenus: forte restriction du rôle de l'État dans l'économie, sanctions pénales sévères pour la corruption, hausse des salaires des fonctionnaires, garanties sociales offertes aux fonctionnaires, installation de caméras vidéo non seulement dans les bureaux mais aussi partout où les fonctionnaires et les hommes d'affaires se rencontrent. Quoi qu'il en soit, les moyens précités de lutte contre la corruption seront inefficaces tant que les responsables politiques de différents niveaux ne feront pas preuve de volonté politique et ne créeront pas une atmosphère d'intolérance face à la corruption. Mission impossible à court terme.

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