Une démarche de la droite moscovite

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MOSCOU, 15 septembre - Vassili Kononenko, commentateur politique de RIA Novosti.

Un événement vient de se produire sur la scène politique russe qui est plutôt local d'après sa nature, mais acquiert une dimension nationale par sa signification profonde. C'est que les organisations moscovites des partis "de droite", et plus précisément de l'"Union des forces de droite" (SPS) et de "Yabloko", ont enfin décidé de conjuguer leurs efforts pour participer en commun aux futures élections à l'assemblée municipale de Moscou qui sont fixées au 4 décembre prochain.

Or, tous attendaient un tel événement en 2003, soit avant les élections à la Douma d'Etat (Chambre basse du Parlement russe). A l'époque, la cote de popularité de ces deux partis était trop faible pour qu'ils puissent franchir la barre des 7%. Les libéraux les plus connus et les plus respectés du pays avaient alors exigé des leaders du SPS et de "Yabloko" qu'ils forment immédiatement un bloc uni pour protéger l'idée libérale en Russie. Pourtant, tous ces appels avaient été vains. Le résultat n'en est que trop connu de tous: ces deux partis se sont retrouvés en marge de la vie politique où ils restent jusqu'ici. Leur électorat devient de moins en moins nombreux, et les structures d'appui de SPS et de "Yabloko" dans les régions se désorganisent progressivement.

Quoi qu'il en soit, des conversations aussi infinies que stériles se poursuivent toujours sur une fusion, sur la création d'un nouveau parti démocratique à des conditions très différentes, jusqu'à la dissolution des actuels partis de droite. Et voilà que les organisations moscovites de deux partis démocratiques se sont finalement décidées à expérimenter. Autrement dit, le SPS a accepté d'aller aux élections à l'assemblée municipale de Moscou sur une seule liste électorale sous le label de "Yabloko". Ce qui signifie que le nom du SPS ne figurera même pas à ces futures élections, ce qui est non seulement blessant pour tout parti politique, mais aussi et surtout dangereux pour son image de marque. Il n'en est pas moins vrai que tout cela se produit sans l'assentiment des leaders fédéraux de la droite. Et ces derniers ont déclaré qu'il ne s'agissait pour le moment que d'une discussion sur les variantes éventuelles. De toute évidence, la situation dans le camp des démocrates se précisera définitivement après le congrès du SPS, prévu pour le 24 septembre prochain, et la conférence de l'organisation moscovite de "Yabloko" qui aura lieu le lendemain, soit le 25 septembre.

Et les élections à l'assemblée municipale de Moscou, que signifient-elles donc? Par tradition, Moscou est sans doute la ville la plus politisée de la Russie. Le 4 décembre, les Moscovites dont au moins 20% se considèrent comme partisans conséquents de l'idée libérale décideront à quel parti politique ils donneront leur préférence. Par conséquent, ces futures élections à Moscou, qui ne sont en fait qu'un événement local, seront incontestablement un indicateur des états d'esprit dans l'ensemble de la société russe. C'est qu'il ne s'agira pas là d'une simple procédure d'élection des 35 députés moscovites, dont 20 seront élus selon les listes des partis. Les politiques considèrent incontestablement cette "bataille de Moscou" comme une chance pour remplacer l'équipe de Youri Loujkov et créer ainsi une sorte de tête de pont pour les législatives fédérales de 2007.

A signaler que selon le nouveau mécanisme de formation du pouvoir régional, la nouvelle assemblée entérinera la candidature du maire de Moscou. Et c'est sans doute la raison pour laquelle toutes les forces intervenant sur la scène politique russe se sont élancées avec autant de zèle et de détermination dans la course électorale. Dans cette situation apparemment inextricable, au sein des états-majors des partis les idées se succèdent sans discontinuer, certains proposant Mikhaïl Khodorkovski actuellement en détention comme leader, d'autres appelant les partisans de l'idée libérale à boycotter ces futures élections.

Or, certains analystes estiment que la fusion tactique du SPS et de "Yabloko" en prévision des élections n'équivaut pas dans la plupart des cas à une addition automatique de leurs électorats. Ce disant, ils se réfèrent notamment à l'expérience des quatre dernières élections aux Parlements régionaux (Assemblées législatives). Il en est peut-être ainsi en effet. Si, par exemple, aux élections parlementaires de 2003, le parti "Yabloko" a recueilli à Moscou presque 10% des voix, et le SPS 7,5%, il est très peu probable qu'en fusionnant ils auraient pu récolter 17% des suffrages exprimés. Néanmoins tous sont sûrs et certains qu'ensemble, ces deux partis politiques réussiront finalement à surmonter le cap des 10%, fixé aujourd'hui pour être élu à l'assemblée municipale de Moscou.

En attendant, le conseil politique fédéral du SPS n'a pas encore défini son attitude face à la démarche entreprise par son organisation moscovite. Pour ce qui est de "Yabloko", cette décision y est saluée. Il y a un certain temps l'un des leaders de la droite - Boris Nadejdine - a fait une déclaration sensationnelle: "Les démocrates se réuniront de la façon la plus inattendue". Par la suite, on a appris ce qu'il entendait par là. A un certain moment, fatigués des différends incessants à Moscou, les leaders régionaux doivent intervenir contre les dirigeants fédéraux très peu accommodants et prendre en toute indépendance la décision de fusionner. Si cela se produit effectivement dans l'immédiat, les élections moscovites pourront conférer une puissante impulsion à la relance de la cote de popularité de la droite en sorte qu'elle revienne à la Douma d'Etat en 2007.

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