Y aura-il deux Conseils de sécurité de l'ONU?

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NEW YORK (par Dmitri Kossyrev, commentateur politique de RIA Novosti).

Le mot "échec" a été maintes fois prononcé à l'adresse du Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan au cours de la conférence de presse qui s'est tenue le premier jour de la 60e session anniversaire de l'Assemblée générale de l'ONU. Il est vrai, ce mot a été prononcé naturellement non pas par les quelque 150 chefs d'Etat et de gouvernement qui étaient réunis, mais par les journalistes qui ont pris connaissance des résultats des discussions menées pendant plusieurs mois au niveau des représentants permanents à l'ONU. La confrontation des intérêts a été si sérieuse qu'il ne reste plus grand-chose du projet de réforme radicale de l'ONU, dans lequel Kofi Annan a mis une partie considérable de son prestige. Cela s'est reflété dans le document final arrangé et soumis à l'Assemblée.

"Vous aviez beaucoup de temps pour accomplir ce travail, plus que Dieu qui a créé le monde", lui a dit, au cours d'une rencontre, l'ambassadeur russe, se souvient Kofi Annan. (Il s'agit de Serguei Lavrov, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères). "Dieu a travaillé seul, il n'avait ni Assemblée générale, ni Conseil de sécurité", lui a répondu le Secrétaire général ayant en vue que cette réforme ne peut être que le fruit de la confrontation des intérêts de tous les membres de la famille des peuples.

Non seulement la composition du Conseil de sécurité, mais aussi la réforme de la Commission pour les droits de l'homme qui siège à Genève sont le pierre d'achoppement des intérêts des 191 membres de l'ONU.

Si la variante de cette réforme proposée dans le projet de document final avait été adoptée, il y aurait deux Conseils de sécurité à l'ONU. Le Conseil de sécurité actuel comporte les membres les plus influents de la communauté internationale qui y siègent en permanence. A en juger par les tentatives stériles de divers groupes d'Etats pour changer la composition de cet organe, il n'est pas si facile de le réformer. Le Conseil pour les droits de l'homme, dont la création a été proposée, devait également être constitué, en fait, de membres permanents: les Etats les plus démocratiques ayant le droit de prononcer des verdicts à l'égard d'autres membres de l'ONU. La composition du Conseil ayant 53 membres renouvelables actuellement devait être réduite jusqu'à environ 20 à 25 Etats. Ses membres devaient être rigoureusement triés d'après les critères de la conformité. Par conséquent, il serait également très difficile de changer la composition de ces "membres démocratiques permanents".

Il est clair que cette initiative a été avancée par les Etats-Unis et le groupe de compagnons d'idée figurait dans les fameux 700 amendements au document final de l'Assemblée générale proposés par John Bolton, nouveau représentant permanent des Etats-Unis à l'ONU. D'ailleurs, ces amendements ont prouvé que la réforme de l'ONU ne se déroulerait pas facilement et rapidement, car de nombreux Etats se sont élevés contre eux.

Les mythes démocratiques si chers aux Etats-Unis sont bien connus. Intervenant le 14 septembre devant l'Assemblée générale, le président américain George Bush a cité une liste assez intéressante de pays qui aspirent à la liberté: l'Afghanistan, l'Irak, le Liban, la Palestine, la Kirghizie, l'Ukraine et la Géorgie. Selon lui, c'est justement dans ces Etats "des dizaines de millions de personnes ont participé au scrutin libre, en inspirant des millions d'autres personnes au Grand Proche-Orient. En sachant que le vote dans ces pays a suscité de nombreuses évaluations contradictoires, on comprend que les Etats-Unis auraient eu bien du mal à mettre en œuvre leur variante de réforme de la Commission pour les droits de l'homme.

Dans la résolution finale de l'Assemblée générale adoptée le 14 septembre, cette réforme est réduite au changement de nom. Autrement dit, le Conseil pour les droits de l'homme existera. Mais sous quelle forme, cela reste à définir. Selon Andrei Denissov, représentant permanent à l'ONU, la position de la Russie à ce sujet se résume à ceci: il ne doit pas y avoir de club d'élus endoctrinant les autres pays sur les problèmes des droits de l'homme. D'autant plus que cela violerait le principe fondamental de l'existence de l'ONU: tous les membres de la communauté internationale doivent avoir la possibilité de participer au travail de toutes les institutions de l'organisation.

D'ailleurs, le débat sur la création d'un "nouveau Conseil de sécurité" est symptomatique de la situation mondiale actuelle. Nous sommes en présence d'un accroissement de l'activité et de l'influence de nouveaux pays et des tentatives d'autres Etats de conserver leur influence. Les uns cherchent à s'assurer une place au Conseil qui autorise l'emploi légitime de la force dans notre monde. D'autres essaient de s'assurer le droit d'influer sur les décisions d'employer la force du point de vue moral.

Non seulement durant les 60 années d'existence de l'ONU, mais aussi sa fondation, la force a toujours eu besoin d'arguments moraux. Les croisades et les conquêtes de Gengis Khan s'accompagnaient d'explications des raisons justes et morales de ces actions radicales. Le Conseil pour les droits de l'homme pourrait jouer son rôle dans la justification de nombreuses actions lésant les droits et les intérêts des nations. C'est pourquoi il faut s'attendre à la poursuite de débats animés à l'ONU au sujet de la formation du Conseil.

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