MOSCOU, 7 septembre - Youri Filippov, commentateur politique de RIA-Novosti. La Commission parlementaire chargée d'enquêter sur les circonstances de l'attentat terroriste à Beslan ne présentera pas son rapport définitif d'ici fin 2005, a déclaré le vice-président du Conseil de la Fédération (Chambre haute du Parlement russe), Alexandre Torchine, qui dirige la commission.
Et la date à laquelle les résultats de plusieurs mois de travail des parlementaires seront publiés reste incertaine. Pas avant le courant de l'année 2006 en tout cas.
Or, les raisons de tels atermoiements sont faciles à comprendre (au début, le rapport de la commission était attendu avant le 1-er septembre 2005, par la suite, on a espéré sa publication avant le 31 décembre prochain). C'est qu'une commission parlementaire en Russie n'est pas un organe d'Etat au plein sens de ce terme, elle ne relève pas non plus de l'opinion publique à 100%. D'une part, en tant que représentants de la société, les membres de la commission veulent que leur évaluation des événements soit considérée comme la plus objective et soit admise par la société comme définitive. De l'autre, à la différence des membres des organisations non gouvernementales (ONG), les parlementaires qui sont aussi formellement des employés de l'Etat ne se croient pas en droit d'anticiper avec leurs évaluations sur celles de l'Etat lui-même et tout particulièrement du Parquet général.
Une telle prise de position a, de toute évidence, ses raisons d'être. En effet, au cours du travail de la Commission, on a plus d'une fois constaté qu'à cause de la spécificité de leur situation, les parlementaires russes ne peuvent apprendre de nouveaux détails et de nouvelles circonstances qu'auprès d'intermédiaires. Il n'est même pas rare qu'ils soient informés après les publications dans la presse, quand l'opinion en discute déjà largement. Il en a été ainsi après la découverte des archives d'Aslan Maskhadov, leader des séparatistes tchétchènes éliminé, des enregistrements vidéo de réunions de terroristes, de leurs interviews et déclarations publiées sur Internet.
Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas des particularités purement russes. A vrai dire, toutes les commissions parlementaires dans tous les pays du monde se ressemblent pour l'essentiel en dépit de certaines différences apparentes souvent impressionnantes, telles les "dépositions" du Président des Etats-Unis dans son Bureau ovale en présence des membres d'une commission du Congrès. Et ce n'est pas par hasard que les commissions chargées d'enquêter sur les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et de mars 2004 à Madrid n'ont soumis leurs conclusions à l'opinion qu'après que l'instruction officielle dans leurs pays respectifs s'était achevée.
Tout porte à croire que ces nouvelles consignes que le Président Poutine a données au Parquet général de Russie à la suite de sa rencontre, le 2 septembre dernier, avec un groupe d'habitants de Beslan obligeraient la Commission parlementaire russe à vérifier une fois de plus ses propres conclusions et à compléter les témoignages recueillis. Or, le résultat de cette rencontre peut même s'avérer pour les parlementaires engagés dans l'enquête encore plus inattendu. En effet, même sans le dire ouvertement, les victimes de l'attentat ont pratiquement demandé à Vladimir Poutine de diriger lui-même l'enquête.