Un câble aurait joué un mauvais tour au pilote du Su-33

S'abonner

MOSCOU, 7 septembre - Viktor Litovkine, RIA Novosti. La première journée de l'amiral Vladimir Massorine à son nouveau poste de commandant de la marine de guerre a été marquée par un incident désagréable.

Pendant des vols d'entraînement dans l'Atlantique Nord, un des 22 chasseurs Su-33 embarqués sur le croiseur lourd "Admiral Kouznetsov" est tombé dans la mer et a sombré. Le pilote, le lieutenant colonel Youri Korneïev, s'est éjecté et a été repêché par un hélicoptère de sauvetage cinq minutes après l'accident. Ces jours et sa santé ne sont pas en danger.

D'après un communiqué de presse diffusé par la marine de guerre, au moment de l'atterrissage l'appareil s'est correctement accroché mais le câble s'est rompu et l'avion, au lieu de s'arrêter, a continué sa course sur le pont. En pareille circonstance le règlement prescrit de mettre en marche le régime de pleine précombustion pour redécoller en vitesse. Mais au moment où l'appareil tombait déjà du pont le chef des vols qui se trouvait dans le poste de commandement a ordonné au pilote de s'éjecter.

Le chasseur ne portait ni armes, ni munitions. Il a coulé par 1100 mètres de profondeur d'où il était très difficile, pratiquement impossible de le retirer, et le commandement a décidé de le détruire au moyen de grenades sous-marines. C'est que l'appareil était équipé d'instruments qui représentent un secret d'Etat et ne doivent pas tomber entre des mains étrangères.

Le général Youri Antipov, commandant de l'aviation et de la DCA de la marine de guerre, et la commission qui a procédé à une expertise préalable pour établir les causes de l'accident sont actuellement à bord du croiseur. La commission dispose des "boîtes noires" du chasseur détruit. L'appareil est doté d'un système qui éjecte les enregistreurs automatiques en cas de crash. Les enregistrements seront décryptés et alors les experts pourront se prononcer, arguments à l'appui. Une source dans l'état-major de la marine de guerre citée par différentes agences d'information n'a pas exclu l'erreur humaine.

Le pilote d'essai du constructeur Soukhoi, Serguéi Melnikov, Héros de la Russie, dont le commentateur militaire de RIA Novosti a recueilli les commentaires, rejette d'emblée cette version. Il a été l'un des premiers pilotes à acquérir l'expérience de décollage et d'atterrissage sur le pont de l'"Amiral Kouznetsov". Il estime que les informations disponibles sur l'accident survenu dans l'Atlantique Nord sont insuffisantes pour tirer des conclusions définitives et qu'il ne faut pas accuser tout de go le pilote de la perte du Su-33.

Premièrement, parce que le décollage et surtout l'atterrissage sur le pont d'un navire ont toujours été et restent des opérations délicates et risquées qui ne dépendent pas toujours de l'expérience du pilote. Et deuxièmement, comme le pilote a gardé le sang-froid durant les secondes critiques pendant lesquelles son appareil tombait dans l'eau, comme il n'a pas paniqué mais a agi avec calme, s'est éjecté et s'est sauvé, c'est déjà un exploit. Pour cela il mérite d'être décoré de l'ordre du Courage.

D'autre part Serguéi Melnikov estime que le lieutenant-colonel Korneïev qui sert dans l'aviation navale depuis sept ans déjà n'aurait pas pu sauver l'avion parce que le câble ne s'est pas rompu au moment de l'accrochage, lorsque la vitesse était encore suffisante pour relancer les réacteurs, mais au moment où la vitesse avait décru, alors qu'il n'avait plus ni le temps, ni l'espace nécessaire pour redécoller d'urgence. D'habitude, le câble se brise au premier contact lorsqu'il subit la pression maximale. Dans notre cas concret, il s'est cassé lorsque la pression était minimale, en fin de course de freinage. La cause de l'accident doit donc être recherchée dans le fonctionnement du système de freinage et non pas sur le pont du navire, affirme Serguéi Melnikov.

De l'avis du pilote d'essai, il se peut que ce ne soit pas le câble de freinage qui s'est cassé, parce que les marins veillent tout spécialement sur son état, mais, ce qui n'est pas exclu, celui qui s'enroule sur le tambour de freinage. Il est beaucoup plus difficile d'en découvrir l'usure ou les défauts puisqu'il est enroulé. D'ailleurs, il est prématuré de tirer des conclusions. C'est la mission de la commission spéciale qui doit prononcer son verdict, ajoute Serguéi Melnikov.

Comme d'autres spécialistes, il estime qu'il ne faut pas considérer l'accident de l'Atlantique Nord comme une nouvelle à sensation. C'était un exercice comme un autre car il s'agit de maîtriser un matériel sophistiqué et les imprévus ne sont pas impossibles. C'est pour les exclure que les pilotes s'entraînent à décoller et à se poser sur le pont d'un navire. Ils ne sont pas nombreux, quatorze hommes seulement. Aussi important que soit le bagage des connaissances théoriques, aussi long que soit le stage d'entraînement sur les simulateurs, les décollages et les atterrissages pratiques sur une piste raccourcie ballottée par les flots sont irremplaçables.

Comme le pilote reste dans les rangs, cet accident ne sera qu'un épisode désagréable des exercices tactiques dans l'Atlantique Nord.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала