Originaux et contrefaçons en littérature

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MOSCOU, 24 août - Anatoli Korolev, RIA Novosti. Un nouveau roman de Boris Akounine, que ce dernier n'a jamais écrit, baptisé "Le Roque", est récemment apparu dans les librairies de Kiev.

Si l'on se souvient que 90% des livres vendus en Ukraine proviennent de Russie, on peut supposer avec certitude que la contrefaçon est l'œuvre de pirates russes.

L'ouvrage reprend exactement la formule des romans policiers d'Akounine, heureuse invention de l'éditeur Ilia Zakharov qui a publié il y a sept ans le premier roman de l'écrivain russe: une couverture noire avec des lettres blanches. Le faux roman est sorti des presses d'une maison d'édition inconnue, sise à Saint-Pétersbourg où elle n'a jamais existé.

Les lecteurs crédules se sont précipités dans les librairies où le roman se vendait comme des petits pains. Les ventes ont sûrement rapporté à quelqu'un une somme rondelette.

Ilia Zakharov reste calme face à l'apparition d'un faux. Il s'agit à son avis d'un commerce banal, et il serait inutile de s'emporter contre quelqu'un qui veut s'engraisser grâce à une marque médiatisée. L'éditeur avoue avoir parcouru le bouquin qu'il qualifie de charabia. L'enquêteur Erast Fandorine, personnage clé des romans d'Akounine, est absent dans "Le Roque" supplanté par son arrière-petite-fille, une certaine Tatiana Fandorina-Batchourina, qui enquête sur un crime, telle une ombre dérisoire de l'original.

Cette histoire sans précédent ne fait toutefois que confirmer la règle: le piratage des marques médiatisées est depuis longtemps une norme sur le marché de l'édition.

L'histoire d'un certain Dmitri Emets en fournit l'exemple le plus éclatant. Avec la rapidité de l'éclair, cet ancien philologue a fait publier une série de livres sur les aventures de la jeune sorcière Tania Grotter, et il imite habilement le style et le sujet des péripéties de Harry Potter. L'éditeur de Dmitri Emets, Eksmo-Press, imite avec la même impertinence la formule des livres de la série Harry Potter développée aux éditions Rosman qui détiennent les droits d'auteur de la version russe du roman-fleuve.

Et ce clonage impertinent ne porte pas préjudice à la réputation d'Eksmo-Press qui, avec la maison d'édition Ast, contrôle un énorme segment du marché du livre national.

Joanne Rowling s'est insurgée la première après que l'éditeur néerlandais Byblos a annoncé la publication d'une version anglaise du livre sur Tania Grotter. Les avocats de la femme de lettres ont saisi la justice d'Amsterdam qui a interdit la diffusion du plagiat. Par contre, aucune plainte contre Eksmo n'a émané de Rosman. En effet, qui voudrait se quereller avec un leader du marché?

Quoi qu'il en soit, avouons-le, les contrefaçons font la pluie et le beau temps sur le marché du livre. Plus tôt, Dan Brown, auteur du best-seller mondial "Le code Da Vinci", est lui aussi tombé victime des pirates de Kiev. Un inconnu a publié sous le nom de Brown un livre intitulé "Le premier Mérovingien" dont les exemplaires, comme dans le cas d'Akounine, ont été vite achetés par un public naïf.

À regarder la situation de plus près, le marché du livre est un véritable nœud de passions humaines où originaux et contrefaçons se livrent à une guerre sans merci. Ainsi, l'écrivain Lewis Perdue a récemment accusé Dan Brown de lui avoir volé l'idée essentielle de son best-seller, celle de l'origine féminine de Dieu, qu'il avait développée bien avant Brown dans ses livres "The Da Vinci Legacy" édité en 1983 et "Daughter of God" publié en 2000, mais la justice a rejeté sa plainte.

Joanne Rowling a également été visée par une plainte déposée par l'Américaine Nancy Stouffer, auteur d'un livre pour enfants où un personnage s'appelait Larry Potter. Après avoir examiné l'affaire, le tribunal de New York a rejeté la plainte.

Dans son dernier ouvrage "Le livre saint d'un loup-garou", le Russe Viktor Pelevine insère une préface mystérieuse qu'il commence ainsi: "Le présent texte est une imitation maladroite due à la plume d'un écrivain inconnu du premier quart du XXIe siècle..." Si l'on se souvient que Pélévine écrit très longuement, avec des pauses de cinq ans entre les livres, la sortie fulgurante d'un bouquin volumineux six mois après la publication précédente ne peut pas ne pas étonner les connaisseurs de son talent. Et si Pélévine évoque lui-même une "imitation maladroite", car c'est bien son nom qui figure sur la couverture du roman, d'ailleurs sorti aux éditions Eksmo-Press, il ne reste plus qu'à y croire.

D'autant plus que la série clonée des histoires sur Tania Grotter sort sous la même enseigne...

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