Les artisans des "révolutions colorées" et le projet de nouveau "cordon sanitaire" antirusse

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MOSCOU, 19 août - Anatoli Beliaïev, chef de la Direction analytique au Centre d'étude de la conjoncture politique (Russie) - RIA Novosti.

Bien que la Déclaration de Borjomi, signée tout récemment par les Présidents de l'Ukraine et de la Géorgie, proclame pour objectif "d'entamer une nouvelle ère de démocratie, de sécurité, de stabilité et de paix dans l'ensemble de l'Europe, c'est-à-dire de l'Atlantique à la mer Caspienne", ses visées géographiques sont plus modestes.

Le véritable dessein de la création d'une nouvelle organisation régionale consiste à étendre de plus en plus les fameuses "révolutions colorées" sur le territoire des pays membres de la Communauté des Etats indépendants (CEI) et à affaiblir au maximum les positions politiques de Moscou dans l'espace post-soviétique.

Les crises rampantes des régimes post-révolutionnaires en Géorgie et en Ukraine semblent à l'origine essentielle de l'"Initiative de Borjomi". En Géorgie, par exemple, la situation économique et sociale n'est pas meilleure qu'autrefois, bien que Mikhaïl Saakachvili se trouve au pouvoir depuis presque deux ans.

Pire, le principal objectif assigné par le nouveau Président géorgien de rétablir le contrôle de Tbilissi sur l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie qui s'en étaient séparées à la disparition de l'URSS paraît aujourd'hui plus irréalisable que jamais.

D'autre part, l'actuelle élite ukrainienne arrivée au pouvoir sur la crête de la puissante vague de soutien populaire se retrouve aujourd'hui divisée en deux camps pratiquement irréconciliables. Et compte tenu des futures législatives prévues pour mars prochain et de l'éventuelle réforme politique en Ukraine consistant à transformer une république présidentielle en république parlementaire-présidentielle, les artisans de la "révolution orange" pourraient finalement perdre le pouvoir effectif.

Qui plus est, les formes mêmes de lutte politique dans ces "nouvelles démocraties", lutte au cours de laquelle, par exemple, les opposants des "oranges" dans les régions orientales de l'Ukraine ont été arrêtés, ne témoignent guère de la nature démocratique des nouvelles autorités en place dans les pays évoqués. Et c'est justement pour soutenir l'image "démocratique" de leurs régimes dans le monde et, peut-être même, pour élever quelque peu leur cote de popularité au niveau national, que Viktor Youchtchenko et Mikhaïl Saakachvili ont avancé cette nouvelle initiative.

En outre, l'échec du projet d'organisation régionale (GUUAM) oblige Kiev et Tbilissi à rechercher de nouvelles formes pour créer une sorte d'alternative à la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui en dépit de son inefficacité manifeste, reste quand même opérationnelle et demeure l'organisation la plus importante dans l'espace post-soviétique où l'influence de la Russie est aussi traditionnelle qu'inévitable.

Par ailleurs, les Présidents de l'Ukraine et de la Géorgie ne renoncent toujours pas à leur grande ambition politique extérieure qu'est l'intégration la plus rapide possible dans les structures internationales de l'Occident. Après l'échec des référendums sur la Constitution européenne, dans une perspective à moyen terme, il ne sera même pas question de l'adhésion de nouveaux membres à l'UE ni de la participation de ces deux pays à l'OTAN. Rien d'étonnant à ce que dans une telle situation, Kiev et Tbilissi cherchent de nouveaux moyens pour "être utiles" à l'Occident, en appuyant

son expansion dans l'espace post-soviétique et en espérant obtenir en contrepartie des dividendes économiques et politiques.

Dans ce contexte, former la "Communauté du choix démocratique", composée des pays riverains de la Baltique, de la mer Noire et de la Caspienne, reviendrait à mettre en place un "cordon sanitaire" entre l'Europe Occidentale et la Russie. Ce dessein a d'ailleurs été nourri tout au long du XX-ème siècle par les Européens que la Russie effrayait. Et ce n'est pas un hasard si le seul pays qui ne s'inscrit pas dans ce cordon antirusse - la Biélorussie - est cité comme cible la plus proche pour une "expansion révolutionnaire".

Somme toute, ces objectifs coïncident avec ceux des bureaucrates de l'Union Européenne et de ses politiciens les plus expansionnistes qui veulent mettre en place une "structure filiale" du moment que les électeurs en Europe de l'Ouest ne souhaitent plus que l'UE continue de s'élargir.

Il n'est pas à exclure que, sur la base des structures de l'organisation nouvellement créée et aux frais de ses membres les plus riches, on forme à l'avenir des cadres "révolutionnaires" dans les pays "non démocratiques" de la CEI, alors que ces structures elles-mêmes deviennent un centre de coordination des activités "révolutionnaires" de tout genre. D'ores et déjà, des militants de plusieurs organisations de jeunes libéraux des plus grandes villes de la Russie et de ses différentes autonomies suivent des "stages révolutionnaires" en Ukraine, en Pologne, en Suède et en Géorgie.

Ce dernier point est important. Tout porte à croire qu'à la différence du projet GUUAM, conçu initialement comme un groupe d'Etats, mais qui a fait faillite en raison de l'absence de base économique suffisante pour constituer une alliance étroite et à cause des trop grandes différences entre les régimes politiques, un autre sort sera dévolu à la "Communauté du choix démocratique".

Quoi qu'il en soit, il est très peu probable que cette Communauté se transformera en véritable union d'Etats, mais jouera plutôt le rôle de centre de concentration des aides financières apportées aux objectifs "révolutionnaires" et de coordination des activités des structures non gouvernementales mises en place à cet effet.

Pour ce qui est des perspectives d'efficacité de l'"expansion révolutionnaire", elles sont beaucoup plus fonction de l'"immunité" intérieure des régimes post-soviétiques face aux révolutions "colorées" que des activités des divers centres "révolutionnaires" extérieurs.

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