Les perspectives du Système d'oléoducs de la Baltique

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MOSCOU, 25 juillet. Par Igor Tomberg, de l'Institut d'études économiques et politiques de l'Académie des sciences - RIA Novosti.

Depuis un certain temps, les pays baltes ne cachent pas leur préoccupation face au projet d'élargissement du Système d'oléoducs de la Baltique (BTS). Car, à brève échéance, celui-ci risque de les priver des revenus que leur rapporte toujours le transit de pétrole russe. Et ces revenus représentent une part notable de leurs budgets.

LatRosTrans, entreprise mixte russo-lettonne qui gère un réseau d'oléoducs, prédit, par exemple, une exacerbation de la concurrence dans ce domaine. Son directeur général, Sergueï Alexandrov, rappelle qu'en 2003, la compagnie russe Transneft, développant ses terminaux d'exportation dans le port de Primorsk, sur le littoral russe de la Baltique, a arrêté de transporter du brut vers Ventspils, en Lettonie. Ce port a alors enregistré des pertes considérables, de 8 millions de lats en 2003 et de 3 millions en 2004.

La réaction de la Lituanie est non moins nerveuse. Vilnius craint en effet pour le sort de son terminal portuaire de Butinga (fait partie du groupe Mazeikiu Nafta qui contrôle une grande raffinerie locale). Il n'est pas exclu que la décision de majorer de 30% le prix de transit de la Russie continentale vers son enclave de Kaliningrad, récemment décrétée par la Lituanie, soit dictée justement par la volonté de ne pas arrêter le transbordement du brut russe dans le terminal lituanien à Butinga.

Il est difficile de qualifier de chaleureux les rapports entre Moscou et ses voisins baltes. Et pourtant, ces rapports doivent être entretenus, pour garantir d'abord les intérêts de la Russie dans la région, puis les intérêts de la population russophone dans les pays baltes. Ainsi, le pétrole devient-il un outil politique. Et les oléoducs, plutôt l'orientation qu'ils prennent, un élément politique clef. Par exemple, le système BTS. Le Kremlin se rend parfaitement compte de sa portée stratégique. Le transport de pétrole par ce système permet de réduire notablement la dépendance des exportateurs russes face aux Etats dits de transit : Lettonie, Lituanie, Estonie, Finlande. Et, encore, par rapport aux itinéraires existants de transit pétrolier vers Ventspils (Lettonie) et Odessa (Ukraine), le BTS permet de réduire notablement les frais assumés par les exportateurs russes (ceux-ci sont ainsi ramenés à 4 dollars la tonne), ce qui est conforme aux intérêts économiques et stratégiques de la Russie.

Fin juin, les membres du conseil des directeurs de Transneft, le holding qui gère le réseau national d'oléoducs en Russie, ont répondu aux questions des journalistes. Interrogé sur les perspectives de développement du réseau russe, le ministre de l'Industrie et de l'Energie Viktor Khristenko a souligné que les priorités, dans le développement des oléoducs, sont bien connues et que l'une d'elles est le projet d'élargissement du BTS (à côté de la construction de l'Oléoduc de l'Est qui reliera la Sibérie occidentale à Nakhodka sur le Pacifique).

Le fait que les exportations pétrolières russes soient destinées presque exclusivement à l'Europe suscite des controverses dans le pays. Les retards dans la prise de décision définitive sur l'élargissement du BTS, qui doit passer de 47,5 millions de tonnes actuellement à 62,5 millions de tonnes, semblent refléter ces hésitations.

La création du BTS a fourni aux dirigeants de Transneft un argument de poids dans leur débat avec les producteurs de pétrole qui reprochent au holding de refuser de diversifier le système des itinéraires d'exportation. Les compagnies pétrolières ont calculé que, faute de capacités de transport nécessaires, le pays essuie annuellement des pertes énormes. Leonid Fedoun, vice-président de Lukoil, estime que le pays perd tous les ans entre 3 et 4 milliards de dollars. La compagnie, par exemple, est amenée à faire appel à d'autres modes de transport, ce qui fait que ses frais d'acheminement dépassent ses frais de production et se montent à près de 2 milliards de dollars.

Une vaste campagne de publicité déployée par Lukoil - la compagnie a mobilisé des experts prestigieux - tend à encourager la construction de l'Oléoduc du Nord qui débouchera sur Mourmansk, permettant aux producteurs russes d'utiliser des pétroliers de gros tonnage (300 000 t) et de travailler sur d'autres axes, en direction des Etats-Unis par exemple.

Les dirigeants de Transneft estiment toutefois que les ports américains ne garantissent pas encore la réception du pétrole russe dans des quantités justifiant la pose de l'Oléoduc du Nord. De son côté, Lukoil refuse de garantir le transport du pétrole par cet oléoduc, même si Transneft lui demande de le faire depuis des mois. Car, faute de ces garanties, le holding de transport se gardera de développer le projet.

Mais aussi utile que soit la diversification des itinéraires d'exportation, il ne faut pas oublier la portée stratégique et économique du BTS. Ce système achemine le pétrole russe - et avec lui les intérêts de la Russie - vers les pays qui refusent parfois de les prendre en considération.

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