Gazprom présente des réclamations financières à l'Ukraine

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MOSCOU, 14 juin. (Par Yana Yourova, commentatrice politique de RIA Novosti).

La vente de 7,8 milliards de mètres cubes de gaz que Gazprom avait stockés dans des entrepôts souterrains situés en Ukraine en attendant d'être exportés vers l'Europe est le prétexte formel de la détérioration des relations. Irritée par ce fait, la direction de la compagnie gazière russe a exigé de l'Ukraine qu'elle lui verse le montant de cette vente établi au prix de marché normal de 160 dollars les 1.000 mètres cubes. De surcroît, depuis ce fait le consortium russe ne veut plus travailler avec l'Ukraine sur la base du troc et demande à ce que toutes les transactions se fassent en argent.

Jusqu'ici dans le cadre du troc Kiev recevait de Gazprom 23 milliards de mètres cubes de gaz à titre de paiement du transit de ce combustible via le territoire ukrainien. Selon ce schéma le prix du gaz est de 50 dollars les 1.000 mètres cubes alors que le prix de base est de 80 dollars même pour les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI). Dans le cas de l'Ukraine il est abaissé du fait que ce contre-agent de Gazprom en Ukraine, la société Naftogaz, fait bénéficier aux Russes de tarifs de transit avantageux: au lieu du prix de base de 1,75 dollar le transport de 1.000 mètres cubes de gaz sur 100 kilomètres elle ne prend que 1,09 dollar.

Maintenant Gazprom rompt les ententes antérieures. Le président du conseil d'administration de Naftogaz Ukraine venu négocier à Moscou a été informé qu'en 2006 le gaz russe serait facturé à l'Ukraine à raison de 160 dollars les 1.000 mètres cubes.

Ce n'est pas le premier cas, loin s'en faut, de "vol" de gaz russe en territoire ukrainien. Cependant, jusqu'ici les Ukrainiens s'étaient toujours tirés d'affaire. La Russie avait bien réclamé le remboursement du préjudice mais sans trop insister. Mais cette fois les choses ont changé du tout au tout: la question de faire payer le gaz à l'Ukraine selon les tarifs mondiaux a même fait l'objet d'un examen à la Douma (chambre basse du parlement russe).

C'est que pendant longtemps la Russie avait entretenu des rapports particuliers avec l'Ukraine, comme d'ailleurs avec les autres pays de la CEI. Une zone de libre échange existe sur ce territoire depuis plus de dix ans. D'autre part, bien des questions économiques qui se font jour entre ces pays sont réglées selon des schémas avantageux. Au mois de février 2003 la Russie, la Biélorussie, l'Ukraine et le Kazakhstan ont décidé de resserrer davantage leurs rapports et adopté la conception de l'EEU (Espace économique unique), où les marchandises, les services, les capitaux et la main-d'oeuvre circuleront librement. Il était prévu que l'alliance en question repose sur 93 accords. A l'époque l'Ukraine avait manifesté un empressement plus grand que les autres. L'ancien président ukrainien, Leonide Koutchma, avait insisté sur la création dans les plus brefs délais d'une zone de libre échange dans le cadre de l'EEU. Finalement le Groupe de haut niveau, comprenant des négociateurs des pays impliqués dans le projet, avaient établi une liste de 29 mesures "prioritaires", parmi lesquelles des accords sur les modalités d'application des quotas et la gestion tarifaire, sur les règles uniques du transit via l'EEU, sur la simplification des formalités de douane et de contrôle aux frontières intérieures, sur les règles de définition du pays d'origine pour les produits exportés en provenance de pays tiers.

Il serait hasardeux de parler d'égalité des positions dans cette union. Au nom de la création de l'EEU la Russie a fait d'importantes concessions. Ainsi, depuis le 1-er janvier 2005 elle soumet ses exportations de pétrole et de gaz à une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) en fonction du pays de destination. Cette mesure était réclamée par l'Ukraine sous menace de quitter l'EEU. Compte tenu que l'année dernière seulement la Russie a fourni à l'Ukraine 22 millions de tonnes de brut auxquelles il faut ajouter le gaz naturel et le condensat de gaz, cette concession se traduira pour le budget ukrainien par 800 millions de dollars supplémentaires tandis que le trésor russe enregistrera un manque à gagner de l'ordre d'un milliard de dollars. Il est évident que la Russie a accepté cette chose pour des considérations politiques, mais il semble bien qu'elle s'est trompée.

On pensait que les premiers documents concernant la création de l'EEU seraient signés au printemps de 2005. Cependant, l'hiver dernier une "révolution" s'est produite en Ukraine. Des gens nouveaux ont accédé au pouvoir avec une vision nouvelle de l'avenir du pays et de sa situation dans le monde. Les plans relatifs à la création de l'EEU ont été remis en question, en tout cas par Kiev. Non, l'Ukraine nouvelle ne renonce pas à participer à l'EEU, elle souhaite seulement y entrer à demi, en plaçant ses partenaires dans une position inégale. Elle réclame l'introduction rapide d'une zone de libre échange et la levée des restrictions frappant le sucre, l'alcool, les produits du tabac et les articles de confiserie. Une chose que la Russie aurait pu accepter. Toutefois l'Ukraine déclare que les autres points de l'accord sur l'alliance en construction ne l'intéressent pas. Par exemple, elle n'est pas d'accord pour introduire des tarifs douaniers uniques. Elle n'a que faire non plus du marché commun des capitaux, des services et de la main-d'oeuvre.

Naturellement, cette position de l'Ukraine irrite la Russie. Car dans les relations avec ses anciens compagnons elle ne songe qu'à profiter des avantages sans pour autant prendre beaucoup d'engagements.

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