Le premier des premiers

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MOSCOU, 31 mai - par Andreï Kisliakov, commentateur politique de RIA Novosti. "Quand on parle de Baïkonour, "premier" est l'épithète qui vient aussitôt à l'esprit.

 Le premier missile balistique intercontinental, le premier satellite, le premier cosmonaute ont décollé depuis ce cosmodrome". C'est en ces termes que le patron de l'Agence spatiale russe (Roskosmos), Anatoli Perminov, a entamé son intervention devant les journalistes, le 27 mai dernier, en prévision du 50e anniversaire du centre spatial le plus célèbre du monde.

Aujourd'hui, Baïkonour ne fait pas seulement partie du programme spatial national, il est au cœur d'une coopération internationale étroite. Tout n'a pas commencé ainsi, cependant.

Initialement, Baïkonour était conçu comme un site exclusivement militaire pour abriter les essais du missile soviétique R-7 porteur de bombes à hydrogène. Le champ de tir de Kapoustine-Iar située sur la rive gauche de la Volga, non loin de Volgograd, semblait trop étroit pour le projet.

S'est alors posée la question du choix d'une vaste région faiblement peuplée, dont les terres seraient peu utilisées dans l'agriculture et qui soit raccordée au réseau ferroviaire. Cette région a été trouvée au Kazakhstan, à l'est de la mer d'Aral. C'était un semi-désert avec au nord le plateau aride de Betlak-Dala et au sud les sables du désert de Karakoum. Par cette région passaient, toutefois, le fleuve Syr-Daria et la voie ferroviaire reliant Moscou à la capitale de l'Ouzbékistan, Tachkent.

Au début, seuls des équipes provisoires de géodésistes et d'ingénieurs travaillaient dans ce pays désertique où elles étudiaient le relief du terrain, la nature du sol et les ressources en eau. La première équipe d'ingénieurs militaires conduite par le lieutenant Igor Denejkine est arrivée à Tioura-Tam le 12 janvier 1955. Les travaux de construction progressaient à une vitesse inouïe. Rien que pour creuser le canal évacuant les flammes pendant le décollage des R-7, il a fallu excaver un million de mètres cubes de sol. Le 6 mai 1957, le premier missile était prêt à être tiré.

Mais après le lancement du premier satellite, le Polygone du ministère de la Défense a été rebaptisé cosmodrome de Baïkonour: toute puissance spatiale se doit de posséder un cosmodrome.

Pour brouiller les pistes, les services secrets soviétiques ont donné au cosmodrome le nom de Baïkonour. En effet, il existe au Kazakhstan une petite ville portant le nom de Baïkonour, mais elle est située à environ 350 km au nord de la station ferroviaire de Tioura-Tam autour de laquelle se trouve le vrai cosmodrome. Des calculs balistiques élémentaires effectués pendant les lancements démontraient aussitôt que le cosmodrome et la ville n'étaient pas le même point géographique. Mais, grâce aux médias, cette appellation est devenue courante.

"Aujourd'hui, ce cosmodrome, rappelle Anatoli Perminov, abrite la plus grande infrastructure spatiale au monde. Conformément à l'accord russo-kazakh du 9 janvier 2004, la Russie prend à bail le site de Baïkonour jusqu'à 2050". Mais si le cosmodrome russe est le plus grand, il est aussi le plus dynamique et le plus efficace.

"Le développement du cosmodrome est dans l'intérêt de nombreux États, dont la Russie, le Kazakhstan, les États-Unis et l'Ukraine", a indiqué Anatoli Perminov. Le Kazakhstan, par exemple, a son propre programme spatial, "assez ambitieux". "En cas de réalisation de ce dernier, le Kazakhstan pourrait se hisser parmi les principales puissances spatiales", a estimé le patron de Roskosmos. La construction du premier satellite kazakh, KazSat, est déjà en cours en Russie.

"Les Américains ont eux aussi intérêt à réaliser des lancements à partir de Baïkonour", a indiqué Anatoli Perminov. Rien d'étonnant, car la situation géographique du cosmodrome rend les lancements plus avantageux sur le plan financier. Qui plus est, depuis 2004, la Russie tient le premier rang dans le monde pour le volume des services de lancement.

Ainsi, pour la première fois, un site top secret conçu pour renforcer le bouclier nucléaire est devenu, par la force du temps, le port spatial connu dans le monde entier.

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