Le peuple russe aura sa Volkswagen

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MOSCOU. Par Boris Kaïmakov, commentateur de RIA-Novosti.

La "fièvre de l'or" s'amplifie parmi les spéculateurs fonciers à Moscou ! Mais la ruée sur l'Alaska où, comme on le sait, les plus chanceux de leurs confrères américains s'étaient enrichis sur le Klondike, n'est pas encore à l'ordre du jour. Car l'objet de toutes leurs convoitises n'est pas tellement loin de la capitale. Il est à Stoupino, une petite ville située dans le sud de la région de Moscou.

Et le coup de départ a déjà été donné sur les ondes de la radio de Cologne Deutsche Welle, il n'y a pas longtemps. Les plus entreprenants des Russes ont alors appris que l'Allemagne projetait d'aider le peuple russe à avoir sa propre Volkswagen. A Stoupino, le constructeur automobile projette d'assembler des Bora, des Pointer et leurs soeurs tchèques Skoda.

Depuis longtemps, la Russie est en négociation avec les plus gros producteurs mondiaux, les invitant à organiser enfin sur son territoire une "production sérieuse" et non un assemblage primitif. En ce sens, les projets de Volkswagen sont alléchants : le groupe entend commencer par 50 000 unités par an, puis porter la production à 100 000 unités.

La certitude des spéculateurs que les Allemands veulent venir en Russie pour longtemps témoigne du sérieux de ces plans. Les premiers se sont mis à acheter les terrains là où le groupe entend construire des ateliers. Mais il ne faut surtout pas croire que les raiders russes sont des naïfs et pourraient "se tromper de terrains" ! Les spéculateurs, qui savent que personne ne leur donnera un sou pour la terre qu'ils achètent s'il n'y pas de "projets sérieux" n'essaient même pas de cacher qu'ils sont bien renseignés. Un porte-parole de la compagnie d'investissement MILCOM-Invest déclarait il y a deux semaines que les autorités locales "vendent activement la mèche". L'achat de terres bat son plein. "Par la suite, on pourrait vendre à Volkswagen ces terrains au double, voire au triple de leur prix actuel", déclare, dans les pages de la revue Business, un des raiders. Selon Alexeï Novikov, consultant en immobilier, les raiders achètent les terres agricoles pour 5 000 à 10 000 dollars l'hectare. Faire passer ces terres dans la catégorie industrielle leur coûtera 15 000 à 20 000 dollars encore. A Volkswagen, ces terrains seront revendus 100 000 à 150 000 dollars l'hectare (à condition que celles-ci passent da ns la catégorie des terres industrielles et soient dotées d'infrastructures).

Le ministère de l'Industrie et de l'Energie estime à 1,6 million de pièces le nombre de voitures vendues annuellement en Fédération de Russie. La part des "étrangères" a dépassé, l'an dernier, la barre des 500 000. Quant aux ventes des marques de luxe : Mercedes, BMW, Audi, Lexus - elles ont fait un bond de 10% à 40%. Les concessionnaires de quatre-quatre se sentent également fort à l'aise : les ventes de Land Rover ont augmenté de 48%, alors que Land Cruiser, d'après les résultats des trois premiers mois de 2005, se positionne comme l'automobile la plus populaire de sa classe, avec près de 2 000 unités vendues durant cette période.

Curieusement, cette hausse dynamique du marché des marques étrangères en Russie a lieu sur fond d'investissements plus que modestes dans l'assemblage. Avec sa Focus assemblée en Russie, Ford Motor Company, par exemple, est un des leaders des ventes dans le pays : près de 30 000 unités vendues l'an dernier et presque 6 500 unités au premier trimestre de 2005. Et pourtant, les investissements initiaux du constructeur américain dans l'organisation de la production dans son entreprise située non loin de Saint-Pétersbourg n'avaient pas dépassé 150 000 millions de dollars. Avec un prix moyen de 15 000 dollars pour une voiture, il devient évident que la compagnie américaine est depuis longtemps et largement rentrée dans ses frais !

Mais beaucoup en Russie croient aujourd'hui que si de telles tendances persistent, plus de la moitié des voitures vendues sur le marché national seront d'origine étrangère dans deux ou trois ans.

Il y a quelques années, le gouvernement avait élaboré un schéma censé encourager les investissements étrangers dans le secteur automobile russe. A l'époque, les fonctionnaires avaient proposé de décréter des taxes prohibitives, à hauteur de 25%, pour un délai de deux à trois années, sur les marques étrangères importées. Durant cette période, les constructeurs étrangers intéressés à prendre pied sur le marché russe devaient choisir les terrains pour leurs futures usines et se préparer au lancement de la production. Plus tard, les taxes d'importation devaient être portées à 35%, pour une période de quatre à cinq ans. Durant cette période, le retour sur investissement devait survenir. Ensuite, les taxes devaient retomber à un niveau assez bas.

Alors que la bureaucratie russe est en train de rechercher les moyens de contourner de la manière la plus efficace possible les exigences préalables à l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, le constructeur automobile allemand mènent aussi un jeu subtil. Un porte-parole du consortium a, par exemple, déclaré qu'avant que l'OMC n'en donne le signal, personne ne construira rien. Et que personne ne choisit aucun terrain et que le groupe ne sait pas encore ce qu'il produira au juste en Russie.

Mais il serait étonnant qu'un simple employé du service de la communication du groupe soit au courant des projets de ses employeurs même pour le mois à venir. Voilà pourquoi à Stoupino on préfère écouter Deutsche Welle.

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