La carte Visa en Russie: engouement ou appréhensions?

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MOSCOU, 18 avril. (Par Alexandre Yourov, commentateur politique de RIA Novosti). Le marché financier russe se trouve encore au stade du développement, c'est bien connu. Néanmoins, pour le nombre de cartes Visa mises en circulation, la Russie devance 84 pays d'Europe centrale et orientale, du Proche-Orient et d'Afrique. Mais c'est cette activité justement qui préoccupe les militaires russes.

Visa est le système de paiement international le plus utilisé en Russie et aussi dans le monde. Son chiffre d'affaires annuel dépasse les 3.000 milliards de dollars. Les cartes Visa sont acceptées dans plus de 150 pays du monde. En Russie les premiers exemplaires avaient été délivrés aux sélectionnés olympiques russes dès les années 80. Selon des données établies à la fin de l'année 2004, le nombre de cartes Visa mises en circulation par les banques membres de ce système avait augmenté de 65 pour cent par rapport à l'année précédente et aujourd'hui il dépasse les 15 millions d'unités. Le chiffre d'affaires réalisé par les cartes Visa en Russie se situe au-dessus de la barre des 26 milliards de dollars. Aujourd'hui ces cartes sont acceptées dans 77.000 points de vente et plus de 17.000 distributeurs de billets de banque. A titre de comparaison disons qu'au début des années 90 on ne recensait que deux distributeurs automatiques à Moscou. D'autre part, ces cartes étaient inutilisables pour régler un achat dans un magasin ou une note de restaurant. Mais le montant des règlements par carte dans le réseau commercial atteignait déjà 660 millions de dollars en 2001, près de 1 milliard en 2002, 1,5 milliard en 2003 et plus de 2 milliards d'USD en 2004.

"Plus de 15 millions de cartes Visa et une augmentation de 93 pour cent du chiffre d'affaires, ce ne sont pas simplement des chiffres attestant l'extension rapide du système de paiement en Russie, relève le directeur général de la représentation Visa en Russie, Lou Naumovski. Ils témoignent tout d'abord d'une certaine maturité de l'économie russe, qui a choisi d'abandonner l'économie parallèle et de rendre plus transparents les flux financiers".

Et ce qui est intéressant ici, c'est que si le système de paiement international déclare la guerre à l'opacité, il prend aussi des mesures concrètes appropriées. Annuellement Visa international diffuse un communiqué de presse dans lequel il est indiqué où, quand et combien d'argent a été dépensé au moyen de ses comptes-cartes. Par exemple, l'année dernière on a appris qu'en Russie les utilisateurs étrangers qui recouraient le plus aux règlements par carte dans le réseau commercial étaient des ressortissants de Grande-Bretagne, de Suisse, de France et de Chypre. Ils ont dépensé respectivement 21, 16, 14 et 13 millions de dollars. Viennent ensuite les Allemands (12 millions), les Italiens (environ 8 millions), les Espagnols (près de 7 millions) et les Japonais (plus de 5 millions). Fait curieux, dans le peloton de tête on trouve aussi des ressortissants des anciennes républiques soviétiques. Les achats réglés par carte par les Lettons, les Kazakhs et les Ukrainiens se sont chiffrés respectivement à 16, plus de 10 et 7 millions de dollars. Cependant, les leaders incontestés sont les Américains. Au cours de la seule période allant de juin à août 2004, ils ont eu recours 330.000 fois aux DAB et dépensé 55 millions de dollars.

Les Russes eux non plus ne sont pas en reste. Ils se sont montrés particulièrement dépensiers en France et en Allemagne, 26 et 21 millions de dollars respectivement. En Italie, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis ils ont réglé par carte pour 20, 19 et 17 millions de dollars d'achats et de services divers. Il s'est avéré aussi que des Russes se sont rendus dans pratiquement tous les pays du monde, y réalisant plus de 1,3 million d'opérations sur carte. Restons dans les statistiques. Un seul et unique Russe s'est rendu au Honduras. Il y a utilisé une carte de paiement pour régler un achat de 13 dollars américains.

Seulement maintenant, cette transparence retombe sur le nez de Visa International. Dès l'année dernière le Service fédéral antitrust (FAS) de Russie avait entamé une enquête sur l'activité de ce système de paiement international et qui du reste traîne en longueur. A propos, la commission spéciale ad hoc devrait se réunir le 18 avril. Officiellement Visa International est accusé d'enfreindre la loi russe "De la protection de la concurrence sur le marché des services financiers". On soupçonne Visa d'émettre des exigences opaques à l'égard des banques membres de ce système.

Cependant, pour ceux qui ont suivi le déroulement de l'enquête depuis son début il est évident qu'en développant son système en Russie Visa International a provoqué des remous parmi les militaires.

Rappelons que l'enquête en question avait été initiée par le directeur de l'Ouralvneshtorbank de Iekaterinbourg, Valerian Popkov, qui avait déclaré que l'appartenance des banques russes au système de paiement américain pourrait porter atteinte à la sécurité nationale du pays. En effet, les militaires russes eux aussi se sont adaptés au système de paiement international. Maintenant pour toucher leurs appointements les militaires et les employés des services de renseignement utilisent des cartes plastiques frappées du sigle Visa. Seulement quand la presse s'est mise à fournir des renseignements sur pratiquement tous les déplacements des Russes, les militaires ont commencé à s'agiter. C'est que Visa International peut tout savoir.

Au demeurant, il est peu probable que l'enquête antitrust complique fortement l'existence du système international en Russie. Renoncer aux paiements scripturaux n'est déjà plus possible. Qui plus est, si un procès était engagé, il pourrait durer des années sans que l'on puisse savoir si un verdict définitif sera prononcé un jour. Par exemple, une procédure judiciaire analogue est en cours depuis cinq ans à la Commission européenne, opposant Visa International à la banque américaine Morgan Stanley.

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