Le multipartisme russe désormais financé

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MOSCOU, 18 avril - par Iouri Filippov, commentateur politique de RIA Novosti.

Le multipartisme russe se profile de plus en plus nettement. Le président Vladimir Poutine a récemment invité le parlement à assainir la procédure des élections. Le projet de loi déposé à la Douma propose de tenir le deuxième dimanche de mars les élections législatives de tous les niveaux et dans toutes les régions.

De surcroît, le chef de l'État propose d'interdire aux élus de passer d'un groupe parlementaire à un autre et d'exclure du processus électoral les coalitions provisoires: à son avis, seuls les partis politiques devraient lutter pour les sièges au parlement fédéral.

Les vainqueurs de la course électorale obtiendront des subventions publiques supplémentaires. Selon des calculs préalables, les subventions octroyées aux partis fédéraux, y compris à ceux qui n'ont pas obtenu de sièges mais qui ont enregistré de bons résultats, pourraient s'élever jusqu'à 20 millions de dollars par an. Ainsi, l'État russe reconnaît qu'il devrait encourager le multipartisme non seulement par des paroles, mais aussi en le finançant.

Le président du comité pour la législation constitutionnelle de la Douma, Vladimir Pliguine, espère que les amendements présidentiels à la législation électorale seront adoptés dès l'automne prochain et que la prochaine campagne électorale, avec comme apogée les législatives de 2007, se déroulera en conformité avec la nouvelle procédure censée conforter l'indépendance et l'influence des partis politiques choisis par les électeurs.

Entre-temps, la Douma apporte ses propres amendements aux initiatives proposées plus tôt par le président, la Commission électorale centrale et le parti Russie unie, pro-présidentiel et majoritaire à la chambre basse. Un projet de loi vient d'être approuvé en deuxième lecture qui relève de 5% à 7% le seuil d'entrée des partis politiques à la Douma et qui limite à 500 personnes la liste électorale.

Alors que la Douma ne compte que 450 sièges, une réserve de 50 personnes a été créée à l'initiative de Russie unie afin de pouvoir inclure dans les bulletins de vote des personnalités phares qui jouissent d'une notoriété et d'une réputation reconnues - ministres, gouverneurs, sportifs, comédiens - et qui, au lieu de travailler au parlement, se désisteront de leurs mandats au profit des candidats suivants sur la liste. Pour le leader de Russie unie, Boris Gryzlov, l'essentiel pour un parti ce ne sont pas les personnalités, mais le programme, et il ne voit pas dans cette initiative de dérogation aux principes démocratiques. D'ailleurs, Russie unie a largement utilisé cette tactique de "bouclier humain" aux législatives de 2003, quand ses listes comptaient une trentaine de responsables régionaux plébiscités qui ont renoncé par la suite à leurs mandats.

Même si l'opposition représentée par le parti communiste et le groupe Rodina se dresse contre la pratique de l'abandon des mandats qu'elle qualifie d'antidémocratique, tout porte à croire que le procédé finira par entrer dans l'arsenal des nouvelles technologies électorales russes. De même qu'une autre tradition, douteuse de l'avis de l'opposition, celle de refuser de participer aux duels télévisés. À l'époque, cette tactique s'est avérée d'une grande utilité pour Russie unie: à la veille des législatives de 2003, les leaders du parti pro-présidentiel ont déclaré qu'ils "privilégient les actes aux paroles", et leur campagne télévisée se bornait à couvrir les activités routinières des candidats, au sein du gouvernement et dans les régions. Les sondages d'opinion ont mis en évidence les étonnantes conséquences de cette tactique: la plupart des interrogés attribuaient la victoire dans les duels télévisés à Russie unie, alors même que ce parti n'y avait jamais participé.

Selon Sergueï Rechoulski, du groupe communiste, Russie unie profite de sa majorité parlementaire pour aborder en favori le scrutin de 2007. En revanche, la première vice-présidente de la Douma, Lioubov Sliska (Russie unie), rappelle que les communistes, lorsqu'ils étaient majoritaires au milieu des années 1990, ont transformé la chambre basse en état-major électoral de leur parti, se servant à leur guise du budget, de l'appareil et des télécommunications de la chambre. Mais cela n'a pas aidé les communistes, et ils ont perdu les élections de 1999. Autrement dit, quelles que soient les conditions des élections, le dernier mot appartient toujours aux électeurs.

Ceux-ci devront désormais choisir parmi un nombre limité de partis politiques largement médiatisés. Si une quarantaine de blocs électoraux et près de 5 000 candidats indépendants, diversité à faire tourner la tête, étaient en lice pour les législatives de 1993, l'électeur russe ne trouvera sur son bulletin de 2007 qu'une dizaine de partis politiques connus.

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