Optimiser la politique des migrations en Russie

S'abonner
MOSCOU, 29 mars (par Serguei Karaganov, président du bureau du Conseil pour la politique extérieure et militaire - RIA Novosti). Eu égard à la diminution alarmante de la population (processus qui ne cesse pas pour l'instant), la Russie devra garantir, dans un avenir prévisible, une immigration annuelle de 700 000 à un million de personnes, même plus.

Cependant, la situation actuelle dans le domaine de l'immigration est plus qu'alarmante, pour ne pas dire catastrophique. Au cours des deux dernières années, on a assisté à l'arrivée d'environ 200 000 immigrés en Russie, alors que pour compenser la baisse naturelle de la population, ce chiffre devrait être 4 à 6 fois plus élevé. Si la situation ne change pas radicalement dans prochaines années, de nombreuses usines, notamment les plus importantes, fermeront leurs portes. Il n'y aura personne pour construire les routes et les maisons, nettoyer les rues et conduire les autobus et les trolleybus, le service tertiaire et une bonne partie du commerce ciblant la consommation de masse, subiront un krach. Un coup sera porté à la Santé publique et à plusieurs secteurs de l'agriculture où travaillent, pour l'essentiel, les ouvriers immigrés.

La situation alarmante actuelle observée dans l'immigration des ouvriers en Russie est, en partie, le résultat des facteurs objectifs. La situation économique s'améliore dans certains pays voisins, par exemple, en Ukraine et au Kazakhstan, dont les habitants n'ont plus de raisons de partir. Qui plus est, le Kazakhstan a libéralisé sa législation sur les migrations, l'a rendue plus souple et hospitalière, en détournant ainsi de la Russie une partie des immigrés venant des pays d'Asie centrale. La concurrence de l'Europe commence également à se fait sentir. Les habitants des républiques occidentales de l'ex-URSS sont de plus en plus nombreux à s'y rendre. Les pays d'Europe occidentale prennent également des mesures spéciales en vue d'attirer les immigrés, surtout en provenance d'Europe centrale et orientale et de pays de l'espace post-soviétique, dont la Russie.

Mais l'une des causes principales de la réduction de l'arrivée des migrants, qui menace réellement les perspectives de développement de la Russie et sa sécurité nationale, réside dans l'inefficacité de la politique migratoire de la Russie de ces dernières années.

Au lieu d'attirer les migrants par tous les moyens possibles, la Russie a fait juste le contraire. La procédure prolongée d'octroi de la citoyenneté prévoit plusieurs étapes. Se faire enregistrer dans un délai de trois jours, conformément à la loi, relève de la gageure et favorise le recours aux méthodes illégales (pots-de-vin, etc.). Il faut se faire réenregistrer tous les trois mois. Ajoutons à cela les exactions qui sont monnaie courante de la part des représentants des organes judiciaires, les difficultés immenses rencontrées pour inscrire les enfants dans les écoles. La majorité des immigrés n'accomplissent pas seulement le travail pénible plusieurs heures durant que les Russes ne veulent plus effectuer, mais ils subissent aussi des humiliations permanentes.

Les migrants font l'objet de nombreuses accusations. On leur reproche de ne pas payer d'impôts. Mais, même s'ils les acquittent, ils n'en retirent rien: ni l'enseignement gratuit, ni l'assistance médicale gratuite.

On reproche aux immigrés d'emporter de l'argent pour leurs familles. Mais, peut-on exiger que les gens travaillent 80 à 90 heures par semaine sans avoir la possibilité de nourrir leurs familles? Alors, il faut créer des conditions nécessaires pour qu'ils puissent amener leurs familles en Russie. D'ailleurs, il n'y a rien de mal à ce que les migrants envoient de l'argent dans les Etats voisins. Cet argent contribue au maintien de leur stabilité.

Il y a même des arguments racistes pour justifier la politique de restriction de l'immigration.

La situation en matière de migration commence à changer en mieux, semble-t-il. Je sais que des décisions fondamentales seront prises à ce sujet dans les jours qui viennent. Pour moi, il est parfaitement évident que la politique russe dans le domaine des migrations doit être non pas restrictive, mais attrayante.

Il est nécessaire de créer un département spécial pour l'élaboration et l'application de la politique des migrations.

Il faut simplifier au maximum l'obtention de la citoyenneté par les migrants, stimuler l'arrivée de leurs familles, permettre aux enfants d'immigrés de suivre une scolarité normale dans les écoles russes (qui manquent d'ailleurs d'élèves) et assimiler les immigrés.

La Russie, pays peu attrayant pour les immigrés à cause du climat, doit compenser cet inconvénient en créant des conditions plus avantageuses pour eux.

On peut engager déjà des pourparlers avec des pays comme l'Inde, le Bangladesh, la Chine et le Vietnam sur l'arrivée contrôlée de la main d'œuvre de ces Etats, en premier lieu, dans les régions asiatiques, et réaliser des projets de redressement de la Sibérie.

Enfin, il faut légaliser sans plus tarder les migrants qui ne sont pas encore partis pour les pays plus hospitaliers qui n'attendent que leur arrivée.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала