Gazeta
L'attentat contre Anatoli Tchoubaïs est un avertissement pour l'ensemble des rapports de pouvoir
L'attaque à main armée contre le cortège du patron de EES Rossia (Electricité de Russie), Anatoli Tchoubaïs, donne l'impression que l'instabilité reprend ses droits dans la vie politique russe. Andreï Riabov, membre du Conseil scientifique du centre Carnegie de Moscou, a fait part de son point de vue à la Gazeta.
Anatoli Tchoubaïs reste un personnage de premier plan dans la politique russe. Si des milieux criminels ont attenté à la vie du directeur du puissant holding électrique, on s'interroge forcément sur l'efficacité du système de maintien de l'ordre. Il s'avère donc que toutes les mesures prises ces dernières années en vue de le renforcer n'ont pas donné les résultats escomptés. Même lors des périodes les plus difficiles vécues par la Russie post-soviétique les personnalités de l'envergure de Tchoubaïs n'étaient pas la cible de bandits.
Si l'on admet que l'attentat en question avait une connotation politique, alors force est de relever que ces façons de régler les problèmes sont typiques des pays où le pouvoir d'Etat est faible et où les élites intérieures sont en conflit aigu. Une verticale du pouvoir a été mise en place en Russie, elle implique toutes les institutions politiques et contrôle l'évolution de tout conflit. Chacune de ces institutions du pouvoir connaît les limites de la permissivité. Si Tchoubaïs n'a pas l'heur de plaire à quelqu'un, on peut le priver de son importance en suivant pour ce faire une filière bien définie. Or, ici tout se passe comme dans un thriller.
On peut supposer que la politique et le business russes donnent naissance à de puissants processus occultes et dont l'aboutissement est impossible dans le cadre existant. Il pourrait s'agir, par exemple, d'un repartage des biens. On pourrait aussi être en présence d'un règlement de comptes entre des forces politiques qui ne pensent plus pouvoir parvenir à leurs fins en empruntant la voie officielle.
Quoi qu'il en soit, c'est un avertissement sérieux au système des rapports de pouvoir: tout ne va pas pour le mieux dans les schémas en place. Et si les choses continuent d'évoluer de cette façon, ces schémas perdront toute légitimité aux yeux des élites. Cependant, pour assurer la stabilité de l'Etat et de ses institutions, l'histoire n'a pour le moment rien inventé de mieux que le règlement des conflits via les organismes juridiques et parlementaires.
Gazeta.ru
La crise de la composante maritime des forces nucléaires de la Russie peut être arrêtée
En 2005, la Marine de guerre russe sera dotée d'un sous-marin nucléaire stratégique de quatrième génération. La construction du navire principal de cette série, "Youri Dolgorouki", s'achève actuellement à l'usine de constructions mécaniques de Severodvinsk. "Alexandre Nevski" dont la construction a été lancée il y a 12 mois sera mis à l'eau dans 5 à 6 ans. Ces deux sous-marins nucléaires (et, en perspective, le troisième navire) constitueront l'ossature de la composante maritime des forces russes de dissuasion. Ils seront dotés de missiles balistiques "Boulava-M", de torpilles et de missiles de DCA, annonce Gazeta.ru.
En ce moment, la composante maritime traverse une crise. Celle-ci peut être arrêtée si la construction de nouveaux sous-marins nucléaires continue, estiment les experts.
Il n'y a pas beaucoup d'informations précises au sujet du missile "Boulava". Selon les experts, c'est un missile intercontinental à combustible solide. Il peut porter plusieurs ogives nucléaires ultra-modernes, capables de changer la trajectoire de leur vol. C'est possible, car ce missile représente le développement du célèbre système "Topol-M" et ses performances ont été montrées en 2004 en réponse aux déclarations des Etats-Unis sur le déploiement d'un système de défense antimissile en Alaska.
On connaît également peu de choses au sujet du nouveau sous-marin nucléaire. Douze silos sont prévus pour installer le nouveau missile à son bord. On dit que le matériel hydro-acoustique et les équipements de navigation les plus perfectionnés seront installés à bord du navire. Le réacteur atomique du navire sera également du type nouveau.
Selon le vice-amiral Anatoli Chlemov, un des responsables de la Marine de guerre, la commande militaire de l'Etat comporte actuellement une trentaine de navires. Selon lui, l'usine de Sévérodvinsk a accompli tous les travaux dans le cadre de la commande militaire de l'Etat prévus pour 2004, dont 85 % ont été payés par l'Etat. Les travaux de développement de "Boulava" sont entièrement financés.
Cette tendance inspire l'enthousiasme, a dit Anatoli Chlemov. Pour la première fois de ces dernières années, la commande militaire de l'Etat est de plus en plus conforme au niveau du programme de l'Etat dans le domaine des armements.
Moskovskié Novosti
Vagues perspectives du parti libéral Kasparov-Ryjkov
Garri Kasparov qui a troqué les échecs contre la politique, et le député Vladimir Ryjkov sont les leaders en puissance d'un nouveau parti démocratique. Si Iabloko et SPS (Union des forces de droite) refusent de se dissoudre pour fusionner, ce qui est quasi inévitable, cette association verra le jour sur la base du Comité 2008 (qui s'est fixé pour mission principale d'assurer des élections présidentielles honnêtes en 2008 dont le résultat ne devra être ni la réélection de Vladimir Poutine pour un troisième mandat ni l'arrivée au pouvoir d'un de ses hommes), écrit l'hebdomadaire Moskovskié Novosti.
Le nouveau projet mise sur le soutien de la droite libérale de la palette politique. Ses initiateurs parlent de 20%, de 30% voire de 40% de l'électorat prêts à appuyer le "digne parti de démocrates véritables qui ne sont pas tombés dans le discrédit". Cependant, les analyses sociologiques montrent que ces chiffres sont exagérés d'un ordre de grandeur à peu près.
D'après les sondages du Centre Levada, 10% à 11% de la population se sympathisent actuellement avec les démocrates considérés comme une force politique (sans nommer les leaders ni les partis). D'autres sondages, par exemple ceux de la Fondation de l'étude de l'opinion publique, attestent que ce ne sont pas Kasparov, Ryjkov, Khakamada ou Iavlinski mais Poutine et Jirinovski qui sont les principaux démocrates aux yeux de la population.
En d'autres termes, la niche électorale des "démocrates" représente tout compte fait 5% à 7% de la population. Un vote réel pour n'importe quel projet de la droite ne ramasserait qu'un peu plus de suffrages car les ressources médiatiques et l'infrastructure de propagande de l'opposition sont faibles et incapables de faire face à la machine propagandiste du Kremlin.
Aujourd'hui l'unique opposition "vivante" possible serait une force hors système qui n'aurait pas peur d'attaquer par tous les moyens légaux et non violents les points vulnérables du régime. Autant dire que l'opposition a besoin d'avoir un certain degré de radicalisme. C'est d'après cette échelle qu'on pourra évaluer les perspectives politiques du nouveau projet Ryjkov-Kasparov après sa réalisation.
Novye Izvestia
Iedinaïa Rossia pourrait se scinder
La semaine dernière le vice-président de la chambre basse du parlement russe, Oleg Morozov, membre de Russie unie, avait promis à ses camarades de parti préoccupés par les rumeurs concernant une scission éventuelle dans leurs rangs que de nouvelles formations politiques ne se détacheraient pas de Russie unie avant les élections législatives de 2007, rappellent les Novye Izvestia.
Cependant, les politologues estiment que la démarche d'Oleg Morozov visait surtout à tranquilliser les permanents du parti. Car Russie unie pourrait connaître ses premières défections dès cette année parce que l'échéance de 2007 est beaucoup trop proche.
Russie unie est le parti du pouvoir et les structures de ce genre n'existent ordinairement qu'une saison politique. Maintenant la question est de savoir comment il faut transformer ce parti d'ici à cette date. Le laisser tel quel serait dangereux, les électeurs pourraient se souvenir de la monétisation des avantages en nature, de la hausse des loyers et des charges.
Le directeur du Centre d'information politique, Alexeï Moukhine, affirme qu'un projet prévoyant la transformation de Russie unie en trois partis politiques est déjà prêt. Ils seraient dirigés par des leaders régionaux faisant autorité. Ces structures se partageraient la totalité de l'espace politique occupé par les forces politiques allant des communistes jusqu'aux libéraux. Chacun de ces partis franchirait sans mal la barrière des sept pour cent. Ensuite, après avoir accédé à la Douma, ils s'uniraient de nouveau pour créer une majorité. Actuellement, ce sont les postes de direction de ces formations qui sont au coeur de la discussion.
Toutefois le succès des nouveaux partis est loin d'être assuré, estime le politologue Boris Kagarlitski. Russie unie avait remporté les dernières élections à la Douma sous le mot d'ordre "Avec le président" et grâce à la popularité de Vladimir Poutine. Pour le moment, ce parti ne dispose pas de personnalités à même de recueillir un pourcentage notable de l'électorat. "Aussi pourraient-ils créer trois ou cinq partis sans que pour autant un seul d'entre eux puisse remporter les élections", estime l'expert.
Nezavissimaïa gazeta
Gazprom cherche à renforcer ses positions en Géorgie
Tbilissi poursuit les négociations avec Gazprom sur la vente de son réseau de transport de gaz au monopole russe.
D'après l'attaché de presse du président du géant gazier russe, Serguéi Kouprianov, c'est le monopole russe qui "aidera à assurer un fonctionnement normal de cette canalisation car elle requiert des investissements considérables", informe le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Cependant les plans du gouvernement géorgien relatifs à la principale canalisation de transport de gaz ont provoqué une résistance aussi vive qu'inattendue de l'opposition locale, du parlement géorgien et aussi des Etats-Unis.
En effet, l'ambassadeur américain en Géorgie, Richard Miles, a recommandé carrément de laisser le principal gazoduc en possession de l'Etat parce que, s'il était vendu, un monopole verrait le jour dans le pays. Il a d'autre part insisté sur la nécessité de prendre en considération le rôle politique du gazoduc. Par "monopole", il entendait dans ce contexte le holding russe Gazprom et par "rôle politique", le renforcement, indésirable pour les Etats-Unis, des positions du capital russe dans la région.
La privatisation envisagée fera naître un concurrent au projet de gazoduc du Caucase du Sud "Bakou-Tbilissi-Erzeroum", soutenu par les Etats-Unis, et en diminuerait la rentabilité, souligne le ministre d'Etat de Géorgie pour les réformes économiques et structurelles, Kakha Bendoukidze. "On peut comprendre l'inquiétude des Américains, ils ne veulent pas avoir des concurrents", a-t-il déclaré.
L'opposition géorgienne affirme que c'est Bendoukidze, ancien industriel russe, qui est le promoteur de l'idée de la vente de la canalisation à Gazprom. Le leader du groupe du parti "Nouvelle droite" au parlement, David Gamkrélidze, estime que "Bendoukidze se met en quatre pour satisfaire les intérêts de ses amis russes. Dans le secteur de l'électricité, la Géorgie dépend déjà beaucoup de la Russie. Si la dépendance gazière s'y ajoute, on pourra faire une croix sur la souveraineté de la Géorgie".
Izvestia
Selon les experts, le gouvernement profite insuffisamment de la situation propice aux reformes
La situation macroéconomique en Russie est stable, ce qui se traduit par la croissance économique, l'élévation du niveau de vie et la diminution de la pauvreté: ces conclusions optimistes sont tirées par les experts dans le rapport annuel de la Banque mondiale (BM). Mais les analystes affirment que le gouvernement profite insuffisamment de la situation propice aux réformes, lit-on dans les Izvestia.
Le caractère imprévisible de l'inflation ne s'inscrit pas dans ce tableau positif général, estime Youri Danilov, conseiller principal pour la macroéconomie du Centre de développement du marché des valeurs. Il mentionne également l'inachèvement des réformes structurelles, ce qui ne permet pas de profiter efficacement de la situation pour améliorer la vie de la population.
Kristalina Gueorguieva, directrice russe de la BM, partage cet avis. Puisque les réformes structurelles sont nécessaires pour assurer une croissance stable, le gouvernement ne doit pas céder à l'optimisme béat, même dans le contexte des profits élevés provenant de la vente du pétrole, a-t-elle déclaré. Kristalina Gueorguieva attire également l'attention sur les objectifs structurels importants à atteindre allant de la réforme des services communaux compte tenu du passage inachevé d'un type de l'économie à l'autre jusqu'au développement des formes de partenariat entre l'Etat et le secteur privé.
De l'avis de l'économiste du "Groupe financier unifié" Iaroslav Lissovolik, les transformations structurelles entraînent des frais importants. Les prix élevés du pétrole permettent de compenser ces frais. Il sera impossible de le faire dans une période plus difficile. Pour l'instant, même dans de nombreux secteurs principaux, par exemple, dans celui du gaz, les transformations n'ont acquis aucun contour réel.
Les statistiques attestent que le décalage des revenus entre les 10 % de Russes les plus riches et les 10 % les plus pauvres s'accroît. L'écart est de 14,8. Iaroslav Lissovolik est certain que cela témoigne non pas de la baisse du bien-être des couches démunies, mais du fait que la stabilité macroéconomique profite le plus aux riches.