"Oléoduc oriental": changement de priorités?

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MOSCOU, 16 mars (par Igor Tomberg, chercheur principal du Centre d'étude des relations économiques extérieures de l'Institut d'études économiques et politiques internationales de l'Académie des sciences de Russie - RIA Novosti)

L'intrigue de l'itinéraire de l'"oléoduc oriental" continue. Bien qu'un arrêté approprié ait été signé par le premier ministre Mikhail Fradkov à la fin de l'année dernière, personne n'a vu jusqu'à présent ni le texte de ce document, ni le dossier détaillé d'opportunité du projet de pipe-line. Le 14 mars, le premier ministre chinois Wen Jiabao a déclaré: "Le gouvernement russe et le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine ont laissé entendre clairement qu'après l'achèvement de la construction du pipe-line sibérien la priorité serait accordée à la Chine". Il n'y a pas eu de démentis officiels. Autrement dit, le rôle principal du Japon dans le projet de pipe-line est mis en doute.

On a beaucoup écrit sur l'importance du pipe-line pour Daqing (centre de l'industrie pétrolière de la RPC) qui souffre du manque de pétrole. Les Chinois sont en permanence accusés de provoquer la hausse des prix du pétrole, et ils sont constamment contraints de récuser ces allégations. Même le ministre chinois des Affaires étrangères Li Zhaoxing a dû se prononcer ces jours-ci à ce sujet. Le chef de la diplomatie a qualifié d'inconsistantes les affirmations, selon lesquelles la hausse des prix mondiaux du pétrole s'explique par l'accroissement de la consommation d'énergie par les entreprises industrielles chinoises. Li Zhaoxing a reconnu que l'importation chinoise de matières énergétiques avait effectivement augmenté, mais qu'elle ne constituait que 6 % du volume total du pétrole vendu sur le marché international. Il est vrai qu'il a passé sous silence le fait que l'accroissement de l'importation de brut par la Chine avait constitué 35 % en 2004.

Il est peu probable que quelque chose ait pu inciter les Japonais à renoncer au pipe-line reliant le Pacifique. Le besoin de recevoir le pétrole de la Sibérie voisine et de dépasser la RPC dans son utilisation a même quelque peu atténué les revendications territoriales. Le "New York times" cite les propos tirés de l'interview accordée par le gouverneur de Tokyo et le plus célèbre nationaliste japonais, Shintaro Ishihara, à ce journal: "Le Japon, les Etats-Unis et la Russie doivent travailler ensemble sur le projet d'oléoduc. Cela permettra de mieux retenir la Chine qui n'a pas de ressources".

Mais, apparemment, le refroidissement entre la Russie et le Japon et le récent refus du premier ministre japonais de participer aux festivités du 60e anniversaire de la Victoire à Moscou ont apporté une dissonance dans les rapports russo-japonais, et la Chine en a profité. En tout cas, la déclaration actuelle du premier ministre chinois ne saurait être qualifiée de fortuite.

La Russie se trouve, semble-t-il, dans une situation avantageuse qu'il faut savoir utiliser. Naturellement, vu le subtil équilibre entre les partenaires pressants de Pékin et de Tokyo, sans parler de la Corée du Sud qui a également souhaité participer à la construction de "l'oléoduc oriental", il convient d'agir avec discernement. De l'avis du président de "Transneft", S. Vaïnchtok, le projet d'oléoduc est assez souple. Sa mise en œuvre s'effectuera par étapes: d'abord, il sera construit jusqu'à Skovorodino d'où il sera possible de livrer du pétrole à la Chine, puis, à l'étape suivante, le pétrole sera transporté de Skovorodino par chemin de fer vers le terminal maritime déjà construit. Ensuite, au fur et à mesure de la mise en service des gisements de Sibérie orientale, la construction de l'oléoduc sera poursuivie jusqu'à Nakhodka.

Selon le président de "Transneft", le projet Sibérie orientale - Pacifique ne concerne pas uniquement la construction de l'oléoduc. Il comporte toute une série d'échelons ayant trait au développement des forces productives et à l'infrastructure socialede la Sibérie et de l'Extrême-Orient russe, il permettra de fixer sur ce territoire la population en voie de réduction et de faire progresser l'influence russe dans l'hémisphère Est.

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