La promesse de mettre un terme au monopole de Rostelecom sur le marché russe des télécommunications lointaines avant 2007 a été donnée par la Russie au cours des négociations avec l'Union européenne sur son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Rostelecom fait partie de Sviazinvest, holding contrôlé par l'Etat. Comme il fournit des services aux structures de force russes, il est considéré comme entreprise stratégique et, de ce fait, la décision de le privatiser au sein de Sviazinvest requiert un décret spécial du chef de l'Etat. Le face-à-face entre les ministres libéraux, représentés par Guerman Gref, et les structures de force sur le sort de Rostelecom est l'un des nombreux obstacles qui empêchent la mise en vente du paquet d'actions de Sviazinvest appartenant à l'Etat (75% moins une action).
La libéralisation du marché des télécommunications lointaines fait un peu plus la lumière sur le problème. Les analystes n'ont cessé d'affirmer que seule la privatisation pourrait attirer à Rostelecom des managers capables de sauver l'entreprise des conséquences de la méthode de gestion soviétique. Mais Léonide Reïman a déjà déclaré que Sviazinvest ne serait pas vendu dans sa totalité avant 2006. Que signifiera dans ce cas la privatisation ou la démonopolisation de Rostelecom tant qu'il reste intégré dans Sviazinvest? Selon les évaluations, Rostelecom perdrait un tiers de sa part du marché, principalement des clients corporates qui, d'ailleurs, utilisent dès maintenant les services de différents opérateurs. Rostelecom ne gardera que les abonnés individuels qu'il sera obligé de desservir dans de nouvelles conditions, celles de la concurrence avec de nouveaux opérateurs.
Qui sont ces nouveaux opérateurs, cette troïka qui, d'après les experts, a tout à gagner aux prochaines transformations ? Parmi les bénéficiaires les plus probables de la libéralisation les experts citent AFK Sistema et son entreprise MTT (Transit Telecom International), Golden Telecom, partiellement contrôlé par Alfa Group, et la société publique TransTelecom.
MTT a déjà annoncé son projet de lancement de services de téléphonie interurbaine et internationale dès cet été. La société a l'avantage de gérer onze commutateurs locaux dans les régions fédérales et envisage de porter leur nombre à 44 dans les années à venir. Cela veut dire qu'elle ne sera pas obligée à payer aux opérateurs locaux le "dernier mille" (last mile) de la connexion à la ligne principale de Rostelecom. Pour fournir ses services de téléphonie lointaine, MMT, tout comme Golden Telecom, devra louer le réseau du monopoliste Rostelecom.
Le deuxième éventuel candidat à déboucher sur le marché des télécommunications lointaines est Golden Telecom dont un tiers du capital social appartient à Alfa Group. Ce dernier contrôle également la majeure partie de Vympelcom, deuxième opérateur de téléphonie mobile par son importance. Nul doute qu'Alfa Group profitera de sa situation pour garantir des services de téléphonie lointaine bon marché à "son" opérateur. "Alfa Group et Sistema ont besoin d'obtenir une licence parce qu'elle leur offrira l'accès des entreprises qui fourniront des services à leurs autres entreprises de télécommunications", estime une analyste de la société d'investissement Aton, Elena Bajenova.
La troisième société qui souhaite obtenir une licence de télécommunications lointaines est TransTelecom qui appartient au monopole ferroviaire public "Chemins de fer de Russie". Son grand avantage est de posséder un réseau qui englobe toute la Russie, sans être pour autant aussi vaste que celui de Rostelecom. A l'étape actuelle, son réseau ne convient qu'à la transmission de données mais les experts estiment que sa mise à niveau nécessaire pour l'adapter à la téléphonie ne coûterait pas cher. Certains experts doutent cependant que TransTelecom puisse obtenir une licence parce que cela signifierait qu'une entreprise publique en évincera du marché une autre qui appartient également à l'Etat.
D'une façon générale, la libéralisation du marché russe des télécommunications lointaines est un événement significatif qui montre que le gouvernement russe ne renonce pas à ces projets de réformes. La démonopolisation de ce segment du marché des télécommunications a ses avantages et ses inconvénients. La libéralisation rapproche la Russie de l'adhésion à l'OMC et les abonnés russes verront prochainement diminuer leurs factures de téléphonie interurbaine et internationale. Par contre, le holding Sviazinvest fait un pas de plus vers la perte d'une part importante de son marché et de sa valeur, ce qui ne manquera pas de réduire la somme que l'Etat encaissera en le vendant à des privés.