Russie-Japon: le dialogue politique est pratiquement gelé

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MOSCOU, 11 mars - par Andreï Iliachenko, commentateur politique de RIA Novosti.

Junichiro Koizumi a refusé de se rendre à Moscou pour participer aux cérémonies organisées à l'occasion du 60e anniversaire de la Victoire. Nul doute que cette démarche ostentatoire du premier ministre japonais aggravera la stagnation qui persiste dans les relations politiques bilatérales et ne fera pas avancer d'un pouce le dossier des îles Kouriles du Sud dont les Japonais contestent l'appartenance à la Russie.

Plus d'un demi-siècle après la Seconde Guerre mondiale, la Russie et le Japon n'ont toujours pas déterminé le tracé de leur frontière commune dans la région des Kouriles du Sud. Tokyo prétend que ces îles placées actuellement sous juridiction russe doivent être restituées au Japon. Moscou ne nie pas l'existence du contentieux et reconnaît qu'il est grand temps de supprimer cette "anomalie" et de dynamiser les pourparlers sur le règlement de ce litige territorial, avis également partagé par le Japon.

En soulevant la question de la prochaine visite du président russe au Japon, Junichiro Koizumi a clairement formulé sa position: la Russie doit restituer toutes les quatre îles à la fois et sans tarder.

Une position qui n'a rien d'une doléance, c'est un ultimatum qui rend stérile toute négociation, selon le ministère russe des Affaires étrangères. La réponse du MAE indique que ces pressions sont inutiles. Cependant, Moscou semblait avoir senti que Koizumi était sérieusement disposé à aborder le dossier insulaire.

En novembre dernier, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a intentionnellement déclaré: "Parmi les engagements pris par l'Union soviétique, il y a une déclaration de 1956 proposant de restituer au Japon deux îles méridionales et de mettre un point final au problème, a-t-il dit. La Russie étant le successeur en droit de l'URSS, nous reconnaissons l'existence de cette déclaration". Et d'ajouter: "Afin de réaliser cette idée, il faut aumoins deux interlocuteurs. (...) Personne n'a jamais dit comment y procéder concrètement".

Bref, une déclaration jalon qui relance l'intrigue.

Primo, le diplomate russe numéro un a déclaré dans une émission que personne n'a annulé les engagements de la Russie de restituer au Japon une partie des "territoires du Nord". Aucun des prédécesseurs de Lavrov, même le légendaire Andreï Gromyko, ne l'a jamais fait. Une vérité bien gênante.

Secundo, Lavrov laisse entendre, sans ambiguïté, que la Russie reconnaît la possibilité d'un dialogue pratique afin de réaliser cette initiative, qu'elle est prête à entamer des pourparlers de travail compte tenu des réalités juridiques et politiques existantes. Une démarche publique sans précédent - et assez audacieuse - pour la diplomatie russe.

Le président russe l'a confirmé sur-le-champ puis l'a répété au cours d'une conférence de presse, fin 2004. Et ce dans le contexte du règlement du litige territorial avec la Chine qui, après trois ans de pourparlers, a été couronné par la démarcation de la frontière commune.

Hélas, à Tokyo, le ton n'a pas changé: restituer toutes les îles litigieuses à la fois et au plus vite. Impossible de qualifier ce débat de négociations. En janvier dernier, le ministre japonais des Affaires étrangères n'a rien apporté de nouveau à Moscou. Rien d'étonnant donc à ce que l'agenda de la visite de Vladimir Poutine au Japon prévue pour le printemps, où l'on pourrait passer des déclarations publiques à un dialogue concret, commence vite à s'effriter. Après cette démarche de Koizumi, il serait absurde d'évoquer les délais.

La réaction officielle est facile à prédire. Le refus du premier ministre japonais de se rendre à Moscou à l'occasion du 60ème anniversaire de la Victoire peut être interprété comme une nouvelle phase des pressions exercées sur la Russie dans le dossier territorial. Une pause dans le dialogue sur la question des îles est inévitable, et tout porte à croire qu'elle ne sera pas de courte durée.

En plus, pour l'opinion russe, le premier ministre japonais sera immanquablement classé dans la catégorie de ceux qui voient d'un mauvais œil la victoire de la Russie dans la guerre contre le nazisme et se rangera aux côtés des présidents lituanien et estonien qui ont, eux aussi, refusé de participer aux cérémonies. Une réputation peu glorieuse.

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