Le deuxième tour des élections législatives doit se tenir dimanche 13 mars en Kirghizie. Le parlement kirghiz (Jogorkou Kenech) est monocaméral. 28 des 75 députés ont été élus au premier tour. La plupart des députés élus sont des "députés du pouvoir", dit-on à Bichkek. L'opposition comptait recevoir 25 sièges, ce qui lui aurait permis de bloquer les décisions du parlement qui ne seraient pas conformes à ses intérêts. Cependant, de nombreux candidats de l'opposition ont échoué au premier tour.
De toute évidence, l'opposition ne compte plus sur le parlement et se propose d'accélérer les événements sans attendre l'élection présidentielle prévue pour octobre prochain. Selon les informations, on constate une déstabilisation de la situation dans plusieurs régions de la république, surtout dans le sud. Les observateurs n'excluent pas que les élections puissent être sabotées. L'opposition accuse le pouvoir de rendre la situation incontrôlable, de falsifier les élections et invite le président Askar Akaiev à démissionner d'urgence, à annoncer des élections présidentielles anticipées et à former un nouveau gouvernement, après quoi les élections législatives seraient possibles. Autrement dit, l'opposition impose un scénario presque classique de "révolution de velours".
Bien avant le premier tour du 27 février, tout le monde estimait que les élections législatives en Kirghizie se dérouleraient sous le signe d'une âpre lutte entre le pouvoir et l'opposition. L'opposition a reproché au président en exercice Askar Akaiev de briguer un troisième mandat, en violation de la Constitution de la Kirghizie. Quant à Askar Akaiev, tantôt il affirmait n'avoir pas l'intention de changer la Constitution, tantôt il se confinait dans le mutisme. Peut-être que tout aurait pu s'arrêter là, mais le spectre de la révolution de velours qui est apparu dans la république a considérablement aggravé la situation. L'opposition a fait de son mieux pour matérialiser ce spectre, mais le pouvoir a affirmé, au contraire, que la Kirghizie n'était pas la Géorgie, et encore moins l'Ukraine, et qu'il n'y avait dans la république aucune prémisse de révolution de velours.
A la veille des élections, les parents des "diplomates contestataires" qui n'ont pas été enregistrés en qualité de candidats à la députation au parlement ont organisé une action de protestation. Les militants de l'opposition ont tenu quelques meetings qui ont rassemblé 200 à 300 personnes, les manifestants portant des banderoles jaunes avec les slogans "A bas Akaiev". Le journal "Ma capitale. Nouvelles", porte-parole de l'opposition, s'est efforcé de conférer à ces actions et à ces slogans un caractère massif, mais le pouvoir a fait mine de n'avoir rien remarqué. La lutte électorale s'est arrêtée dans la capitale, mais la dispute entre le pouvoir et l'opposition a été fortement ressentie au cours des élections à Bichkek et dans les centres régionaux du sud de la république.
La situation était différente dans les bureaux de vote des districts et des villages, même à proximité de Bichkek. Pas non plus de "hourra" adressés aux candidats du pouvoir ou du parti du pouvoir "Alga, Kyrghyzstan", mais pour un autre motif.
La société kirghize se distingue, dans l'ensemble, comme par le passé, par les clans et l'élite des bourgs, ce qui guidait les électeurs dans le choix de "leur" candidat. Bien plus, dans certaines des nombreuses circonscriptions électorales de la Kirghizie, les candidats rivaux, principaux prétendants à la victoire, représentaient tel ou tel camp, le plus souvent celui du pouvoir, ce qui n'atténuait nullement l'âpreté de la lutte. Il était impossible de qualifier cette lutte de "politique", mais la protestation était visible, comme on dit, à l'il nu.
L'opposition, pourra-t-elle ébranler la situation ou bien le pouvoir saura-t-il, en fin de compte, contrôler le pays?
Les analystes évaluent différemment la situation politique actuelle à l'intérieur de la Kirghizie. Les uns estiment que la situation est favorable au président actuel, en se fondant sur le fait que le nouveau parlement monocaméral sera composé de députés, pour la plupart, loyaux envers le président en exercice Askar Akaiev, ce qui lui permettra, ainsi qu'à son entourage d'élaborer ensuite un scénario permettant de garder le pouvoir sans craindre l'opposition. D'autres, au contraire, qualifient la situation d'"explosive" et d'imprévisible, même si le parlement s'avère entièrement pro-présidentiel.
De nombreux analystes sont enclins à estimer que les résultats des élections législatives en Kirghizie pourront influer sur la situation politique dans la région dans son ensemble, c'est-à-dire sur l'Asie centrale. En règle générale, on estime que le changement de pouvoir en Kirghizie créera un précédent pour d'autres républiques d'Asie centrale: le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et, probablement, en premier lieu, le Kazakhstan.