Les législatives en Moldavie: pas de révolution

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MOSCOU, 11 mars. (Par Alexeï Makarkine, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques). Avant les élections parlementaires en Moldavie on avait beaucoup parlé d'une possible révolution "colorée", par analogie aux événements qui ont eu pour cadre la Géorgie et l'Ukraine. Toutefois, le scrutin s'est déroulé dans un climat plutôt serein, personne dans les forces d'opposition n'a tenté de faire descendre les gens dans la rue. La guerre politique sera menée par appareils interposés, et ce pour les raisons suivantes.

Premièrement, les élections se sont déroulées dans la "transparence", ce qui a été souligné par les observateurs occidentaux. Signalons quand même que l'Occident a regretté que la Moldavie n'ait pas abaissé son seuil électoral de 6 pour cent, comme le Conseil de l'Europe l'avait recommandé en 2001.

Deuxièmement, les participants à la campagne électorale ont tous réalisé leur programme minimum. Les communistes ont recueilli le plus grand nombre de suffrages (46,1 pour cent), bien qu'accusant un certain recul par rapport à 2001 (49,9 pour cent). Quoi qu'il en soit, ce résultat permet aux communistes de former seuls la direction du parlement et le gouvernement. Par contre, pour élire le président il leur faudra obtenir l'appui de 61 députés, et ici ils seront contraints de négocier avec l'opposition. Si le chef de l'Etat n'est pas élu à l'issue de trois votes, le parlement sera dissous.

Dans le même temps "Moldova démocratique" a réalisé un bien meilleur score (28,41 pour cent) que celui annoncé par les sondages. Cependant, l'objectif du bloc qui était de battre les communistes était irréalisable.

Pour ce qui est des chrétiens-démocrates (HDNP), ils n'ont pu qu'améliorer légèrement leur score réalisé voici quatre ans (8,3 pour cent à l'époque et 9,7 pour cent maintenant). Le HDNP n'est pas devenu la deuxième force politique du pays et la première structure d'opposition influente. Dans ce contexte, le parti ne saurait envisager un scénario "orange". Rappelons que les chrétiens-démocrates avaient placé leur campagne électorale sous le signe de cette couleur. L'électorat nationaliste s'est avéré trop limité.

Troisièmement, les communistes s'étaient assurés du soutien des autorités ukrainiennes et géorgiennes. La réanimation du GUUAM - Union de la Géorgie, de l'Ukraine, de l'Ouzbékistan, de l'Azerbaïdjan et de la Moldavie - dans le cadre de la Communauté des Etats indépendants (CEI) est à l'ordre du jour, ce projet est présenté comme une alternative à l'influence russe dans l'espace post-soviétique.

En ce qui concerne les relations russo-moldaves, elles ont tendance à se dégrader depuis que les communistes ont refusé de signer la version russe du mémorandum sur le règlement transnistrien. Le président moldave, Vladimir Voronine, a délaissé la Russie pour miser sur une amélioration maximale des relations avec l'Occident. L'exportation de la révolution n'est donc plus d'actualité.

Cette situation est avantageuse pour les communistes. Cela pourrait déboucher sur un règlement de la crise "présidentielle". Ici plusieurs scénarios sont possibles. Premièrement, un accord intervient entre le PKRM (communistes) et le HDNP, qui, au premier abord, semble paradoxal car ce sont là des antagonistes idéologiques. Cependant, leur attitude négative à l'égard de la Russie pourrait pousser ces formations à un compromis.

La crise pourrait aussi être résorbée suite à une érosion de "Moldova démocratique", une coalition extrêmement hétéroclite. En attendant, l'opposition déclare qu'elle n'interviendra pas dans le processus d'élection du président, laissant ainsi entendre qu'elle mise sur une dissolution du parlement.

Et ce qui concerne la Russie, le seul succès dont elle puisse se targuer sur l'"axe moldave" c'est la perte par les communistes de leur domination sans partage sur l'échiquier politique moldave. "Moldava démocratique" fait désormais figure de contrepoids aux communistes au parlement, une situation qu'elle doit dans une grande mesure au soutien accordé par la Russie. Pour tout le reste, les résultats des législatives ne devraient pas inciter Moscou à pavoiser.

Premièrement, les communistes contrôlent toujours le parlement et le gouvernement et restent la première force politique du pays.

Deuxièmement, le caractère pro-russe de "Moldova démocratique" est très conventionnel, les leaders du bloc ont déclaré à plusieurs reprises qu'ils se prononçaient pour l'intégration européenne de la Moldavie et qu'ils s'abstenaient seulement de mettre en opposition les orientations "pro-russe" et "pro-occidentale" dans la politique étrangère.

Troisièmement, l'attitude très dure des autorités moldaves à l'égard des observateurs envoyés par la Russie et la Biélorussie n'a pas suscité de protestations tant soit peu appuyées au-delà des frontières de ces pays. Rappelons que 46 Biélorusses et 100 Russes avaient été expulsés la veille du scrutin pour avoir voulu faire office d'observateurs dans le cadre de la mission provisoire de l'organisation non-gouvernementale pour les élections dans les pays de la CEI (CIS/EMO). Auparavant les autorités moldaves avaient refusé la présence aux élections d'observateurs officiels de la CEI: les seuls observateurs russes à avoir suivi les législatives sont ceux qui faisaient partie des missions de l'OSCE et de l'APCE. Les technologues politiques russes collaborant avec l'opposition - deux d'entre eux ont été interpellés - ont été expulsés du pays. Ces faits ont suscité des protestations énergiques des structures officielles russes (ministère des Affaires étrangères, parlement) qui ont estimé que des sanctions devaient être prises contre la Moldavie. Cependant, l'Occident a pratiquement fait sien le point de vue des autorités moldaves qui ont prétendu que certaines forces dans le pays voulaient créer une opposition organisée au pouvoir.

Dès après la publication des résultats des élections, le président Vladimir Voronine a déclaré que la Moldavie était prête à entreprendre des démarches en direction de Moscou en vue de régler le conflit transnistrien. Mais en soulignant toutefois que bien que la politique de la Moldavie ne soit pas contraire aux intérêts de la Russie, "cette dernière doit bâtir ses rapports avec la Moldavie comme avec un Etat souverain indépendant et non pas une ancienne république soviétique". Le président moldave a une nouvelle fois prétendu qu'une "ingérence étrangère" s'était manifestée pendant la préparation et la tenue des élections législatives en Moldavie. Ces propos attestent que la tension dans les relations bilatérales pourrait persister après le scrutin.

Les autorités moldaves ont voulu ainsi montrer que l'intégration européenne est une priorité pour Chisinau. Cependant, présentement cette perspective semble assez problématique moins en raison du retard économique de ce pays par rapport à la plupart des Etats européens, que de la persistance de la question transnistrienne (seul un Etat n'ayant pas de problèmes territoriaux peut faire partie de l'Europe unie). On doute fort que les communistes puissent régler cette question. En effet, au cours des quatre dernières années les choses dans ce domaine n'ont pratiquement pas bougé.

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