Boeing en Russie : le plus gros projet économique du monde

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MOSCOU. /par Andréi Kisliakov, commentateur politique de RIA Novosti/. Parmi les succès de la récente rencontre des présidents russe et américain à Bratislava on évoque la décision d'approfondir la coopération scientifique et technique bilatérale dans les branches avancées : technologies de l'information, aviation, cosmonautique.

Les exemples les plus connus de cette coopération sont la Station spatiale internationale (ISS) et les projets d'exploration de la Lune. L'activité du géant aérospatial américain Boeing en Russie intéresse directement tous ces travaux et plans.

Les presque 90 ans d'existence du groupe américain reflètent tout le chemin parcouru par l'aviation et la cosmonautique mondiale, depuis la construction par son fondateur, William Boeing, d'un avion postal à l'assemblage de la Station orbitale internationale. Boeing est le numéro un mondial de la construction de fusées porteuses, de satellites de télécommunications, d'avions civils et militaires. Le groupe détient des positions de leader dans le domaine de la D.C.A., des vols spatiaux pilotés, de l'orbitalisation d'appareils spatiaux. Il est aussi un des plus gros exportateurs américains.

Pourquoi le marché russe s'est-il avéré si attrayant pour lui que, d'après son vice-président Thomas Pickering, "jusqu'à un quart du temps de travail de la société a été consacré à la Russie" dès 2001? Pourquoi le coût de ses programmes de coopération avec la Russie s'est-il élevé l'année dernière à l'énorme somme de 2,3 milliards de dollars?

M. Pickering, ancien diplomate haut placé et ambassadeur à Moscou, répond ainsi : La Russie présente des avantages évidents par rapport à d'autres pays parce qu'elle possède un potentiel intellectuel inédit dans les branches clefs qui déterminent aujourd'hui le potentiel scientifique et technique de tout pays. Ce sont les technologies de l'information, les recherches scientifiques et les bases techniques.

"C'est à Moscou qu'a été ouvert l'unique centre technique de Boeing à l'étranger. Nous avons des contacts étroits avec les sociétés russes du secteur high-tech. La Russie, pour Boeing, est le partenaire le plus avancé du point de vue de la technologie", explique Thomas Pickering.

Cette dernière phrase traduit le sens de l'idée de bâtir des relations avec les partenaires russes. L'objectif poursuivi n'est pas de tirer un avantage momentané de quelques opérations de vente ou d'achat, mais de mettre en place un travail planifié de renforcement du partenariat stratégique en faisant au maximum appel aux potentialités russes. Cette approche ouvre de nouvelles voies de développement à la Russie et permet de créer des secteurs économiques très performants, donc compétitifs. Elle renforce en même temps les positions de Boeing dans l'arène économique et militaro-politique mondiale.

Plusieurs programmes conjoints qui se développent avec succès sont dès maintenant déterminants pour l'avenir de la cosmonautique mondiale et peuvent aboutir prochainement à la création de produits qui seront les meilleurs dans leur classe. Notamment les programme ISS et Sea Launch.

L'ISS est le plus grand projet international de notre époque. Pour le réaliser, il a fallu mettre en commun des ressources financières et techniques et aussi l'expérience, en premier lieu de la Russie et des Etats-Unis, ainsi que du Canada, de l'Italie, du Japon et des pays membres de l'Agence spatiale européenne.

Les entreprises pilotes du programme sont le groupe Energia, du côté russe, et Boeing, du côté américain. Réunis à Moscou le 4 octobre 1993, les représentants d'Energia, de la NASA et de Boeing, ont accepté la proposition du Centre spatial russe Khrounitchev d'utiliser en qualité du premier élément de l'ISS le module cargo Zaria, comparable aux vaisseaux de transport lourds et aux modules de stations orbitales créés par le Centre au cours de plus de vingt ans.

Pendant les travaux de construction de Zaria, Boeing a proposé deux modifications importantes qui ont sensiblement amélioré les performances de l'ISS à la première étape de son déploiement.

En novembre 2001 les deux parties ont signé un contrat qui brossait les principaux aspects de l'exploitation commerciale en commun du deuxième module russe, FGB-2, a condition que le partenaire américain se charge de financer les modifications nécessaires.

Lors du dernier sommet spatial qui a eu lieu à Noël à Montréal, la Russie et les Etats-Unis ont une nouvelle fois confirmé leur intention d'achever la construction de la station à l'horizon de 2010. Complètement déployée, l'ISS jouera un rôle fondamental dans la préparation d'expéditions pilotées vers la Lune et vers Mars qu'il est impossible de réaliser avant d'avoir testé, sur une orbite circumterrestre, les principales étapes d'un vol interplanétaire habité.

En ce qui concerne Sea Launch, il y a lieu de noter qu'il s'agit d'une technique révolutionnaire de lancement de satellites commerciaux lourds et d'une coopération d'un niveau absolument nouveau entre partenaires publics et privés.

Sea Launch est une entreprise internationale privée créée par Boeing, la Banque mondiale, Energia, le bureau d'études ukrainien Youjny et la société norvégienne Quarner.

Le programme a ceci de particulier que les satellites sont orbitalisés par une fusée lancée depuis un pas de tir flottant en pleine mer. Depuis 1999, quinze lancements ont été effectués. Le chiffre d'affaires des entreprises russes et ukrainiennes dans le cahier des commandes de l'année en cours et de l'année suivante s'élève à 200 millions de dollars par an.

Mais Boeing ne serait pas Boeing s'il ne cherchait pas à prendre pied sur le marché russe de l'aviation civile.

Le programme fort prometteur RRJ (pour Russian Regional Jet) sur lequel le géant américain travaille depuis avril 2001 de concert avec le groupe russe "Avions civils Soukhoï" a pour objectif de créer le meilleur appareil du monde dans sa catégorie qui sera commercialisé en Russie et à l'étranger. Le marché russe de l'aviation reste à conquérir. Les représentants d'Aeroflot et des autres compagnies se plaignent du manque d'appareils longs-courriers pour 90 à 95 passagers, classe optimale qu'imposent les conditions de la Russie. C'est sur un tel projet commun que nous travaillons", a précisé Thomas Pickering.

Le programme RRJ a été lancé à plein rendement en novembre dernier après une rencontre de travail du ministre russe de l'Industrie et de l'Energie, Viktor Khristenko, avec le président et directeur exécutif de Boeing, Harry C. Stonecipher.

Le document final de cette rencontre (Mémorandum sur la compréhension) prévoit entre autres choses l'étude du projet RRJ, Boeing-7E7, dont le premier appareil doit être livré en décembre 2007.

Ce programme et le créneau aéronautique de Boeing sont sûrement approvisionnés en matière première. Dans ce cas concret, il s'agit d'encore une composante de la coopération - métallurgique - mise en place entre le groupe américain et le complexe métallurgique de Verkhnaïa Salda (VSMPO).

A la fin de l'année dernière, les deux entreprises ont convenu, dans le cadre de l'accord de partenariat stratégique, que les Américains augmenteraient considérablement leurs achats de titane à VSMPO pour la construction de leurs avions civils. Il est donc envisagé de poursuivre l'élaboration de nouveaux alliages de titane et de technologies au niveau du centre d'innovations Boeing-VSMPO.

Tout cela pris ensemble est le projet inédit "Boeing en Russie".

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