La Lune plus près depuis l'ISS?

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MOSCOU, 3 février. (Par Andreï Kisliakov, commentateur politique de RIA Novosti). On a parfois l'impression que les ambitions séléno-martiennes dans l'astronautique mondiale seraient capables d'estomper tous les problèmes de l'étude de l'Univers, parmi lesquels on trouve à la première place le sort de la Station spatiale internationale (ISS). Au demeurant, ce sort, qui depuis deux ans est entièrement entre les mains de la Russie, semble préoccuper davantage les Russes que les autres partenaires du programme ISS.

De nos jours, tous ceux qui sont plus ou moins impliqués dans l'activité spatiale ont la Lune en ligne de mire. L'Inde a annoncé des plans audacieux d'études orbitales du satellite de la Terre. La Chine possède un programme lunaire cohérent et un Centre de préparation de la première expédition pilotée ouvrira prochainement ses portes à Shanghai.

En ce qui concerne les Etats-Unis, l'année 2004 s'est entièrement déroulée à la National Aeronautics and Space Administration (NASA) sous le signe des réformes structurelles du premier département spatial du pays, qui désormais a pour mission de diriger le programme présidentiel de vols interplanétaires. En toute justice, il faut quand même signaler que la reprise des vols des navettes spatiales - directement responsables de la stagnation et du sous-financement dramatique du programme ISS - n'a pas été oubliée. Un véhicule modernisé serait d'ailleurs prêt à être lancé en mai-juin.

Tout ceci a été rapporté par le directeur démissionnaire de la NASA, Sean O'Keefe, au cours d'une rencontre de représentants des pays partenaires du programme ISS, qui s'est tenue dernièrement à Montréal. Or, cette réunion était consacrée à une seule et unique question: comment réanimer le programme de la station, le développer et, en principe, le mener à son terme, c'est-à-dire achever l'assemblage de l'ISS et y réaliser des recherches scientifiques dans les meilleures conditions possibles. Par conséquent, dans l'ensemble tout va bien. Lors de la conférence de presse donnée à Montréal à l'issue de la rencontre, le directeur de la NASA a exprimé sa reconnaissance aux partenaires russes pour leurs grands efforts en vue de maintenir en état le complexe orbital après la catastrophe survenue à la navette Columbia le 1-er février 2003. De son côté, le directeur de Roskosmos, Anatoli Perminov, a dit que les parties étaient tombées d'accord sur ce qu'il fallait faire pour développer la configuration de l'ISS en 2005. Ceux qui ont été chargés d'élaborer les projets pour 2006-2010 ont été désignés. Seulement tout dépend en premier lieu de la reprise des vols des navettes. Qui nous permettront de faire avancer le programme piloté de l'ISS, a dit en conclusion Anatoli Perminov.

Tout ceci est bien beau, mais...

Premièrement, tout en prévoyant la remise en service des chuttle, les Américains ont limité le nombre des vols des navettes vers la station orbitale. A présent on estime que 28 lancements au total suffiront pour achever le complexe d'ici à la fin de la décennie. Et ce alors qu'à cap Canaveral des tonnes et des tonnes de matériels fournis par différents pays sont en attente de départ pour l'ISS. En outre, la stratégie actuelle de développement de la station suppose que l'équipage permanent passe de deux à six membres. Ce qui rend nécessaires des lancements supplémentaires. Et pas toujours programmés s'il s'agit d'opérations de secours. Quoi qu'il en soit, la partie américaine ne cache pas qu'à des fins de sécurité elle entend réduire au minimum le nombre de lancements de navettes. De l'avis du patron de la NASA, le meilleur moyen de réduire les risques, c'est de réduire le nombre de vols. Selon lui, cette manière de voir répond le mieux aux intérêts des partenaires du projet ISS. C'est là une logique intéressante, si toutefois elle existe en tant que telle, mais néanmoins douteuse.

Deuxièmement, la presse a fait état de piques lancées par la partie américaine contre les collègues russes au sujet des formulations du texte de la déclaration finale rendue publique lors de la conférence de presse donnée à Montréal.

La situation a partiellement été éclaircie par le porte-parole de Roskosmos, Viatcheslav Davidenko, qui a souligné que lors de la rencontre préalable des directeurs adjoints de Roskosmos et de la NASA, respectivement Nikolaï Moïsseev et Fred Gregory, la partie russe avait mis l'accent sur l'inadmissibilité des formules ambiguës dans le document final de la rencontre. Il s'agissait justement des interprétations américaines admettant l'éventualité d'un retrait unilatéral des Etats-Unis du programme ISS.

Evidemment, il est peu probable que les Américains se résignent à cette démarche car elle pourrait leur causer un préjudice grave. Par contre, ils pourraient appuyer sur le frein tout en simulant une grande activité et en faisant valoir leur attachement aux plans initiaux.

Les propos du professeur Roald Sagdeev, de l'Université de Maryland, membre de l'Académie des sciences de Russie, et de la présidente du Conseil de tutelle de l'Institut Eisenhower de Washington, Suzanne Eisenhower, qui à la fin du mois de janvier a présenté à Moscou le livre "Le Partenariat dans l'espace" consacré au bilan de dix années de coopération russo-américaine dans ce domaine, attestent que l'optimisme final du sommet spatial de Montréal ne reflète pas très bien, pour ne rien dire de plus, l'état d'esprit de certains participants au projet. Aujourd'hui le sort de l'ISS est indéterminé, a relevé Roald Sagdeev. Pour celui-ci, cela est dû au fait que dans la société américaine il y a des forces qui estiment que l'apport de l'ISS aux recherches spatiales est insuffisant. Après la tragédie survenue à la navette américaine de nouveaux débats ont été engagés. Des propositions ont même été faites de geler la participation des Etats-Unis à ce projet, a dit Roald Sagdeev.

Ce point de vue est partagé par Suzanne Eisenhower, la petite-fille du34e président américain, qui a ajouté que le programme séleno-martien proposé par George W.Bush réorientait quelque peu la politique de la NASA vis-à-vis de la station. A présent l'ISS est considérée par les dirigeants américains comme un polygone pour la construction future de bases lunaires et des vols pilotés en direction de Mars, a déclaré l'académicien Sagdeev.

On ne saurait mettre en doute la compétence de Roald Sagdeev et de Suzanne Eisenhower, des personnalités très proches des hautes instances scientifiques et politiques des Etats-Unis. Mais alors, tout ce qui a été dit reste sur la conscience de ceux qu'ils ont évoqués. Or, le destin du complexe orbital se trouve toujours dans d'autres mains.

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