L'inflation en Russie frappe les pauvres

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MOSCOU, 27 janvier (par Nina Koulikova, commentatrice économique de RIA-Novosti). En 2004, l'inflation en Russie a été de 11,7 % (contre 12 % en 2003), elle a dépassé le pronostic pessimiste du gouvernement russe fixé à 10 %. Le prix des produits de première nécessité a cru de 20 à 30 %, ce qui suscite l'inquiétude de nombreux citoyens russes.

Le taux d'inflation est toujours un indice relatif, une moyenne. De plus, cet indice diffère beaucoup en fonction des régions et des catégories de produits. Le taux d'inflation dépend de la méthode de calcul, souvent imparfaite, des erreurs dans son application et du degré de la pression politique exercée sur les services statistiques. Que signifie donc l'indice de 11,7 % en Russie? Ce n'est qu'un repère, une moyenne par rapport à la moyenne, indice qui ne suscite aucune protestation intérieure.

Cependant, quand on voit les prix des produits et des services de première nécessité, le tableau qui se présente est tout à fait différent. En 2004, les prix des produits alimentaires de base, des services et des produits non alimentaires se sont accrus en Russie à des cadences dépassant l'inflation.

Ainsi, les prix du pain et d'autres articles de panification qui sont les produits alimentaires de base pour les Russes se sont accrus de 16,7 % en un an, ceux de la viande de boeuf et du porc, respectivement, de 26,3

et de 34 %. La hausse annuelle des prix du lait et des produits laitiers a été de 12,8 %, celle du poisson et des fruits de mer, de 11,5 %.

La hausse importante des prix de la viande s'explique, pour l'essentiel, par la récente introduction en Russie des quotas à l'importation.

Les importations se réduisent pour soutenir le producteur national, mais ce dernier n'est pas encore prêt à accroître substantiellement l'offre. Cela étant, dans le contexte de la pénurie de la viande sur le marché mondial, la hausse des prix de la viande de boeuf et du porc a atteint en Russie environ 30 %.

Les autorités russes expliquent la hausse rapide des prix d'autres produits alimentaires par les prix élevés des produits agricoles, surtout des céréales et des produits afférents. La forte hausse des prix des carburants et des lubrifiants conduit à l'augmentation des prix des produits agricoles. En 2004, la hausse des prix de l'essence (31,3 %) a joué un rôle crucial dans l'augmentation des prix des produits non alimentaires, ce qui ne peut pas ne pas se répercuter sur tout le reste.

Les tarifs des services à la population, surtout communaux, se sont également accrus considérablement. Ils ont augmenté particulièrement vite en 2004 (de 23,5 %, dépassant de deux fois le taux d'inflation en 2004). En 2004, les tarifs du transport des passagers se sont accrus de 18 %, ceux des soins médicaux, de 15 %.

La hausse des prix des services et de l'essence est difficile à expliquer autrement que par la monopolisation des marchés, ce à quoi les autorités n'arrivent pas à mettre fin, on ne sait pourquoi. De l'avis d'Andrei Netchaiev, président de la Corporation financière de Russie, la politique de l'Etat dans le domaine de la formation des prix a joué son rôle dans la situation actuelle. Ces dernières années, ce sont justement les prix réglementés ou, au moins, contrôlés par l'Etat qui montent à des cadences accélérées.

Les prix des articles qui ne sont pas de première nécessité et les objets de luxe se sont accrus beaucoup plus lentement. Il s'avère que les couches sociales peu aisées, dont la consommation se limite aux produits et aux services les plus nécessaires ont pâti le plus de la hausse des prix en 2004. Or, ces couches représentent au moins 40 % de la population du pays. En outre ce sont les couches les plus aisées qui bénéficient de l'accroissement des revenus le plus significatif. C'est pourquoi le taux d'inflation de 11,7 % ne reflète pas tout à fait la hausse des prix dont souffrent les personnes démunies en Russie.

Les pronostics ultérieurs nesont guère rassurants. Le ministère du Développement économique prévoit un taux d'inflation de 7,5 à 8,5 % à la fin de 2005. De l'avis de nombreux experts, les chiffres de 9,5 à 11 % sont plus réalistes.

Selon Mikhail Zadornov, président du sous-comité de la Douma pour la politique monétaire et des crédits, l'inflation sera pour 2005 de 9,5 à 10 %, car toute une série de facteurs ont déjà créé des tendances inflationnistes pour l'année prochaine.

Certains facteurs ne permettent pas d'espérer régler le problème de l'inflation cette année. Premièrement, à partir de 2005, la population paiera les charges à 100 % de leur coût. Selon les estimations des experts, les tarifs augmenteront d'une manière accélérée durant toute l'année. Le gouvernement a déjà prévu pour cette année une hausse des prix du gaz de 23 %, de l'électricité, de 9,5 % et du transport ferroviaire, de 8,5 %.

Deuxièmement, en 2004, la hausse des prix des produits industriels a dépassé considérablement celle des prix des biens de consommation. En, 2004, l'inflation industrielle a constitué en Russie 28,3 %. Il est à remarquer que cet accroissement de l'inflation s'est concentré, pour l'essentiel, dans le secteur des combustibles et des matières premières. 63,6 % de l'accroissement total de l'inflation dans l'industrie concernent le complexe combustibles-énergie et les secteurs des matières premières. Par conséquent, cette année, ces chiffres se répercuteront inévitablement sur le secteur de la consommation. Les services communaux et les compagnies de transport seront contraints d'augmenter les tarifs à cause de la hausse des prix de la houille, du mazout, de l'énergie et de l'essence enregistrée l'année dernière.

On voit donc que tout ne va pas pour le mieux dans la politique socio-économique appliquée en Russie. La réaction de la population au remplacement des avantages par des compensations en argent a démontré que la contestation sociale gronde. L'indexation des compensations retardera probablement sur la hausse des prix des produits et des tarifs des services des monopoles naturels. Dans ce contexte, la hausse des prix des produits et des services de première nécessité peut devenir un facteur supplémentaire de tension sociale.

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